Veille Permanente Classisme

17 Septembre 2007
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hfgfd
@Dame Verveine On est d'accord pour dire qu'elle est saoulante clairement. Comme Garance Doré j'abandonne, je peux pas.
J'avoue que j'ai du mal à comprendre qu'on soit aussi méprisante (mais mon échelle du mépris est peut être un peu sévère) pour quelques commentaires sur Instagram, le rapport fait/réaction me semble clairement exagéré et pédant. Meme avec mes 50 followers sur Instagram j'ai au moins 2 spams par semaine, je m'en fous je supprime et basta. Si c'était des trucs mensongers je comprendrais mais la j'ai du mal surtout quand de l'autre coté certains ont droit au respect de leur travail. C'est en ca qu'il y avait un truc qui me ramenait au classisme. Pourquoi elle a droit eu respect de son travail (le bio je m'y connais pas, c'est le Côté grande distribution qui me gene) et pas le CM ou le service client? Perso, je trouve qu'insulter un mec qui ne fait que son boulot c'est jamais une bonne idée et je trouve que ca frole le classisme. Ça me rappelle mon dernier stagiaire que j'ai clairement explosé contre le mur le jour où il a mal repondu à un télé prospecteur. On doit tous manger et parfois on doit faire de la merde pour mais on peut pas tous gagner nos vie en étant blogueur.

@AngelTen Richard II Je suis plutot d'accord. Pas mal de mes potes à leur compte me tiennent au courant de ce qu'ils vivent et c'est pas forcement évident (ma coiffeuse envisage de retourner bosser dans son pays parce qu'elle etouffe) Seulement là c'était abordé comme des charges (ce sont des cotisations en vrai) et uniquement via ce biais, comme si ces entrepreneurs me faisaient la charité. On oublie juste de dire que c'est pas vraiment différent des salariés (hors risque, on parle que des cotisations), je payais 20% de cotisations sur mon salaire. Je suis pas hyper calée mais c'est vraiment juste ce truc de "les entrepreneurs sont toujours des gentils que l'Etat saigne avec ses charges" sauf que c'est pas toujours le cas. C'est vraiment ce truc d'un côté les "créateurs d'emploi" de l'autre les "boulets" sauf que sans les boulets vous avancez pas en vrai.
 
13 Janvier 2011
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J'ai discuté récemment de cet article de Madmoizelle avec une amie: J'ai 15 ans en 2016: mon quotidien, mes envies, mes peurs, et, au delà des trucs hyper généralisants (le passage sur New York :lol:), il y a pas mal de choses qui m'ont fait penser à la VP Classisme (et non, c'est pas le fait que cet article soit un portrait de lycéenne aisée, si ça ne généralise pas à tous les jeunes de 15 ans à la rigueur on s'en fout, même si c'est assez révélateur du lectorat du mag).

Je pense surtout au passage en mode "je sais pas quoi faire de ma vie" suivi après d'une référence aux "écoles"... (et Sciences Po Paris cité à la fin). Je trouve ça quand même révélateur d'un certain milieu socio-culturel: le fait que, même si tu sais pas ce que tu veux faire de ta vie, ce qui plane, c'est "les écoles".

Perso durant tout mon collège comme mon lycée c'est une idée qui ne s'est jamais présentée, quelque chose dont juste personne nous parlait, je pense aussi à la prépa: vers la fin de mon année de terminale ma prof de litté m'a dit: "mais, vous avez pas fait de dossier pour une prépa?!", et moi en mode "bah non'. L'aurait peut-être fallu qu'on m'en parle avant... Je savais que ça "existait" mais j'ai jamais pensé que c'était "pour moi", faut dire que je savais tout simplement pas (et je sais encore pas, je me suis jamais penché dessus) à quoi ça menait. Aux "Grandes Écoles", ok, mais concrètement qu'est-ce que c'est, mmmh, no idea. Enfin si, la représentation que j'en avais à l'époque, c'était prépa = élèves poursuivant en "grandes écoles" pour finir hauts-fonctionnaires comme papa-maman.

