Cet article me met très mal à l'aise, et m'interroge réellement. J'y vois beaucoup de raccourcis concernant ce que seraient les """TERFs""", que je mets entre grosses guillemets parce que je ne valide pas ce terme du tout.
Du coup, est-ce que tu peux expliquer ce que tu mets derrière le terme TERF ? Parce que tu dis ensuite que "beaucoup des idées évoquées par les féministes radicales résonnent en [toi]", mais je pense que personne ne dit que féminisme radical = transphobie. L'article précise bien que TERF signifie "Trans Exclusionary Radical Feminist", du coup ça n'englobe pas du tout le mouvement féministe radical dans son ensemble, mais une branche transphobe du féminisme radical. On peut avoir une affinité pour le féminisme radical sans exclure les personnes trans des luttes féministes.
J'ai commencé à rédiger mon message et puis j'ai vu
@Olduvaï t'avait répondu. Je ne sais pas si j'ai des choses intéressantes à dire en comparaison, mais tant pis, je poste quand même ce que j'avais à dire.
Comment peut-on valider le fait d'effacer le sexe au profit du genre qui est une construction sociale ? Dans ce cas, les petites filles en Inde ou en Afrique, qui sont excisées, avortées, mariées de force en étant toujours des enfants... Il faudrait qu'elle s'identifient en tant qu'homme pour ne plus subir ces oppressions ? Elles subissent ces oppressions à cause de leur SEXE, pas à cause de leur genre (sinon, qu'on m'explique pourquoi tant de foetus feminins sont avortés). On parle bien d'expression de genre, c'est la façon dont on se présente en société, la façon dont on souhaite être perçu. Comment une expression peut effacer le sexe biologique ?
On assigne le genre à la naissance sur la base des organes génitaux visibles, mais ça ne veut pas dire que la haine des femmes est en fait la haine de leur vagin, je trouve ça même très étrange comme concept. Je suis même plutôt convaincue de l'inverse : c'est la misogynie, donc la haine des femmes en tant que classe, qui engendre la haine, la peur et la méconnaissance de tout ce qui y est associé au féminen, dont l'appareil génital dit "féminin". On n'excise pas des clitoris parce qu'on les aime pas, mais parce qu'on cherche à contrôler les femmes en faisant appel à tout un tas de préjugés sur le comportement associé à un féminin imaginaire (sexualité incontrôlable, etc). Ça me semble donc bien relever du genre.
En fait, les hommes cis peuvent aussi être victimes de la misogynie ponctuellement s'ils adoptent des comportements perçus comme féminins, c'est donc avant tout une question de rejeter le genre féminin, le sexe biologique n'a rien à voir là-dedans.
Je ne pense pas qu'il "faudrait s'identifier en tant qu'homme" pour échapper à ces oppressions, tout simplement parce que l'identité de genre est quelque chose de profondément personnel et que je ne souhaite à personne d'être coincé.e dans une identité qui ne lui correspond pas. Le sexisme que je subis me met en colère, mais je me sens malgré tout bien dans mon genre, c'est ainsi et je ne m'identifie pas autrement.
Tu parles plus loin de "considérations bourgeoises" et du fait que toutes les femmes n'ont pas le luxe de pouvoir "effacer leur biologie" (je suppose que c'est ce que veut dire pour toi "transitionner"). C'est pas tout à fait faux, dans le sens où tout le monde n'a pas accès à l'éducation où aux informations pouvant ne serait-ce qu'ouvrir à ce type de réflexions. Mais les personnes queers et trans existent néanmoins partout dans le monde et la fluidité de l'identité de genre est loin d'être l'apanage des classes bourgeoises ou des pays riches.
Je suis même un peu gênée que tu cites à plusieurs reprises l'Inde, l'Afrique ou "le tiers monde" en prétendant que les questions de genre y sont absentes. Je pense que c'est franchement ignorer la pluralité des cultures et des individus mêmes dans ces zones géographiques. Au risque de lâcher le mot qui va enflammer les passions : c'est un peu raciste, voilà.
Aussi, je ne sais pas quel est ton expérience de féministe, mais la mienne est que beaucoup de gens justifient l'inaction face au sexisme qui me concerne/que j'observe directement par un "en Inde/en Afrique/dans le tiers monde, les femmes vivent des trucs encore pire" et botter ainsi en touche. Du coup, j'avoue que ça me surprend de te voir l'utiliser.
