Tout à l'heure, je suis allée faire un tour en voiture avec ma mère, à l'heure que je prefère, vers neuf heures du soir, l'été quand le vent se lève enfin après des heures de plomb et qu'il vient tout rafraîchir, comme on se sent bien à cette heure-là à rouler les vitres grand ouvertes, l'air qui entre, le doux son du moteur de la voiture en sourdine, les arbres qui bougent, la nature qui enfin respire et se déploît. Le ciel était très beau, rose et orange, étrange et lumineux avec quelques nuages blanc légers comme de la poudre, il y avait quelque chose de tellement doux dans l'atmosphère, de tellement simple; Je vous ai imaginé, je vous ai imaginé conduire, à côté de moi, près de moi, me portant, me berçant, me conduisant dans tous ces chemins de campagne et profitant avec moi de toute cette douceur, de toute cette beauté, comme l'ambiance prêtait à penser à vous, je ne pouvais penser qu'à vous. Je vous ai imaginé regarder avec moi ce beau paysage, tous les deux, en communion, on aurait été bien là comme ça tous les deux sans mot dire, juste à regarder et avancer et j'ai repensé à cette après-midi ensoleillée où vous m'aviez amenée à l'hôpital, j'étais au plus mal à cette époque et vous aviez eu peur, je voulais mourir et vous pensiez qu'il fallait m'hospitaliser parce que je voulais me suicider; vous conduisiez, et moi j'étais à côté de vous, près de vous, je me laissais porter, je me laissais aller et j'aurais voulu que ce moment dure des heures, des journées entières, ne jamais arriver, ne jamais s'arrêter, ce moment de calme, de lumière, le soleil, la vitesse, le ciel, la douceur, vous à côté de moi et moi à côté de vous. Je l'ai imaginé lui aussi, même lui, mon Psy, me porter comme ça dans la voiture, comme une enfant que son père amène se promener, juste comme ça, juste pour se changer les idées, parce que c'est la fin de l'été et que c'est l'heure qu'ils préférent tous les deux et que ce moment est à eux; comme ce serait bien, comme c'est bien rien qu'à l'imaginer.