Merci pour l'initiative
- À quelle(s) forme(s) de harcèlement as-tu été exposée ? (Insultes, gestes déplacées, agressions verbale et/ou physiques…)
Personnellement, ça dépend vraiment des lieux ou des quartiers où j'étais. Près de chez moi en France, c'est "tranquille" niveau harcèlement donc c'est assez espacé : c'est plutôt des gens qui interpellent en faisant des compliments que je n'ai pas demandé ou m'inviter sans préambule à boire un verre mais ça reste supportable et ce n'est pas tous les jours.
Dans d'autres quartiers, on m'a suivie sur tout mon trajet en insistant pour avoir mon numéro ou m'inviter à boire un verre malgré mes "je ne suis pas intéressée" répétés, on m'a attrapé le poignet violemment et tiré vers une bande de gars (pourtant il y avait foule), on m'a mis des mains aux fesses, caressé les cuisses dans le métro ou le ciné (là j'étais ado et je parle bien d'inconnus), on a essayé de m'empêcher d'avancer (pareil dans une rue très fréquentée), une voiture s'est "amusée" à faire comme si elle allait m'écraser en démarrant chaque fois que j'essayais de traverser et en s'arrêtant quand je reculais, des conducteurs inconnus, souvent à plusieurs m'ont proposé de monter dans leurs voitures d'inconnus en pleine nuit, souvent la voiture me suivait sur un bout du trajet en insistant.
Si je ne répondais pas favorablement aux gens qui m'interpelaient pour me "complimenter", ça arrivait aussi souvent qu'on ne traite de moche, de salope ou de mal baisée. Certains mecs riaient d'autres fois non.
- Dans quel(s) espace(s), quelles situations as-tu déjà été victime de harcèlement ? (Sur tes trajets quotidiens, le matin en allant au bahut/ au travail, le soir en sortant, etc.)
Bon pour moi les "espaces" ont vraiment varié d'un quartier à l'autre. Il y a des quartiers où la rue était tranquille, d'autres où la rue devenait un lieu de harcèlement. Sur le chemin de l'école je n'ai jamais eu de problème, sur le chemin de la fac, il y avait un ou deux vieux mecs très libidineux qu'on croisait de temps en temps mais pas plus. A proximité des deux établissements, il y avait un grand parc, quand je le traversais avant mes 20 ans, je me faisais toujours aborder par des mecs de 20 à 40 ans. Passés 20 ans, je n'ai plus jamais eu de problèmes.
Parfois à l'arrêt de bus ou dans le bus.
Sinon c'est dans le métro mais plus en attendant sur les quais que dedans et dans le bus de nuit aussi.
Et puis bien sûr certains bars et la plupart des boites de nuit, même si ça s'atténue au fur et à mesure que je "vieillis". Et rapport au bar, je précise aussi que j'ai souvent trouvé que des videurs avaient des attitudes inappropriées, notamment quand une fille veut vraiment rentrer dans le bar/la boite. Donc j'aurais tendance à passer par le barman si j'ai vraiment un problème plutôt que par le videur directement.
Au travail c'était plutôt les clients sur certains de mes jobs mais jamais les collègues.
- Quel(s) type(s) de réaction(s) as-tu le sentiment de susciter ? (Réaction à ta couleur de peau, à ton apparence, à tes cheveux, à tes vêtements… ?)
Bah moi c'est souvent face à ma tenue (décolleté, jupe, rouge à lèvres etc.) mais sinon c'est ma poitrine qui suscite le plus de réflexions inappropriées et est parfois la plus grande source de "discussion" des mecs inconnus quand ils m'abordent. Le reste, ça va, pas de réflexion. Enfin si, les mecs que j'éconduis me disent parfois que je suis trop grosse en "vengeance" mais je ne crois pas l'avoir eu très souvent en phrase d'accroche du harcèlement.
