Je suis un peu mitigée sur la démarche autour de cet article.
Autrement dit, au-delà de la blessure narcissique, il est possible de mal prendre une critique de série car
notre appréciation de celle-ci peut déterminer qui l’on est socialement. Exprimer nos goûts pourrait donc permettre à notre interlocuteur de nous placer dans une case, et si ces goûts sont stigmatisés, méprisés, notre statut social en pâtit.
Ce qui pourrait expliquer pourquoi notre désamour à l’égard de
Bridgerton a particulièrement échauffé les esprits sur Madmoizelle, c’est donc sans doute qu’historiquement, les séries à l’eau de rose sont socialement dévalorisées.
Je comprends le deuxième paragraphe et je trouve ça bien, d'ailleurs, d'aller questionner nos contradictions (et globalement, les plaisirs coupables).
Cependant, le contexte dans lequel cet article est publié ainsi que l'angle qu'il adopte me laisse un peu sceptique sur la manière dont on peut le recevoir quand on a soi-même critiqué la chronique de la série (pas mon cas mais je m'imagine dans le cas d'une critique acerbe des Marseillais, oh wait, il n'y a QUE ça sauf... sur Mad
).
Au départ, on a une chronique qui est certes très critique et pour ma part, j'avoue rejoindre la team qui aime lire les critiques très acerbes, je les trouve généralement drôles et particulièrement parce qu'elles appuient là où ça fait mal (i.e. la culpabilité de mon plaisir). Seulement, j'entends aussi qu'utiliser des termes comme "nunuche", "eau de rose", "mielleux" de manière péjorative, ne font pas de la critique un modèle d'objectivité (pas le but, j'imagine) ni de plus de hauteur (comme ce qui est visiblement reproché à l'article). Pourquoi l'eau de rose serait-elle péjorative par essence lorsqu'on juge une série? De la même manière, reprocher une adaptation de ne pas adopter un angle, même si contradictoire avec l'oeuvre de départ, qui s'inscrit non pas dans l'époque dans laquelle se déroule mais dans celle dans laquelle elle est diffusée, c'est un parti pris assez fort finalement et qui n'a rien ni d'universel, ni de bon sens, ni de consensuel, en termes de critique. C'est un argument qui s'entend mais qui est loin de faire suffisamment autorité pour que l'on interroge d'un point de vue quasi-sociologique ceux qui critiquent la critique.
Ce que je veux dire c'est que le postulat de base de cet approfondissement ici - encore une fois je trouve cet article intéressant, c'est son contexte que je critique - c'est que les gens qui ont critiqué la chronique seraient ceux dont il faut questionner le pourquoi ils réagissent comme ça. C'est assez dur et injuste, je trouve. C'est poser assez fermement le fait qu'iels ont une faille dans leur raisonnement, qu'iels ont des raisons de remettre en question leur avis. Alors ok, pourquoi pas s'interroger sur les biais qui peuvent s'introduire dans nos goûts mais pourquoi pas interroger aussi et par exemple, son désamour de l'eau de rose et du romantisme par exemple, d'une oeuvre historique ou moderne, à l'aune de la stigmatisation de ses oeuvres et de se poser la question de pourquoi on le rejette autant? n'est-ce pas dû à une dévalorisation, dans la société patriarcale et dans un certain mouvement du féminisme, des oeuvres romantiques par exemple. Et malgré le fait que ce serait intéressant, je pense que cette proposition d'approfondissement pourrait paraître tout aussi vexante si elle était la critique sociologico-féministe de la chronique en question.