Moi, je ne peux très concrètement rien faire pour améliorer le sort des femmes pauvres dans les zones rurales de régions du monde que je ne connais pas. Je compatis, mais je n'ai pas grand-chose de plus à leur offrir. C'est pour ça que je me préoccupe de trucs bourgeois comme la culture du viol et la répartition genrée des tâches ménagères en France ou plus largement en Occident, et que je laisse à d'autres le choix de faire de la transidentité et de la lutte contre la transphobie leur cheval de bataille, ou encore de se consacrer à l'éducation des filles dans les régions les plus pauvres. Je n'ai pas l'impression de me regarder le nombril en faisant ainsi, j'essaie même d'élargir ma réflexion pour y englober les problématiques concernant des femmes aux vécus différents des miens (par exemple, les femmes trans), je choisis simplement mes combats en me limitant à ce que je pense connaître le mieux et aux domaines sur lesquels je pense pouvoir agir.
C'est très noble de ta part de privilégier d'autres luttes plus éloignées de ta réalité personnelle, mais je trouve injuste de reprocher aux autres féministes d'opter pour des combats plus proches de leurs réalités à elles ! D'autant plus que beaucoup de femmes trans vivent des violences extrêmes qui rendent urgent pour elles de lutter contre la transphobie. C'est pas du nombrilisme, c'est de la survie, purement et simplement.
Ensuite, une autre idée qui me parait abérrante, c'est effectivement de dire qu'avoir une préférence sexuelle est transphobe. Ne serait-ce pas plutot homophobe de vouloir imposer à un homme gay d'avoir des relations sexuelles avec une personne qui a un vagin, ou à une lesbienne d'imposer des relations sexuelles avec quelqu'un qui a un penis ? Les homosexuels ont lutté et luttent toujours pour faire reconnaitre le fait qu'ils ont le DROIT d'aimer et d'avoir des relations uniquement avec personnes du même sexe. Que ça n'est pas "contre nature", que ça n'est pas un crime. Et aujourd'hui, on efface ces luttes pour imposer à des lesbiennes de devoir accepter de coucher avec une personne qui a un penis ? Je comprends qu'elles soient en colère, je comprends leurs slogans. Je ne valide pas la violence par contre, que ce soit d'un côté ou d'un autre.
Pour le coup, l'idée que les personnes trans veulent obliger les personnes cis à coucher avec elle, c'est vraiment un mythe transphobe !
Parce que je ne comprends pas comment on peut faire le raccourci entre "refuser d'emblée la simple idée d'une éventuelle hypothétique relation avec une personne trans" et "se forcer à coucher avec des personnes trans". En fait si, je comprends : c'est une peur ancrée dans le préjugé que les femmes trans sont des hommes déguisés en femmes pour violer des femmes.
Je ne dis pas que c'est ton préjugé, mais je t'invite à prendre du recul pour constater qu'il y a un monde entre l'idée exprimée à la base et la peur qui en découle. Admettre que les attirances ne se fondent pas sur les organes génitaux et qu'il est totalement dans le champ des possibles de s'amouracher d'une personne qui ne ressemble pas à ce qu'on s'est toujours représenté être notre préférence, c'est quand même pas la même chose que se forcer à des relations sexuelles avec qui que ce soit.
Bien sûr que non, il n'est pas question de forcer des personnes cis à coucher avec des personnes trans… pas plus qu'il n'est question de forcer des personnes trans à coucher avec des personnes cis, l'un impliquant l'autre ! C'est assez horrible d'imaginer que les trans seraient à la dispositions sexuelle des cis pour prouver qu'iels ne seraient pas transphobes ? Du coup, je ne vois pas comment on peut imaginer que les personnes trans cherchent à obliger les cis à… se servir d'elleux ? Ça n'a aucun sens.
Cette idée qu'on ne pourrait absolument jamais coucher avec une personne trans fait appel à plusieurs idées fausses : toutes les personnes trans ont les organes sexuels avec lesquels iels sont né.e.s, toutes les personnes trans se ressemblent suffisamment pour qu'on puisse affirmer avec une certitude absolue qu'on ne pourrait jamais être attiré par elleux, les organes génitaux sont si déterminants dans nos préférences sexuelles qu'absolument rien d'autre ne pourrait faire pencher la balance de nos attirances et faire palpiter notre cœur ou notre culotte… Je sais pas, ça me paraît quand même très péremptoire, il me semble que la vie peut toujours réserver quelques surprises et que les personnes qu'elle met sur notre chemin peuvent bousculer nos certitudes. Ou pas. Mais tout n'est que suppositions.
Je ne crois pas non plus que la lutte contre l'homophobie soit une lutte pour le droit à "aimer et d'avoir des relations uniquement avec personnes du même sexe" (= sous entendu, avec les mêmes organes génitaux). Ce n'est pas comme ça que je perçois mon orientation sexuelle (en tant que femme bi), et ce n'est pas le cas des personnes queers que je connais. Il s'agit bien d'une attirance envers le genre.
Sinon, je n'ai pas bien compris pourquoi tu parles ensuite d'abolition de la prostitution. Je sais bien que ça fait partie des points de discorde entre les féministes radicales et d'autres courants féministes, mais je trouve assez regrettable de l'amener sur le tapis ici alors que ce n'est pas le sujet.