Objectivement, je suis assez d'accord avec guerredesmiroirs.
Tous les travers de Rowling sont déjà présents dans son oeuvre.
Quand on lit Harry Potter pour la première fois, on peut se laisser entraîner par la féérie du récit, et, en tant que lecteur - et donc doublure implicite du protagoniste - se sentir flatté d'être non pas un rien du tout mais au contraire une personne surhumaine. C'est une grosse ficelle qui fonctionne toujours bien, et JKR la manipule avec un certain talent.
Mais quand on y regarde de plus près, on découvre un univers vraiment puant.
Les sorciers sont partagés entre le clan nazi conquérant de Voldemort - les méchants - et les "gentils" et très condescendants isolationnistes de Dumbledore.
Les humains non magiciens reçoivent le gentil petit nom de 'moldus', y compris de la part des héros qui les considèrent avec un dédain non dissimulé.
Les races vivent séparées, et les tentatives de rapprochement sont présentées comme naïves.
Du peuple des elfes, tenu en esclavage, il est expliqué qu'en fait ils adorent ça et ne peuvent vivre autrement (et je l'adore, celle-là... ).
Tout ce petit monde magique, du reste, se complaît dans l'entre-soi : on se croirait finalement à St Barth' dans une soirée de milliardaires, avec leurs codes, leur mépris, leurs occupations si éloignées des notres, leur ressenti d'immense supériorité et d'impunité face au commun de mortels... et surtout, leur total sentiment de légitimité envers ce qu'ils considèrent comme l'ordre naturel des choses.
En fait, le monde des sorciers me fait penser aux plus belles heures de l'apartheid en Afrique du Sud...
On pourrait en ajouter d'avantage, mais je me limiterai au final à dire que dans ces livres, JKR se livre beaucoup. Connaissant les difficultés qu'elle avait à affronter au moment où elle a écrit son premier livre, on peut y retrouver son profond désir de revanche, son ambition, son refus de l'altérité sous un vernis de fausse compassion, sa volonté non de remettre en cause les rapports de force établis mais au contraire de s'y adapter, et d'intégrer le camp des puissants.
Rien de répréhensible, en fait. C'est très humain. Mais rien d'admirable non plus, et certainement pas de quoi jouer les guides moraux...