Du coup quand ça causait ici prépa ça m'a fait réfléchir (et grandement fait bizarre :ko:) quand est sortie l'idée d'absence de reconnaissance, que les prépas litté seraient quelque chose de mal considérées, j'étais un peu en mode :oo: Et si je comprends bien l'idée que ça peut être mal considéré par rapport à des prépas et écoles encore plus prestigieuses, mais vu le pourcentage d'étudiants dans ces filières par rapport aux étudiants en général, et par rapport au nombre total de jeunes dans cette tranche d'âge, ça m'interroge vraiment ce type de perception :hesite: (ou en tout cas sur quelles classes sociales ont ce type de représentation, donc ça m'interroge de manière général sur l'espèce de fossé qu'il y a au niveau de ce type de représentation).

Sur ce topic ça parlait élèves boursiers en prépa et Écoles etc etc et je trouve ça très bien, mais du coup ça me refait poser le problème du capital culturel: l'ambition et le manque d'ambition au niveau des études. Pas que je pense que l'ambition soit forcément un truc positif ou quoi, ni que je lies forcément l'ambition à de "grandes études" mais il y a vraiment un souci au niveau du manque de choix dans notre société, financier bien sûr mais au niveau aussi des représentations de ce qu'on PEUT faire.

J'en ai discuté il y a peu avec une collègue à moi, qui vient un peu du même milieu que moi, et on parlait des amis du collège, et, à une vingtaine d'années de différence (elle est plus âgée que moi) on faisait le même constat sur le nombre de personnes de notre connaissance (du collège et du lycée) qui aient fait des études, qui soient "sorties" du village (spoiler: très peu). Par manque de moyens pour un certain nombre, certes, mais aussi (et surtout?) par manque d'idée qu'on "peut faire autre chose".
La reproduction sociale a encore de très beaux jours devant elles :neutral:
Je pense aussi aux parcours des élèves de mon lycée qui comme moi ont poursuivi après leurs études (quel type d'études, etc) et ça me rappelle ma tête en mode WTF quand j'ai lu le détail des classements des meilleurs lycées, le pourcentage de mentions au bac, de reçus en prépas / à Sciences Po / etc (et tout simplement de gens qui pensent à y aller) mais aussi la conception de ce que c'est qu'une "bonne note au bac" / une "mauvaise note au bac" et d'autres trucs du genre dans d'autres articles et commentaires sur le net. J'avais vraiment l'impresison de lire la description d'un autre monde, par contre là où j'ai pas été étonnée c'est en voyant où étaient situés et comment s'appelait les lycées en question.
J'avais beau être déjà bien consciente des inégalités sociales dans les études mais ça m'a fait tout bizarre de recroiser encore cet espèce de représentation complètement différente qu'on peut avoir d'un lycée / d'un milieu social à l'autre de ce qu'est la réussite et la définition de bonnes études / d'études "à faire" :neutral:
Pour illustrer je reviens sur l'exemple de la représentation dans la tête des gens de la prépa littéraire qui m'a fait réfléchir: dans certains milieux de ce que j'ai donc lu c'est donc visiblement considéré comme un truc pas très bien considéré, qui manque de crédibilité, alors que dans d'autres, comme dans les classes moyennes que je connais, bah c'est vraiment très très très bien vu niveau future carrière j'ai l'impression, et dans les classes populaires ça me semble être vu pareil mais avec en plus une idée de filière réservée à l'élite (comprendre: pas pour soi, pas pour ses enfants, dans le sens où on t'en parle même pas tellement le truc est un impensé).

J'ai aussi franchement du mal avec cette idée de "mérite", comme espèce d'antidote magique à la panne globale d'ascenceur sociale, et aussi parce que j'ai l'impression que cette idée est souvent utilisée pour ne pas interroger le système. En gros je me demande: c'est quoi, le mérite?
C'est un comportement que j'ai souvent croisé quand je discutais avec des gens de mon âge issus de milieux relativement aisés (classes moyennes supérieures et plus): le fait de reconnaître les inégalités, la reproduction sociale, mais en même temps, m'assurer bien que "je suis conscient de ça par contre moi je mérite ma place, j'ai beaucoup travaillé, j'ai du mérite bla bla".
Et ça m'interroge toujours, car ce "mérite", il s'inscrit dans quel contexte? C'est quoi, dans l'absolu, "avoir du mérite"? Travailler dur? Travailler plus que machin à côté de moi? Travailler pareil mais venir d'un milieu moins aisé que machin à côté de moi?
Je trouve que cette idée de "mérite" est souvent utilisée pour ne pas reconnaître ses privilèges de classe (attention attaque de gros concepts :lunette:). Alors que ben, c'est pas grave de venir d'un milieu plutôt aisé :shifty: Au contraire, c'est plutôt cool :dunno: (disons que ça fait une écharde de moins dans le pied). Venir d'un milieu aisé ne veut pas dire que la personne ne travaille pas, ne se bat pas pour décocher une meilleure place, etc.