- Quels sont les profils des gens qui t’ont déjà manqué de respect voire agressée verbalement ou physiquement ? (Jeune, vieux, en bande, personne isolée ?)
Dans la rue, c'est en grande majorité des jeunes mais pas forcément en bande. On dirait qu'ils n'ont pas peur de le faire ouvertement devant tout le monde.
De mon expérience, les personnes plus âgées (genre 40 ans et plus) ont tendance à plutôt aborder dans des lieux publics dont ils sont familiers, à faire ça plus à l'écart de l'attention des gens autour et à fréquenter les mêmes endroits : le chemin de la fac, un hall de gare, des couloirs déserts du métro, une boite de nuit, ou en tant que clients etc.
Sinon il y a le harcèlement qui se fait passer pour légitime et qui joue sur les rapports de domination. Etant donné mon âge et mon expérience, ça m'arrive surtout avec des gens qui ont plus de 40 ans et c'est généralement dans des lieux "mondains".
- Quelles sont tes astuces pour te protéger ?
Je ne cherche pas vraiment à me protéger au quotidien car mon quartier est supportable. Quand je vais dans des quartiers où la pression est plus forte et que je sais que je vais être seule une partie du trajet, j'ai tendance à porter des manteaux longs pour cacher mes jambes et mon décoletté mais je m'en tiens là. Si je suis accompagnée, je ne change rien.
- Comment réagis-tu lorsque tu es victime de harcèlement ?
En fait tout dépend des gens en face car la réaction peut différer totalement.
Avant j'avais tendance à essayer d'être souriante et d'esquiver les problèmes par la parole si on m'agressait verbalement. Maintenant, je suis sèche ce qui m'attire souvent des insultes mais ça coupe la conversation, je réplique aussi parfois que ce qu'on me dit est inapproprié mais même si ça entraine une gêne chez le gars, il a tendance à essayer de se justifier ou de me prouver que c'est pas méchant, ce qui fait qu'il ne me lâche pas forcément aussi vite que je voudrais. Parfois être sèche ou répliquer que c'est inapproprié quand le gars se trouve dans un groupe permet aussi aux "potes" de réaliser que le gars va trop loin, qu'on n'a pas envie de cette interraction : ça m'est arrivé plusieurs fois qu'un des mecs commence à m'insulter, s'énerver ou essayer de me prouver que j'avais tort quand je l'ai repoussé mais que ses amis qui rigolaient au début le calment ou l'éloignent et lui disent d'arrêter, qu'il "abuse".
J'ai aussi déjà réagi en devenant physique et en poussant, essayant de mettre à terre celui qui me suivait en me harcelant d'insultes, le mec s'est énervé, il m'a dit qu'il allait me frapper aussi (ce qui ne me faisait pas peur car c'était dans un espace fréquenté), heureusement ça a fait intervenir des passants qui nous ont séparé (parce qu'ils ont eu peur pour le mec vu que moi et ma copine on avait l'air de deux harpies
)
Quand on m'agresse physiquement (on me touche les fesses, on me pince les seins en passant etc.), je crie que je vais appeler la Police et que c'est une agression sexuelle, souvent les gens qui font ça dans mon environnement ne s'attendent pas à une réaction et s'en vont quand ils sentent que ça tourne mal pour eux, même s'il n'y a que nous de présents. Je pense aussi que mentionner la Police fait reculer pas mal de gens.
J'ai aussi déjà fait croire que j'étais la nièce de Manuel Valls à l'époque où il était à l'Intérieur et ça a marché, les gars se sont excusés à chaque fois
Vachement plus efficace que d'inventer un petit ami
Mais bon, si je me retrouve seule dans un endroit où je ne me sens pas à l'aise et qu'ils sont plusieurs, je pense que ma stratégie serait plutôt d'essayer de négocier et de m'enfuir, pas de réagir par confrontation (ou à la limite, c'est le bon moment pour parler de mon tonton Manuel Valls
).
