@nettle : Je suis totalement d'accord avec toi, je ne pense pas qu'on puisse diffuser ce clip n'importe comment, alors que n'importe qui (et donc des gosses) pourrait le voir.
Personnellement, c'est ce qui m'a fait le plus réagir, c'est les raisons invoquées par Madame Laborde, que je trouve à côté de la plaque, puisqu'elle dit en gros :
1) Qu'un clip n'a pas vocation à dénoncer quoique ce soit.
Alors oui, le but premier d'un clip, on va pas se mentir, c'est quand même de vendre, de faire la promo. Mais l'artiste ne peut pas faire d'un clip une image noire avec juste écrit "S'il vous plaît, achetez mon album. Bisous.". D'autant plus que le clip, essentiellement depuis trente ans, est devenu une oeuvre d'art lui-même, puisqu'on (certains artistes du moins) s'attache à exploiter au mieux le matériau artistique vidéo de base. Le clip peut devenir un peu plus que le chanteur qui se dandine sur sa musique, et peut exprimer quelque chose, comme toute oeuvre d'art. Et ce clip par exemple s'inscrit merveilleusement bien dans la filmographie de X. Dolan.
2) Que ce clip en particulier n'était qu'un exercice de style et se complaisait dans l'esthétique de la violence, et avait juste comme volonté de montrer de la violence. Parce que c'est rigolo, provocant, et que ça fait vendre en gros.
Sur ce point, je ne suis pas totalement d'accord non plus. Dolan a très certainement fait ce clip pour dénoncer quelque chose - le harcèlement - dont on ne parle pas, dont on ne veut pas parler. Et d'une certaine manière, ce film est dans la continuité de son cinéma ; de plus, finalement, il y a énormément de passerelles entre leurs travaux. Alors forcément, on a une certaine élégance dans sa manière de filmer, mais simplement parce que ce sont ses mots, son langage. Et de ce clip, bien sûr on peut retenir la maestria avec laquelle il est filmé, mais on ne peut pas dire que c'est son seul intérêt. Elle n'est pas au service de la violence, elle n'est pas là pour la rendre belle, puisqu'au contraire, tout est fait pour qu'on ressente de l'empathie pour le garçon, et donc qu'on rejette cette violence.
Du coup (@destynova) : est-ce qu'on ne peut pas faire les deux, vendre et dénoncer ? Produire quelque chose qui aurait et une valeur dans la forme, et une valeur dans le fond ? Bien sûr, il y a certainement une forme d'orchestration dans tout ça. Et l'art - et je pense qu'en faisant le choix d'un tel réalisateur que Dolan, on est clairement dans l'art - peut dénoncer tout en produisant quelque chose qui a une valeur esthétique non ? On a déjà vu ça dans l'art, dans le cinéma mais pas que, dans la littérature, ou la peinture, ou autre : l'artiste dénonce, dans son propre langage, en utilisant ses outils, ses armes, et s'il les manie bien, on peut être face à une oeuvre qui possède une certaine élégance mais dont le message reste souverain. Evidemment, on choisit ce qu'on va produire, montrer, proposer au public, publier. Peut-être oui, que ce n'était qu'une manière plus ou moins détournée de dire "Coucou, on existe, parlez de nous", mais est-ce que ça devrait rendre le message moins écoutable ? Un peu comme dans le cas de Lady Gaga (que tu citais aussi même si dans un but différent), qui en plus de la provocation, avait comme message "Aimons-nous les uns les autres, acceptons l'autre dans sa différence, etc.", message qui lui a très certainement permit de s'assurer une grande base de fans : si ce message n'était que commercial, justement que pour s'assurer quelques fans supplémentaires, est-ce réellement grave, si elle a permit à ne serait-ce qu'une personne de mieux vivre ? (Bon, après je trouve que le cas de Lady Gaga est un peu particulier sur cette question). Tout cela pour dire, que finalement, il faut espérer que quelqu'un, que le groupe ou le réalisateur, ou si ce n'est pas eux, les médias ou les gens "lambda" réussissent à transformer l'essai, et à déplacer le débat sur le harcèlement, puisque c'est la question qui devrait être posée, qui mériterait de l'être plus que toutes autres, et qu'on refuse pourtant.
Et d'un autre côté, la démarche peut aussi être totalement sincère - peut-être qu'elle ne l'est pas du tout, peut-être qu'elle ne l'est pas tant que ça, peut-être qu'elle l'est plus que ce que l'on pense. D'une certaine manière, je pense déjà qu'on peut affirmer qu'il y a réellement une part de sincérité - même si peut-être infime (?) - au vu des thèmes que le groupe et le réalisateur ont déjà pu évoquer dans leur carrière respective. Mais si ce n'était que de la violence pour provoquer et polémiquer, on peut tout de même espérer que 1) ça puisse tout de même ouvrir les yeux à certains (et donc quoique fut le but du groupe et du réal), et 2) comme je l'ai dit, qu'on transforme l'essai et qu'on commence à parler réellement du sujet, et en profondeur.