Par contre remettre le "mérite" dans le contexte, avec le capital culturel (j'y met dedans aussi l'ambition, l'information à disposition, des parents bienveillants vis à vis de l'école voire qui poussent à la réussite, etc) et le capital financier me semblerait plus sain.
Enfin tout ça pour dire que ça m'irrite un peu cette histoire de mérite, protéiforme, jamais défini, rarement remis en contexte, car à chaque fois que j'en ai entendu parler c'était:
- de la part de "transfuges de classe" en mode "quand on veut on peut", regardez-moi j'ai réussi, bougez-vous le cul bande de moule, la reproduction sociale? Ch'ai pas ce que sait.
- de la part de personnes issus de milieux plutôt aisés qui trouve que la reproduction sociale ça existe et c'est pas cool mais hola attention ça s'arrête aux barrières de leur cas personnel, attends eux "ils ont du mérite" (pas les autres, les méchants des classes aisés dont ils ne font bien évidemment pas partie...)

Et ça m'interroge autant que ça me dérange :hesite: :ninja:
 
20 Janvier 2013
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@LadyStardust
Je t'avoue que j'ai toujours eu du mal avec la notion de mérite dans le milieu scolaire.
Déjà parce que merci mais on jette tous ceux qui ont des difficultés alors que ce n'est pas forcément de leur fait.
Ensuite, je trouve que l'écart se creuse encore quand on arrive dans les études supérieures. Quand je vois la différence de situation de ceux (et dont moi) qui n'étaient pas obligés de travailler car nos parents pouvaient nous payer nos études et notre logement et ceux qui étaient obligés de travailler à côté...

J'ai l'impression qu'on sort le mérite pour féliciter tous ces gens qui malgré leurs difficultés ont réussi à s'élever dans l'échelle sociale (et ils n'en manquent pas c'est certain) mais à cause de ça on n'essaye pas de régler les difficultés et de rendre le chemin plus facile pour tous...
 

Pochemuchka-Lilou

anciennement Lilou la licorne
31 Octobre 2014
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@Lady Stardust Je suis globalement assez d'accord avec toi. Je viens donner mon petit son de cloche perso sur la prépa littéraire (j'en ai fait une).

Autour de moi, c'était très bien considéré. C'était même "classe", certaines personnes hors du système de prépa étaient impressionnées quand elles apprenaient quelles études je faisais (alors que j'ai pas l'impression d'être très intimidante mais bon :yawn:).

Alors oui, il y avait une différence nette avec les autres prépa (scientifiques et et éco), mais je ne dirais pas que ma prépa littéraire était déconsidérée, autour de moi. Tout au plus c'était au même niveau que la guéguerre entre les S et les L au lycée (je sais pas si vous avez connu ça vous, mais mon lycée privé était très axé filières générales, c'était une usine à S et nous les L étions considérés comme des originaux).
La prépa littéraire, même si elle apporte un joli truc sur le CV, est clairement moins "efficace" en termes d'emploi, en moyenne, qu'une prépa économique ou scientifique. Il y a beaucoup moins d'écoles, et celle qui est préparée en priorité, l'ENS, est assez difficile à avoir, donc ça laisse plein de gens sans école à la fin de la prépa. Mais c'est pas la fin du monde pour autant, loiiiiin de là, puisqu'il y a quand même d'autres études possibles. Autour de moi, les gens ont eu des parcours comme :
- fac : lettres (beaucoup de profs haha), droit, langues, histoire, géo...
- ENS
- école "autre" (pas l'école préparée) : sciences po, école de commerce, de journalisme, de communication...