- Est-ce que tu renonces à des déplacements, à des sorties par peur/lassitude du harcèlement ?
Non en France je ne renonce pas à des déplacements ou à des sorties. Par contre, c'est aussi parce que je réfléchis à mes déplacements de nuit lorsque je choisis un logement. C'est un de mes critères principaux. Si je me rends compte qu'un logement est trop isolé, qu'il y a trop de risques de harcèlement en journée ou le soir, que c'est angoissant d'y rentrer à pied ou qu'il n'ya pas vraiment de moyen de transports sûrs pour rentrer la nuit après être sortie, je ne m'installerai pas dans ce logement quels que soient les autres critères (prix, taille, confort etc.)
Donc non, je ne renonce pas à mes déplacements mais j'ai dû le préparer par avance pour que ce problème ne se pose pas.
- Est-ce que tu évites certains transports (à certaines heures ?) pour des raisons de sécurité ?
A Paris, je n'ai pas peur des transports. Le bus de nuit est parfois agité mais je le trouve plus sûr qu'avant donc ça ne me fait pas peur, par contre je ne l'ai jamais pris pour rentrer vers ou depuis la banlieue et je pense que je me renseignerais sur la réputation de la ligne avant de le faire. Pour le RER, j'éviterais de le prendre seule passées certaines heures en dehors de Paris, surtout si je ne connais pas bien la région où je suis.
- As-tu le sentiment que certains espaces publics te sont interdits, parce que tu es une femme (seule ?), d’apparence étrangère, à cause de ton look, etc. ?
Dans les lieux que je fréquente, je n'ai jamais eu ce sentiment.
- Qu’est-ce que tu attends des pouvoirs publics ? Des sociétés de transport ?
Je ne trouve pas vraiment que ce soit le rôle des sociétés de transport de réagir. Pour moi, il y a un gros problème dans la manière dont le harcèlement de rue est traité et poursuivi par les pouvoirs publics.
Je voudrais que la Police soit plus stricte à poursuivre les harceleurs et qu'on fasse plus de pub autour du fait que toucher des fesses est un attouchement sexuel par exemple et que le droit à la "drague" n'est pas une notion supérieure qui justifie tous les comportements. Il y a un gros sentiment d'impunité et d'être dans son bon droit chez les harceleurs. Et les "victimes" ignorent trop souvent que ce n'est pas juste un désagrément qui fait partie de la vie en ville mais que ça n'a rien de légitime et que ça peut même tomber sous le coup de la loi.
Je n'arrive pas à retrouver les articles mais j'avais lu que la Police newyorkaise avait choisi de redistribuer le rôle de ses policiers en civil dans le métro pour qu'ils surveillent plus les attouchements que les pickpockets par exemple, ce qui a mené à une hausse de 23% des arrestations en 2014. J'aimerais que la Police française fasse ça.
J'aimerais aussi qu'on ait le sentiment qu'on peut appeler la Police et qu'on sera pris en sérieux en cas de harcèlement même si le harcèlement n'est pas particulièrement violent.
Et puis j'aimerais qu'on mette en place des systèmes qui font qu'une personne (surtout si c'est un supérieur) qui te demande de ne rien dire quand tu souhaites te plaindre du comportement d'un client ou d'un collègue puisse être considérée comme complice.
- Quelles sont les mesures déjà existantes à l’étranger dont tu ne voudrais pas en France ? (Par exemple : je suis personnellement contre les wagons « réservés aux femmes » dans certains métros au Japon.)
Je ne vois pas. Les wagons je ne suis pas pour car je trouve que ça sous-entend qu'on ne peut pas lutter contre le problème général mais je comprends que des femmes aient envie d'y avoir accès.
Ah si un truc dont je ne vois pas ce serait genre une "milice de quartier".
- As-tu des exemples d’actions menées à petite échelle (ton quartier, ton école) que tu voudrais voir généralisées ?
Non je ne vois pas non plus.