Je remarque dans ce débat que beaucoup de personnes opposées aux deux féministes non-mentionnées ne comprennent pas leur position, et c'est un vrai problème. On est en droit de ne pas être d'accord avec elles et de les contrer idéologiquement bien sûr, j'ai moi même mes griefs avec elles, mais si leur propos n'est même pas compris c'est fallacieux de leur imputer des croyances ou buts qu'elles n'ont pas.
"Leur tentative d’exclure l’identité de genre de la proposition de loi sur l’interdiction des thérapies de conversion ne vise nullement à protéger les jeunes LGBTI+, mais bien à les utiliser pour s’en prendre une fois encore aux femmes trans."
Cette phrase par exemple est fausse. Elles ont un vrai problème avec le concept d'identité de genre avant tout, pas avec les femmes trans très précisément. Vous parlez vous même des commentaires faits aux personnes transmasc, donc c'est une question qui concerne toute la transidentité.
Le fondement de leur propos, c'est que l'identité de genre est un concept non-défini qui existe de par sa nébulosité et son application individuelle. Déjà là, pour s'inscrire dans la loi, il serait judicieux d'avoir une définition claire de l'identité de genre. En quoi celle-ci s'applique à touste, en péjore certain·es et leur empêche d'être qui iels sont vraiment ?
La différence entre expression de genre et identité de genre est très claire et bien théorisée par les personnes militantes. S'il y a un réel backlash systémique au fait d'avoir une expression de genre différente de ce qui est attendu de nous, quelle que soit la culture ou l'époque, l'identité de genre est beaucoup plus floue. Elle n'est pas intrinsèquement connectée à l'expression de genre, puisque les deux sont différenciées, mais du coup qu'est-elle et d'où vient-elle ?
Du coup que voudrait dire une protection de l'identité de genre, sans mention de l'expression de genre ? Qu'est-ce qui est protégé ? Au-delà du côté sensationnel et agressif de cette histoire, le fond du propos n'est tout simplement pas compris. Elles n'ont pas à coeur d'encourager les thérapies de conversion ou d'exclure les personnes trans de la société, mais ont une vision complètement différente de l'identité de genre qu'elles ne voient pas comme une réalité innée, mais comme une conception spirituelle au même titre que l'âme. Chacun·e a droit à ses positions à ce niveau, mais dans leur cas reconnaître l'identité de genre dans un texte de loi pour interdire les violences faites aux personnes trans passe tout d'abord par reconnaître l'identité de genre tout court comme réalité inaliénable. Pour un but idéal, protéger les individus, commencer par reconnaître un concept qu'elles ne soutiennent pas. Leur grief est surtout à ce niveau-là, indépendamment des individus.
Je ne cherche pas particulièrement à les défendre, mais personne ne semble comprendre leur propos et d'un point de vue intellectuel, et pour le débat, c'est problématique. En somme, il faudrait tout simplement se mettre d'accord sur la définition de l'identité de genre. Réalité systémique qui oppresse certaines personnes, ressenti inné indéfinissable pour certain·es et inexistant pour d'autres ? Qu'est-ce qu'une identité de genre, séparément de l'expression de genre et du genre assigné à la naissance ?
Le premier pas de cet affrontement de plus en plus violent serait de définir les termes de la contention et de comprendre son adversaire afin de pouvoir vraiment, en ayant bien compris son point de vue, s'opposer à son propos. Sinon, c'est un épouvantail qui est créé et rejeté, c'est vide de sens.