Ensuite, pour tes regrets concernant l'angle choisi (la violence physique, le côté "gentil garçon qui finit par se retrouver seul contre tous", et le parcours de la victime plutôt que du témoin ou de l'agresseur), je pense que oui, ça vient essentiellement du support artistique en lui-même, c'est-à-dire, un clip pour une chanson d'environ 4 minutes et quelques. La violence physique, parce qu'elle est un fait matériel, est plus facile à filmer qu'un parcours psychologique (parce que finalement, j'imagine bien que c'est en s'intéressent à la psychologie du témoin/agresseur qu'on peut réussir à dénoncer son attitude). Et c'est extrêmement compliqué de relater un mécanisme aussi complexe (comment je détruis par la violence psychologique, pourquoi je fais partie de cette bande d'écoliers qui entre dans ce jeu-là, pourquoi je me tais alors que je sais). D'autant plus, puisque le support artistique l'oblige, en une vidéo de 5 minutes, qui doit laisser une moindre part au langage. En outre, nouvelle limite du support "clipesque" (existe-t-il un adjectif dérivé du mot clip ?), comme, s'il peut être oeuvre à part entière, il doit aussi ramener à l'artiste, il doit par conséquent posséder quelque chose de plus ou moins percutant (et par percutant, je n'entends pas forcément "violence", mais plutôt une esthétique (et là, pas dans forcément dans le sens "beauté", mais plutôt dans celui d'une identité visuelle), ou quelque chose qui va pouvoir accrocher le regard - d'où l'explosion depuis trente ans des clips scénarisés), ça limite aussi l'aspect psychologique. Néanmoins, je ne dis pas qu'il est clairement impossible d'évoquer une psychologie dans un clip, mais que c'est bien plus complexe. Et cet angle choisi peut aussi être un choix conscient, artistique et scénaristique. D'après ce qu'a dit N. Sirkis, et peut-être que X. Dolan l'a vu ainsi aussi, on peut imaginer qu'ils ont pensé qu'un électrochoc était la meilleure manière pour eux, avec leur propres armes, de réussir à dénoncer le harcèlement et la violence. C'est une idée qui est plutôt courante d'ailleurs - qu'on voit souvent par exemple avec les happenings de certains mouvements féministes par exemple, ou dans certaines campagnes contre l'alcool au volent, les violences conjugales, etc. Je suis d'accord que ce n'est pas la seule et unique solution, mais, ici, à titre personnel évidemment, je trouve que c'est plutôt pas mal fait.
Par ailleurs, quand tu dis qu'il n'y a pas vraiment de solution proposée : je t'avais répondu que c'était les témoins qui la détenait et que c'était clairement visible dans le clip, mais je pense finalement que c'est clairement visible pour moi qui sensibilisée (théoriquement) à cette question, et que oui, peut-être que tout le monde ne trouverait pas cela évident. Finalement, comme @euki le disait d'ailleurs (dont j'avais mal compris les propos, désolée
) peut-être qu'afficher un numéro/site internet/association/que sais-je aurait pu être une bonne idée. Je crois que ma réflexion sur ce point a été troublée par ma propre sensibilisation - alors que d'un autre côté je me plaignais que le sujet était évité par les médias (et je crois que la conséquence directe ne m'avait sur le moment pas été évidente : mais du coup, certaines personnes n'ont pas conscience de ce problème).
Pour finir, le dernier (je crois
) point que tu as abordé, concernant la place de la violence dans les médias et la violence pour dénoncer, c'est celle que j'aurais aimé entendre de la bouche de Lagarde en fait - plutôt que de l'entendre brasser du vent en mode "l'art ça sert pas à dénoncer"
(parce que d'accord, c'est sûrement assez récent finalement comme idée, l'art comme un moyen de s'exprimer pleinement sur le monde, mais pas si récent pour que ça ait pu lui échapper). Mais là, on en revient à ce que je disais tout à l'heure (coucou, ce post est mal organisé), chaque support artistique a ses propres contraintes, et en quatre minutes, il peut apparaître compliqué de faire comprendre la violence autrement que par la violence.
(Et sinon, il me semble que c'est le deuxième (au moins) clip pour le nouvel album - mais ça n'a pas réellement d'intérêt
).