La guéguerre n'était pas totalement asymétrique pour autant (aka : ces pauvres littéraires brimés par les autres prépas). En effet, en prépa lettres, on trouve tout plein de gens blindés de mépris (j'en ai côtoyé heureusement fort peu, mais ça existe, c'est un vrai phénomène). De mépris notamment parce que ces messieurs-dames se considèrent comme les vrais intellectuels, parce qu'iels s'occupent d'art et non de choses bassement matérielles comme les sciences ou l'économie :lunette:. Elleux planent dans les hautes sphères m'voyez. Sans se rendre compte une seule seconde que les branches littéraires sont souvent celles avec la plus forte reproduction sociale (en plus il en sort plein de profs, un des métiers les plus soumis à ladite reproduction sociale), que la prépa littéraire sélectionne majoritairement des personnes avec un capital culturel très important (parce que les parents qui encouragent à lire des livres et à bosser la philo en terminale, c'est pas partout :lol:)...

Après des personnes croyant dur comme fer au mérite en prépa, j'en ai croisé à la pelle, de tous types de prépa, et chez elleux c'était de la naïveté plus que du mépris. Une pensée pour mon pote en maths spé qui voyait la prépa comme l'incarnation de la méritocratie alors qu'il était fils de polytechnicien :lunette:.
Et si cette place accordée au mérite est aussi importante en prépa, je me demande si ce n'est pas parce que c'est une formation axée sur la performance, censée exiger beaucoup de travail. Du coup on a tendance à schématiser : bien bossé = concours réussi ; et ça finit par s'étendre à tout (pas juste la préparation du concours - qui elle-même n'est pas neutre socialement -, mais aussi pour ce qui est de savoir qui entre en prépa, dans laquelle, etc).


Ne pas citer SVP :)
 
@Lady Stardust
Pour te répondre plus précisément sur les prépas littéraires & sur la notion de mérite, je suis totalement d'accord avec @Lilou la licorne même si j'ai eu un vécu un peu différent (je suis passé d'une prépa scientifique très prestigieuse à une prépa littéraire moyenne, et j'ai fait face à pas mal de mépris quand même). Disons qu'il faut prendre ce que je vais dire là comme une autre version de la même histoire.

Les filières littéraires sont assez déconsidérées dans leur ensemble par une certaine partie de la classe moyenne et aisée. J'ai personnellement eu affaire à ça, et c'est réel et un peu violent. J'ai notamment le souvenir assez cuisant d'élèves de sciences disant que ma filière ne sert à rien, que c'est une filière pour les glandeurs. On rejoint un peu l'idée de mérite, de rigueur que tu disais : comme c'est moins "carré" que les sciences et moins utile au capitalisme, bah... ça sert à rien. Je penche aussi sur une idée que le sexisme vient s'en mêler (filière plus féminine on va dire). Mais bon, je ne pense pas que ça aie grand-chose à voir avec du classisme par contre, c'est plus en rapport avec ce qui est "bien vu" ou "mal vu" d'un point de vue intellectuel plutôt que social, même si on peut aussi y voir un certain mépris de "futures classes" : les élèves qui se destinent à être ingénieurs (en CPGE ou à l'université) ou à être commerciaux se voient comme "supérieurs" parce qu'à l'arrivée, ils seront mieux payés et mieux considérés socialement que leurs camarades littéraires qui 4 fois sur 5 finissent profs (profs de fac ou de lycée prestigieux, mais profs quand même). Je ne pense pas qu'il y ai par contre un rejet de ces filières parce que socialement peuplées de gens plus riches : les gens qui me méprisaient moi et mes bouquins, j'en ai croisé qui étaient issus de classes popu comme de la cuisse de Rotschild... C'est juste que le système scolaire est construit pour dévaloriser la filière littéraire par rapport aux autres filières générales, parce que dans notre société, il faut "servir" à quelque chose.
Mais c'est un problème qui ne dépasse pas les frontières des gens qui ont suivi des études générales et qui sont le plus souvent de classe moyenne ou sup. (même si j'ai vu quelques cas de gens qui préfèrent encore que leur enfant fasse un bac technique qu'un bac littéraire, alors que les bacs techniques n'ont pas exactement la cote d'un point de vue social...). Et je pense que comme dans prépa littéraire, il y a "prépa" ça... limite un peu la casse, les gens se disent "bon, c'est peut-être un-e littéraire mais AU MOINS il bosse un peu vu qu'il est en prépa". Je l'ai vu perso quand j'ai parlé d'aller à l'université à mes parents : quand j'étais en prépa scientifique, aller à l'université en maths = ok, pas de souci. Quand j'étais en prépa lettres et que j'ai pensé aller à l'université en lettres modernes (j'étais épuisé psychologiquement) = non, surtout pas, t'auras pas de travail, et puis tu vas glander et finir prof.

