Je voulais répondre la semaine dernière mais pas eu trop le temps!
En fait
@Miss Rayven pour moi la question c'est pas tellement "les gens sont sales", parce que déjà je ne suis pas du tout Miss Ordonnée moi-même (je suis très bordélique quand je suis seule, je suis vraiment le genre de personnes qui va penser "oh tiens un pull sale par terre" et ne pas le ramasser avant plusieurs jours si personne d'autre n'est attendu dans la pièce ou laisser sa tasse utilisée trainer indéfiniment près de l'ordinateur
), mais aussi parce que je pense que ce qui est sale ou pas sale, c'est aussi vraiment quelque chose de très personnel et donc ce n'est pas à moi de décider qu'un tel est sale ou pas. Par exemple, certaines personnes vont tout passer à la Javel mais marcher en chaussure de ville dans la maison tandis que d'autres vont trouver dégueulasse de marcher en chaussure dans la maison mais laver le sol seulement une fois tous les deux mois. Bref, je ne sais pas qui a raison ou qui a tort, et je ne cherche pas du tout à juger mes colocs là-dessus.
Par contre, ce que je trouve vraiment stupéfiant et en quelque sorte "intéressant" dans ma dynamique de coloc actuelle, c'est que je trouve que ça révèle assez fortement la manière dont on a été sociabilisés, et ça me parait quand même bien genré.
Par exemple, je suis donc assez bordélique et pas du tout maniaque de la propreté, mais toute ma vie, on m'a appris que c'était honteux d'être comme ça et que je ne devais surtout pas le faire voir aux autres. Ma mère m'a poursuivie toute mon enfance et mon adolescence à base de "tu es vraiment désordonnée", "tu ne m'aides pas assez", "tu me prends pour ta femme de ménage ou quoi", et chaque fois que je laissais quelque chose en bazar ou quelque chose de sale, on me faisait bien comprendre que c'était MAL, que j'étais IRRESPECTUEUSE et MAL ELEVEE et que si des gens extérieurs à la famille voyaient ça, ils allaient penser que j'avais un comportement honteux. J'ai aussi grandi avec mes parents, oncles, tantes, grands-parents, etc., qui me faisaient des remontrances si je restais passive pendant que quelqu'un (habituellement une femme) rangeait ou nettoyait devant moi. Ma grand-mère venait me chercher pour que j'épluche des pommes de terre avec elle, si j'étais invitée chez des gens et qu'ils débarrassaient la table, mes parents me faisaient bien comprendre qu'il fallait que je me lève instantanément pour proposer aussi, et j'ai tellement vu les adultes (en particulier les femmes) aller donner un coup de main en cuisine quand quelqu'un les invitait que j'ai bien compris que ce n'était pas du tout acceptable de rester assise à rien faire pendant que d'autres font des tâches ménagères. Et si je restais assise à rien faire, c'est généralement parce que trop de monde était déjà en train d'aider et je me sentais un peu gênée d'être la glandeuse du groupe, donc généralement je proposais QUAND MEME d'aider ou je me justifiais de ne rien faire ("il y a déjà 5 personnes dans la cuisine", "ah bon, il n'y a plus d'assiettes à rapporter?").
Tout ça pour dire qu'on m'a sociabilisée au niveau des tâches ménagères en m'enseignant que je ne pouvais pas laisser les autres faire seuls ce gene de tâches quand je vis en collectivité avec eux et que c'est très mal élevé de leur imposer mon désordre.
Or, dans ma coloc, la seule personne qui semble avoir les mêmes réflexes que moi, c'est l'autre fille. Elle n'est pas forcément à fond dans le ménage, mais DES qu'elle me voit laver un truc ou faire quelque chose, même si elle est en train de se relaxer, elle se lève immédiatement pour me proposer son aide ou même ne propose pas et commence à m'aider sans rien dire. Si elle arrive trop tard et que j'ai déjà tout fait, elle s'excuse, demande s'il y a besoin de faire autre chose ou me promet de le faire elle la prochaine fois. Et je fais exactement pareil.
En revanche, presque AUCUN des garçons de la coloc ne fait ça. Ils ne trouvent pas du tout anormal de nous voir faire le ménage et de ne rien proposer du tout alors que ça irait plus vite si on était plusieurs. S'ils répètent "je vais faire ça" haut et fort, en général c'est parce qu'une tâche doit être faite, qu'ils l'ont remarquée mais qu'ils ont la flemme donc ils se donnent bonne conscience en disant "je vais le faire", mais comme ils ne le font en fait pas, une fille finit par le faire, et sans aller répéter à chaque quidam qu'elle croise qu'elle est en train de faire une tâche.
