Bonjour beau papa.
Je reviens, encore une fois, pour te dire comment ça se passe ici bas.
J'espère que tu vas bien et que chez toi il fait beau.
Depuis que tu es parti, tout fout le camp. La vie est dégueulasse. Parfois fade, lorsque ça va. Souvent répugnante.
J'aimerais tellement m'enliser dans ma peine. Me coucher dans mes larmes et y rester des années, en attendant que ça passe. Mais non, on ne peut pas. Je dois premièrement soutenir ma maman, qui est la première touchée. Et puis comme tout le monde me le répète : "La vie continue, avance". Je n'en ai aucune envie. Mais les gens n'ont pas l'air de vouloir comprendre. Ils ont un certain seuil de tolérance. Tu as le droit d'être triste pendant, allez, 10 jours après la perte d'un être cher. Au-delà de ça, plus personne ne comprend tes larmes et tes cris et ton besoin de te couper du monde.
Samedi, ça va faire un mois que tu es parti. Un mois douloureux, vide de sens. Où j'ai du entendre les larmes nocturnes de ma mère, ses crises de panique à n'en plus finir et ses paroles sur le sens à sa vie qu'elle n'a plus, et que si elle ne m'avait pas avec elle, elle se serait déjà foutue en l'air. C'est dur, tout ça. Avec toi, ce sont des milliers de rêves et d'espoirs qui se sont envolés.
Je n'arrive pas à avancer dans la vie, à travailler. J'ai envie de me réfugier dans mon lit et d'attendre la mort.
Je t'aime tellement, mais je te déteste tout autant. Si ma maman ne t'avait pas connu, elle n'aurait, certes, pas vécu une aussi belle histoire d'amour. Mais elle ne serait pas aussi malheureuse aujourd'hui. Elle ne parlerait pas de suicide "qu'elle ne commettra pas mais bon quand même". Elle serait seule, mais sans amour perdu. Sans vide dans le coeur.
Je voulais également te dire qu'on a compris, enfin. Le message vocal que tu as laissé à ma maman, 12 heures avant ton AVC. Tu ne savais pas ce qui était sur le point de t'arriver. Tu étais faible et fatigué depuis des mois. Mais tu lui as laissé un message dynamique, court et enjoué, lui disant "Je ne sais pas comment c'est chez toi, mais ici le ciel est joli". Et maintenant on sait, ou du moins on veut s'imaginer que tu nous disais que tu la voyais arriver, la mort. Mais que là où tu allais, c'était tellement joli, et que tout irait bien.
Alors j'espère vraiment que c'est joli où tu es, et que tu t'y sens bien. Je suis heureuse que tu puisses te reposer, même si chez nous on ne trouve plus le sommeil. On t'aime tellement fort. J'aimerais te serrer dans mes bras et t'embrasser mais je ne peux pas, alors je te l'écris là.