(c'est la seule chose sur laquelle je suis pas très d'accord : les profs et associés sont souvent méprisés par les catégories supérieures. Il y a une énorme reproduction sociale dans cette catégorie mais ça veut pas dire que c'est la catégorie la plus valorisée socialement, loin de là (j'ai même l'impression que c'est de plus en plus dévalorisé).

-Sur la notion de mérite : comme l'a dit Lilou, quand t'es en CPGE t'en baves tellement que ça fait un peu mal de devoir admettre que t'as des privilèges. Pour être honnête, je ne pense pas qu'il faille interroger des élèves de prépa sur le sujet, parce que la prépa ne mets pas dans un état mental suffisamment stable pour qu'on puisse acquérir la lucidité suffisante sur nos privilèges. Si ce n'est pas les profs, c'est les élèves qui remettent perpétuellement en question ta place, et sinon, c'est toi-même qui souffre du syndrome de l'imposteur. Le système est fait de telle manière que tu te mets à penser que tu n'es jamais assez bon, rien n'es jamais acquis. Tu serais étonnée de voir le nombre d'élèves qui même très bons, restent persuadés qu'ils sont mauvais. Dans cette situation, c'est assez difficile de faire face à une remise en question de ses privilèges, parce que quand tu dis "les CPGE ya quand même beaucoup de classe moy et sup" c'est inévitable d'y entendre "au fond, tu dois peut-être ta place à autre chose qu'au travail que tu as fourni" parce que comme t'es déjà dans une position où tu te sens pas légitime (parce que tu te trouves mauvais, t'as l'impression de pas bosser assez, que tu n'es qu'une merde...) bin... tu ne te sens pas en sécurité. Ce n'est pas une justification du fait que les élèves de prépa peuvent se comporter comme des dicks quand on parle de reproduction sociale, juste un appel à un peu d'indulgence :)
 
13 Janvier 2011
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-Sur la notion de mérite : comme l'a dit Lilou, quand t'es en CPGE t'en baves tellement que ça fait un peu mal de devoir admettre que t'as des privilèges. Pour être honnête, je ne pense pas qu'il faille interroger des élèves de prépa sur le sujet, parce que la prépa ne mets pas dans un état mental suffisamment stable pour qu'on puisse acquérir la lucidité suffisante sur nos privilèges. Si ce n'est pas les profs, c'est les élèves qui remettent perpétuellement en question ta place, et sinon, c'est toi-même qui souffre du syndrome de l'imposteur. Le système est fait de telle manière que tu te mets à penser que tu n'es jamais assez bon, rien n'es jamais acquis. Tu serais étonnée de voir le nombre d'élèves qui même très bons, restent persuadés qu'ils sont mauvais.
[...]
Ce n'est pas une justification du fait que les élèves de prépa peuvent se comporter comme des dicks quand on parle de reproduction sociale, juste un appel à un peu d'indulgence :)
Je peux comprendre cette justification de ce type de comportement, cependant c'est assez triste comme constat je trouve: j'en bave donc ça me permet de n'avoir aucun sens des réalités.

En soi ça ne me dérangerait pas si ce genre de réflexion sur le mérite ne sortait pas de ce petit milieu en vase clos qu'est la prépa entre élèves aisés à fort capital culturel, le problème c'est que ce discours a des conséquences concrètes dans la vie de tous les jours (puisque la majorité des élites, dirigeants, etc, sont passés / passent par des parcours similaires, et baignent donc dans cette idée de mérite, et tout simplement parce que ce discours se reproduit: le fait que la plupart des élèves sortis de ces prépas littéraires avec ce type de raisonnement se destine visiblement à l'enseignement est pas des plus réjouissants :neutral:) (je poke @Althée car on en avait un peu discuté).