Aussi, j'ai remarqué que je faisais D'ABORD les tâches ménagères que je dois faire dans les espaces communs avant de m'occuper de ma chambre s'il me reste du temps alors que les garçons font passer leurs tâches personnelles AVANT le collectif. Pour moi, la priorité c'est de ne pas déranger les autres avec mon désordre alors que leur priorité à eux c'est d'être confortable dans leur espace personnel. Il y a vraiment un sens du collectif qui est complètement inversé entre ma coloc fille et moi et les garçons.
Par exemple, je me lève très tard le weekend alors que les garçons se lèvent très tôt. On avait fait une soirée ensemble l'autre jour et on était partis se coucher le samedi soir en laissant la cuisine en bazar. A 13h le dimanche, je suis réveillée parce que mon coloc passe l'aspirateur dans sa chambre au-dessus de la mienne. Je suis un peu saoulée qu'il ait décidé de passer l'aspirateur alors qu'il voyait bien que je dormais encore mais bon, je me dis qu'au moins, le ménage a été fait et j'aurais rien à faire.
Et là, j'arrive dans la cuisine pour me faire un café et TOUT EST EXACTEMENT comme la veille quand on est partis nous coucher! C'est-à-dire que le lave-vaisselle n'était même pas vidé alors qu'il avait été lancé à 22h la veille donc tout était déjà propre quand mes colocs se sont levés vers 8h, et au lieu de vider le lave-vaisselle, ils allaient juste se servir des trucs propres dont ils avaient besoin dedans sans vider le reste. Et comme bien sûr il n'y avait pas de place dans le lave-vaisselle, des plats jonchaient tous les espaces de travail et s'empilaient dans l'évier. J'étais vraiment furieuse car je ne pouvais même pas me servir un café, pendant ce temps, deux de mes colocs étaient affalés devant la télé depuis des heures et l'autre nettoyait SA PROPRE CHAMBRE au lieu de débarrasser les espaces communs! Donc la première chose que j'ai dû faire en me levant ça a été de nettoyer et ranger pour le collectif pendant que les garçons se consacraient à leurs loisirs personnels. Et ma coloc fille était réveillée aussi, mais dès qu'elle a entendu des bruits de vaisselle, elle est aussitôt accouru, alors qu'un des garçons m'a dit "bonjour!" puis est parti dans sa chambre
On en a discuté avec ma coloc fille ce weekend et elle m'a expliqué avoir eu une conversation avec un de mes colocs garçons (qui a presque 40 ans) et elle lui a dit "il faudrait mieux répartir les tâches car sinon c'est Morgane qui fait la plupart des trucs, peut-être qu'on devrait faire un planning de ménage" et devinez ce que mon coloc lui a répondu? "Oui mais moi je salis pas beaucoup la maison donc je vois pas pourquoi tu dis ça comme si c'était moi le responsable et que je devrais faire plus de ménage". Et j'étais HALLUCINEE. Non mais en gros gars, tu crois que les filles de la maison sont des grosses dégueulasses et c'est pour ça qu'elles nettoient? C'est quoi ce raisonnement débile? Enfin franchement, le gars ne vide JAMAIS le lave-vaisselle alors qu'il met des trucs dedans, il ne passe JAMAIS l'aspirateur alors qu'il marche sur la moquette, et il considère qu'il n'est pas responsable de la saleté dans la maison? Je trouve ça tellement fou que des hommes adultes estiment qu'on fait le ménage seulement si on a ouvertement sali un truc, sinon je sais pas ce qu'ils imaginent que la maison reste magiquement propre tant qu'on ne renverse pas une casserole de lentilles à l'huile sur le carrelage? Moi je me pose même pas la question, si je vois une assiette trainer et que tout le monde est parti se coucher, je la mets au lave-vaisselle, je ne me dis pas "ah non c'est pas à moi hein, je laisse" parce que j'ai plus de 30 ans et que ma mère m'a engueulée je ne sais pas combien de fois dans ma vie comme quoi j'étais mesquine et égoïste quand je faisais ce genre de trucs, donc je me sentirais hyper morveuse de raisonner comme ça.
