Je ne commente presque jamais mais juste pour noter quelques éléments. Tout d'abord, le droit est limité car il est une fiction créée par les hommes (et pas par les humains en grande majorité) donc analyser ses limites est nécessaire. Même si purement changer le droit n'apparaît pas toujours comme une solution viable
Dans le cadre de l'affaire Darmanin, une personne a mentionné qu'Emmanuel Macron pourrait dire ce qu'il veut. Bah en fait non, comme Marlène Schiappa ou n'importe quel autre membre de l'exécutif ,en raison de la séparation des pouvoirs, car donner son avis sur une instance en cours est une atteinte à l'article 3 de la Constitution et un délit prévu par l'article 434-25 du code pénal. Pour le reste dans cette affaire il faudrait en profiter pour noter que Angèle est aussi protégée par la présomption d'innocence donc quitte à l'affirmer pour l'un, elle vaut aussi pour l'autre.
La question autour de Darmanin va plus loin car une coutume peut être potentiellement invoquée pour le fait que même en n'était pas condamné, l'ouverture d'une enquête au sujet d'un ministre justifie qu'il soit retirer du gouvernement comme ce fut le cas pour François Bayrou, Jérôme Cahuzac et ainsi de suite depuis plusieurs mandats sans exception.
Enfin, la liberté d'expression est aussi un principe à valeur constitutionnel et une liberté fondamentale or dans ce cas, il est procédé à une balance entre ce principe et la liberté d'expression. Dans le cadre de cette affaire qui concerne un ministre, il est envisageable que le juge l'interprète comme un slogan dans le cadre d'une manifestation ou alors une question d'actualité qui justifie cette atteinte à la présomption d'innocence.
Enfin, la présomption d'innocence est principalement une règle de procédure et certainement pas un principe absolu. Cette règle connaît des aménagements majeurs rien qu'avec la question de la détention provisoire. Purement personnellement, si tous les chantres de la présomption d'innocence pouvait militer contre l'usage abusif de la détention provisoire au risque de perdre légèrement en cohérence.
La réflexion d'Angèle, bien que maladroite, peu argumentée et pouvant être mal interprétée est la signe d'un combat en cours sur le traitement par la sphère juridique des violences sexistes et sexuelles. Un traitement pas très concluant. Elle soulève aussi une question qui agite les juristes et les pénalistes en particulier, mais cette question est politique car elle vient directement questionner l'organisation de notre société. Parce que la présomption d'innocence présuppose un cadre pénal qui ne semble pas adapter, parce qu'un procès est une arène. Je ne me vois pas reprocher à des victimes de ne pas porter plainte : c'est répéter maintes fois des moments traumatisants, subir le refus de prendre des plaintes, les longueurs de procédures, la difficulté d'obtenir des preuves, la dissection de sa vie entière devant un jury éduqué dans une société sexiste et des plaidoiries souvent odieuses pour les victimes. Parce que les plaintes augmentent et les condamnations pour viol sont en baisse. Le système pénal est un échec. Mais remettre en cause la présomption d'innocence dans ce cadre ne signifie pas une présomption de culpabilité. D'autres chemins sont possibles : la mise en place d'un tribunal spécialisé, une reconnaissance de culpabilité qui ne passe pas par un procès classique tout en respectant le principe du contradictoire, l'inclusion de la notion de consentement dans la définition pénale du viol ...
Bref, soutien à Angèle car des mots mal choisies sur une situation complexe ne devraient pas justifier le harcèlement de trolls antiféministes dont les instagram sont vides de tout post