Dans cette situation, c'est assez difficile de faire face à une remise en question de ses privilèges, parce que quand tu dis "les CPGE ya quand même beaucoup de classe moy et sup" c'est inévitable d'y entendre "au fond, tu dois peut-être ta place à autre chose qu'au travail que tu as fourni" parce que comme t'es déjà dans une position où tu te sens pas légitime (parce que tu te trouves mauvais, t'as l'impression de pas bosser assez, que tu n'es qu'une merde...) bin... tu ne te sens pas en sécurité.
Bah au fond c'est pas si faux que ça :ninja: Il y a beaucoup de facteurs qui font qu'on peut entrer en prépa (ou non), qu'on y réussit (ou pas): le travail fourni y a bien sûr une grande place mais il y a aussi pas mal d'autres facteurs, comme justement le capital culturel, l'ambition, etc, mais aussi le mental (faut pouvoir supporter la pression, les mentalités, etc) par exemple. C'est l'existence de ces multi-facteurs qui font que cette représentation du mérite de la prépa uniquement sous l'angle du travail fourni me gène. Ca ne nie pas qu'il faut énormément travailler en prépa, mais c'est histoire de remettre dans le contexte.
Le truc c'est que j'ai l'impression que quand on parle capital culturel, reproduction sociale, etc, pas mal de gens issus de milieux aisés se sentent attaqués (et répliquent donc en mettant en avant leur fameux mérite) comme s'il était nié qu'ils travaillaient énormément, en bavaient dans cette voie, alors que non, c'est juste pour remettre en perspective ce fameux mérite qui ne veut pas dire grand chose sans être vraiment bien contextualisé.
L'idée est pas de se flageller de venir d'un milieu aisé (c'est plutôt cool au contraire) mais d'éviter de reproduire des discours et des réflexes de classe sur le mérite et la "méritocratie".

Et je pense que comme dans prépa littéraire, il y a "prépa" ça... limite un peu la casse, les gens se disent "bon, c'est peut-être un-e littéraire mais AU MOINS il bosse un peu vu qu'il est en prépa".
"limite un peu la casse", ce vocabulaire que tu emploies est je trouve une bonne illustration de ce que je disais au niveau du fossé des représentations des différentes voies post-bac selon les différents milieux socio-culturels, si on compare au vocabulaire employé par @Lilou la licorne et au mien :P

Au delà de m'interroger, je trouve ça juste triste en fait: quand la prépa littéraire est à la fois vu d'un côté comme quelque chose de très très bien considéré, qui impressionne, qui est élitiste, réservé aux élites, par certaines classes sociales, et d'un autre côté comme quelque chose déconsidéré, de méprisé, de réservé aux glandus, qui limite un peu la casse à la rigueur, par d'autres classes sociales, c'est qu'il y a vraiment vraiment un gouffre dans notre pays entre les classes sociales.
 
@Lady Stardust
Ah mais moi aussi je trouve ça très triste de constater ça. Si tu veux, je viens de ce milieu-là, et j'ai subi ces préjugés-là, donc c'est pour ça que j'en parles, parce que je pense que c'est plus facile de lutter contre le classisme si on sait comment les gens fonctionne. Disons que j'ai vraiment la vision "de l'intérieur" et c'est ça que je voulais t'apporter. Et oui effectivement, quand t'es dans les 10%, si tu veux faire une filière littéraire, il faut au moins aller en prépa, sinon, t'es vraiment... perdu. Et si tu fais un bac autre que généraliste, aie au moins la décence de repiquer sur un DUT et ensuite une école d'ingé... que des choses comme ça. En fait l'idée, c'est "fais ce qu'il y a de mieux, et sinon, aie la décence de choisir une voie qui te permette de te rapprocher le plus possible du mieux".

Après pour être honnête, je comprends le sentiment d'attaque qu'on peut ressentir, parce que je me ressens moi-même alors que je pense franchement pas mal remettre en cause mes réflexes de classe sociale comme tu dis. (J'ai aussi tendance à cette auto-flagellation dans tout un tas de domaines, mes privilèges de classe n'échappent pas à mon syndrome de l'imposteur). C'est un réflexe de vouloir répondre que si, on a travaillé. Mais comme je te dis, c'est parce que l'aspect le plus vicieux de ce système, c'est que même quand t'as fait un truc très prestigieux, il y a toujours mieux considéré que toi. Le système est fait pour que tout le monde se sente en insécurité. Si tu veux, les gens au-dessus de toi nient déjà ton mérite et ta valeur (parce qu'eux-mêmes sont insécures et se sentent obligés d'écraser ceux du dessous), alors si les gens "en-dessous" le nient aussi, le premier réflexe est de se défendre. Je pense qu'au fond le système entier tient parce que tout le monde se sent en insécurité par rapport à sa place, à ses avantages acquis par le travail, parce que même ce qui est acquis par le travail est toujours remis en question par ceux qui sont au-dessus de toi.
 