Et ça me rappelle vraiment quand j'avais 19 ans, j'étais partie avec une bande de potes en vacances à la mer. Une de mes copines était hyper ordonnée et donc quand tout le monde avait pris sa douche et que la salle de bain était plein de sable et en bordel, elle se mettait à tout nettoyer pour tout le monde. Moi ça me dérangeait pas trop l'état de la salle de bains mais par contre, ça me dérangeait qu'elle fasse toute seule tout le boulot donc je faisais le ménage avec elle et j'avais fini par dire aux garçons qu'ils pourraient faire un effort. Hé bah devinez ce qu'il m'avait répondu? Dans la même veine que mon coloc "hé bah moi je m'en fous que ce soit sale donc pouquoi j'irai nettoyer". J'avais dit "bah parce que sinon c'est Pauline qui fait tout" et ils avaient répondu "ah oui mais c'est pas notre faute si ça la dérange hein, elle peut nettoyer si elle veut mais nous ça nous dérange pas donc y'a pas de raison qu'on nettoie tous les jours". Je précise qu'en plus, on était invités chez les parents d'un membre du groupe, donc c'était aussi nécessaire de nettoyer pour rendre l'appart en bon état à la fin du séjour! Les filles du groupe de leur côté, même si elles n'avaient pas envie de nettoyer, elles n'avaient pas osé sortir un truc pareil ou soutenir les garçons dans leur position.
Bref, là, il y a un de mes colocs garçons qui semble avoir plus de conscience de l'existence de tâches ménagères collectives, mais je trouve que c'est aussi intéressant la manière dont il le fait. Par exemple, il relève que je fais le ménage mais sa contribution c'est qu'il va rester enfermé dans sa chambre pendant que le sol sèche par exemple au lieu de proposer de le faire la prochaine fois. Ou c'est le genre à se porter immédiatement volontaire pour aller acheter un truc qui manque pour la maison, ou des trucs un peu "manuels", ou à attendre "des instructions" précises (par exemple, si je lui dis "peux-tu remplir un seau d'eau stp" ou "peux-tu laver la poubelle", il va le faire sans rechigner voire spontanément me proposer de le faire s'il sait que c'est nécessaire) mais sans se joindre vraiment aux tâches ménagères. Et en fait, il m'a déjà fait des commentaires comme quoi sa mère "aurait pas apprécié" si c'était elle qui faisait le ménage et qu'il salissait un truc, donc il trouve normal que je lui fasse des réflexions et que j'ai des exigences, contrairement à l'autre coloc qui dit "c'est pas moi" (alors que c'est pas du tout mon truc de diriger une escouade de ménage à la bas hein
). Et du coup, j'ai trouvé ça assez intéressant de constater ça, car ça veut dire que sa mère lui a bien fait prendre conscience qu'il fallait accorder de l'attention aux tâches ménagères, mais elle lui a surtout appris à respecter le travail DES AUTRES et pas à considérer que les tâches ménagères étaient sont job A LUI, alors que ma mère à moi m'a bien appris que c'était MON JOB et que c'était justement anormal que je considère ce job comme celui DES AUTRES, et visiblement, c'est aussi ce qu'a appris ma coloc fille.
Bref voilà, ce que je trouve intéressant en quelque sorte, c'est que c'est pas tellement que les filles sont plus propres ou quoi, c'est qu'elles semblent avoir beaucoup plus profondément intégré l'idée que les tâches ménagères collectives les concernaient et que vivre avec une ou plusieurs personnes signifie prendre ses personnes en compte dans l'organisation quotidienne du foyer, alors que beaucoup d'hommes semblent avoir beaucoup plus de mal avec ce concept.
Même dans ma famille, je suis honnêtement plus bordélique de manière générale que mon frère (genre sa chambre est mieux rangée que la mienne), et il est très "serviable", donc quand on est tous les deux pendant plusieurs jours dans la même maison, ça peut être vraiment le bazar, probablement en grande partie de mon fait, mais si des gens viennent, ça ne le dérange pas vraiment de ne pas ranger ou nettoyer. Alors que moi, je suis hyper gênée et je me mets à ranger. Mon frère vient alors "m'aider" mais ça se voit qu'il ne pense souvent qu'à la moitié des tâches et qu'il y a plein de tâches qu'il n'a pas du tout intégrées comme nécessaires. Pourtant, il était souvent à côté de moi quand ma mère nous engueulait pour notre désordre, mais visiblement, ça m'a beaucoup plus marquée que lui.
Du coup, c'est quand même étrange à quel point ça semble être un truc qui va au-delà des parents eux-mêmes, mais aussi de la perception en tant que fille et garçon qu'on peut avoir de notions comme la propreté en public, l'ordre, le collectif, le foyer, etc.