@Clemence Bodoc
Alors.
Tout d'abord je n'ai personnellement aucun problème (mais vraiment aucun) avec le fait que des hommes cis puissent créer un produit culturel qui parle de causes qui touchent seulement les femmes, tant que c'est fait avec respect, humilité et graaande (gargantuesque) documentation. Parce que je préfère voir des hommes cis qui font une chanson (à peu près) pro-choix qu'une femme qui fait une chanson anti-choix, clairement. Le sexe et le genre m'importent peu, les messages/idées m'intéressent énormément plus.
En ce qui concerne ton ressenti, il est aussi valable qu'un autre, tu ressens ce que tu as envie de ressentir face à cet événement , ce n'est pas à moi de te dire ce genre de choses, je ne distribue pas de point.
C'est très personnel ce genre d'histoires, tu as le ressenti que tu veux.
Je comprends que tu sois heureuse que cette chanson réponde à ce que tu ressens toi-même, mais lorsqu'on la prend en tant que produit culturel écouté par des tas de gens, pour moi ça coince sur beaucoup de points. En effet, l'avortement c'est un sujet extrêmement sensible (ça ne devrait pas l'être mais bon) et pas mal de gens sont encore contre, donc déjà faire une chanson sur le sujet, c'est une gageure. Pour moi, ils n'ont clairement pas relevé le défi, justement parce qu'ils ne prennent juste aucun risque. Mais rien quoi. Le combo papa est un con/pas de thunes/études/pas de boulot, déjà pour moi ça passe mal. Premièrement parce que les femmes qui avortent sont représentées ainsi en permanence, deuxièmement parce que pour moi ce sont des justifications qui n'ont pas lieu d'être, parce qu'une femme qui avorte n'a pas à se justifier. Après, c'est une chanson, je le conçois, mais la critique reste. Qui plus est, le titre insiste quand même un peu sur le fait que ohmondieulaviec'estbeaaauuuu. Entre le lien d'amour qui les unira tous les deux jusqu'à la fin des temps, les espèces de gazouillis de bébé, les moments où le foetus imagine comment aurait été sa vie... Je sais pas, déjà je trouve que le format "conversation femme/bébé" est vraiment pas le plus adapté si on veut que la chanson ne soit pas culpabilisante. Sans compter que cette femme est surtout vue comme une
mère et non vraiment comme juste une
femme. Je l'ai surtout ressenti quand le foetus lui dit "Steuplé fais moi un petit frère", un peu dans le sens "va au bout la prochaine fois, donne la viiiie" (interprétation perso ça). Et pour finir y'a la fameuse notion de choix. Je ne crois pas de tout mon être au sacro-saint "choix" en général, pour moi on est plus poussé.e par différentes choses à prendre un chemin plutôt qu'un autre. Or ici, c'est exactement ça, tout la pousse à ne pas garder le foetus (sic), du coup l'avortement est """excusé""", d'autant qu'elle demande sans cesse pardon au foetus. En gros elle a "ni raison ni tort" mais elle s'en veut à mort (hohoho rime impromptue) ("je ressens encore le cordon" rien que ça) quand même. Pour moi cette chanson ne parle pas d'un avortement bien vécu et c'est là que c'est un peu difficile. Encore une fois, chacune a son ressenti et il sera valable de toute façon, mais ici on ne parle pas d'un témoignage, mais bien d'une chanson répandue dans tous les sens et aborder l'avortement sous cet angle vu, vu, vu et revu en utilisant des clichés aussi lourds que ça, pour moi l'expérience est ratée.
Y'a tellement de paroles dans la chanson qui peuvent être culpabilisantes pour des femmes qui hésiteraient à avorter, car pour moi le "ni raison ni tort" est noyé dans le pathos, dans les "pardonne-moi", dans les "j'aurais pu être ça, ça ou ça". Après c'est la façon dont je reçois la chanson et l'intention est vraiment très bonne, qui plus est la chanson reste très agréable à écouter, bref, ils ont du talent et ont essayé de bien faire, mais pas assez à mon goût en reprenant les mêmes clichés qu'on a déjà vu cent fois quand on parle d'avortement. Après on parle entre initiées évidemment alors je me permets de chipoter, mais dans cette chanson censée être pro-choix, y'a beaucoup de thèmes utilisés par les anti-choix dedans (l'amour maternel qui perdure toute la vie, e.g). Pour parler d'un truc aussi fort, d'un combat aussi rude, pour moi la chanson prend beaucoup, beaucoup trop de gants, elle ne s'affirme pas vraiment en tant que chanson pro-choix pure et dure, tant il y a d’ambiguïtés grosses comme des éléphants. Bref, si je devais résumer cette chanson et mon ressenti par rapport à elle ce serait : beau produit artistique, pétard mouillé politique.