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Réactions : Denderah et LovelyLexy
22 Décembre 2012
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Je pense que pour réfléchir sur ces questions-là, il faut se mettre au-dessus de son expérience personnelle. Je vais donc essayer autant que faire se peut de mettre à distance mon vécu. Je me permets de reprendre ton expression @AngelTen Richard II mais il ne suffit pas d'avoir une vision "de l'intérieur" pour avoir une vision juste, au contraire cela peut biaiser les choses car on retient de la réalité ce qui nous arrange et va dans notre sens.
Il est indéniable qu'une certaine dévalorisation des prépas littéraires existe, mais elle est intimement liée aux questions de sexisme. Plus un métier est féminisé, plus il perd en valeur symbolique (enseignement, magistrature, médecine...), cela vaut pour les études également. Or, les filières littéraires se féminisent, et perdent donc en prestige.

Pour autant, une fois dit cela, on n'a pas dit grand chose. Reste que la CPGE, toutes filières confondues, est une filière où les enfants de CSP+ sont largement représentés : 50% des étudiants dans ce document de 2011. C'est énorme quand on sait que les cadres sup et professions libérales représentent 16% de la population d'actifs (sachant que les professeurs en font partie).

La notion de mérite me semble être à utiliser avec moult précautions. En effet, en théorie elle part d'un principe tout à fait noble de dissociation de l'être et du faire : plus l'écart entre ce que je fais et ce que je suis est grand, plus j'en tire du mérite. Or l'on sait que l'on est le produit d'un milieu et c'est s'aveugler de penser que le mérite en tant que tel, pur et détaché de tout contexte, existe. En affirmant avoir du mérite, on récuse tout statut hérité ou toute possession de privilège. On récuse toute notion de "contexte social". C'est absurde. On se rappelle fort bien du leitmotiv de Sarkozy, "travailler plus pour gagner plus", qui vient en général des personnes les plus privilégiées de la société. Donc le mérite, qui est une valeur qui aurait pu être vertueuse, devient dans notre société actuelle un outil de préservation de la bourgeoisie, dont quelques exceptions, quelques transfuges miraculés, servent de garants. Le mérite est à mes yeux le cache-sexe du classisme.
La question du mérite est vraiment un problème "épais" qui soulève de nombreux enjeux, sociologiques, philosophiques, psychologiques... Ce que je crois pouvoir affirmer, c'est que le mérite est une valeur pervertie, non pas "de nos jours" mais à la base. C'est une valeur qui apparaît au début du 19ème siècle, alors que la bourgeoisie impose ses propres valeurs, qui fait du mérite la clé de voûte desdites valeurs. Elle est donc intrinsèquement liée à la prise de pouvoir d'une classe de la société, et donc originellement liée aux questions de classe. La notion de mérite est politique et en même temps, il est difficile de la remettre en question car elle est éminemment flatteuse ! C'est très confortable, de se dire qu'on a du mérite. Je pourrais m'attribuer cette notion de mérite, ça me fait mal à l'égo de la remettre en question et en même temps ça m'interpelle : qu'est-ce qui fait que j'ai accédé à un CSP supérieur à mes parents, que j'ai réussi un concours d'auto-préservation de la bourgeoisie intellectuelle alors que je n'en viens pas ? J'aime à me dire que j'ai travaillé dur, mais j'ai aussi eu des privilèges et un facteur chance énorme.

Pour autant, je rencontre un problème terminologique car qu'est-ce que c'est, cet effort et cette intuition qui permettent d'échapper à son milieu ? C'est aussi ce qu'on appelle "le mérite". Le mérite, on est bien d'accord que c'est l'effort. Il a dû mérite à faire du vélo tous les dimanches alors qu'il fait de l'asthme : c'est-à-dire qu'il produit un double effort pour faire du vélo compte tenu de son handicap. Or, cette notion a été transformée par la bourgeoisie qui se légitime par rapport à ça et notamment dans les professions qui sont basées sur un concours ou un examen national. L'anonymat permet de se donner l'impression d'une égalité de fait. J'aimerais trouver un document qui renseigne sur le CSP d'origine disons des agrégés.

Bref, je suis un peu partie dans tous les sens mais j'ai un million de choses à dire. Ce que je veux essentiellement dire c'est que le mérite est un outil à manier avec précaution car il est un outil d'oppression, ou du moins il est utilisé en tant que tel actuellement. Faire valoir le mérite, c'est nier que la réussite est multi-factorielle.
 
@Althée
J'ai jamais dit que j'avais une vision juste des choses ! Je ne crois pas à la possibilité de l'objectivité d'ailleurs (mais ceci est un autre débat) étant donné que tout le monde est pris dans une classe ou une autre et que la plupart d'entre nous va forcément se laisser plus ou moins influencer par son vécu et ses émotions. Je veux dire, surtout moi qui aie tendance à réfléchir avec mon coeur et mes pulsions, je me sens à même de parler des sentiments qu'il peut y avoir au sein de mes groupes sociaux.
Je me permets juste d'intervenir dans un débat où j'estime avoir ma place, étant donné que c'est quand même de mes études qu'on parle ^^ Et si tu veux, étant donné que je répondais dans un débat avec des personnes pas concernées par mes études, il me semblait qu'elles pouvaient avoir un intérêt à lire mon opinion sur le sujet. Et si tu veux, comme je suis entre deux (je suis économiquement dans la norme de ce qu'on trouve en CPGE, mais je pense que mon entourage scolaire avait baigné dans un milieu culturellement très prestigieux, là où j'ai baigné dans une culture de classe moyenne). Donc j'estime avoir une opinion pas trop stupide sur la question et je suppose (mais peut-être que je me trompe et que les personnes qui sont sur cette VP ont déjà connaissance de ce que je peux leur expliquer sur la vie d'un étudiant de CPGE littéraire) que ça pourrait être intéressant d'avoir le point de vue somme toute un peu naïf et pas très pointu de quelqu'un qui vient juste d'en sortir, pour qui c'est tout frais. Après, comme je le dis souvent, je n'ai pas la prétention d'avoir la science infuse, il y a beaucoup de choses que j'ignore, d'autres que j'oublie, et j'ai bien souvent le tort de croire que tout le monde est aussi bête que moi ^^
 
22 Décembre 2012
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@AngelTen Richard II Je ne dis pas que tu n'as pas ta place dans ce débat, loin de là, je dis juste que le prisme de l'expérience personnelle peut être trompeur. Je ne l'ai pas mentionné mais j'ai fait aussi une prépa littéraire, il y a quelques années certes mais pas non plus vingt ans. (Je veux juste anticiper le reproche de retirer la parole aux concerné.e.s : je le suis aussi.) On part toujours de notre expérience et de notre ressenti, ce n'est pas ce que je veux dire, et évidemment tu figures en bonne place pour en parler car c'est ton vécu actuel mais je suis juste gênée par l'idée qu'être en plein dedans actuellement vaut comme un "je sais mieux".
 
17 Septembre 2007
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hfgfd
@pépé le moko Tu abordes un sujet sur lequel j'arrivais pas à mettre le doigt mais oui ébéniste ou boulanger c'est mieux vu quand c'est une réorientation, comme si le choix dans ce cas là apparaissait plus clairement, comme si on partait moins du principe que c'était par manque de capacité.

@Lady Stardust C'est vachement éclairant ce que tu dis. Je voulais faire une école de journalisme, les IUT m'ont été déconseillés (pas assez classe), les écoles privées types ISJ c'était financièrement pas envisageables et j'ai donc passé le CELSA où je ne suis pas allée parce que, je cite mon moi de l'époque, "Je vais pas pouvoir supporter ces gosses de riches plus d'une semaine". Je n'ai pas entendu parler du reste des possibles, j'ai dû chercher par moi même les possibilités qui s'offraient à moi et je suis jamais tombé sur les bons trucs. Aujourd'hui je suis ravie que ca ait pas marché mais je sais que je serais particulièrement attentive à ca pour mes enfants. Je veux que toutes les portes leur soient ouvertes pour que leur choix soit le plus possible un choix libre de contraintes. Je me rends compte, avec le recul, de l'importance de ces aspects "connexes" au manque d'argent.
 

Pochemuchka-Lilou

anciennement Lilou la licorne
31 Octobre 2014
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@pépé le moko Mais teeeeeellement. Chez ces personnes qui sont d'abord passées par des études académiques prestigieuses, ce genre de réorientation apparaît comme un véritable "retour aux sources" une quête de simplicité hyper honorable... Si seulement on pouvait accorder autant de crédit aux personnes qui ont ce projet dès le début...
 

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