J'ai mon papa et je l'aime très fort. Je trouves juste que c'est trop facile de condamner ses parents (lorsqu'on choisi de parler de ce sujet, on doit surement s'attendre à ce que tout le monde soit d'accord avec nous) et encore une fois certaines ont très mal compris mes commentaires.
Bref, je préfères ne plus participer à ce sujet, parce que je ne vous comprendrais pas et vous ne me comprendrez pas.
Tu sais, j'ai longtemps aimé, voir adoré mon père. C'était mon héros, mon dieu, mon sauveur, celui qui m'a élevée, qui a remplacé ma mère qui n'était jamais à la maison, mais toujours au boulot. C'était mon ami, mon confident, mon père... c'est aussi un homme profondément solitaire, qui n'aime pas beaucoup les autres, très sarcastique, avec un esprit critique, une bonne repartie et les mots justes. En grandissant, j'ai découvert plusieurs aspects de mon père qui m'ont fait grincer des dents ; sans ambitions, profondément jaloux, torturé, fermé d'esprit, qui ne juge que sur des a priori. Comment décrire une relation abusive ? Comment expliquer mon amour très fort pour mon père, et à la fois ma déception constante ? Auparavant, je l'adorais et j'avais peur de le décevoir ; aujourd’hui, je suis déçue de lui et blessée par lui ; j'avais la peur qu’il me critique et/ou me juge dans mes décisions, que ce ne soit jamais à la hauteur de ses espérances. Je suis devenue le conseiller conjugal de mes parents ; tu vas me dire que c'est normal que l'enfant le soit ? Je dois écouter mon père se plaindre à longueur de journée, juger tout ce qui l'entoure, me faire la tête si je lui parle des études que je souhaite faire plus tard (il n'a jamais obtenu le soutien de ses parents, donc n'a jamais fait d'études, il est donc assez jaloux des opportunités qui se présentent à moi), et en plus de ça, me dégager de lui m'a pris des années parce qu'il me couvait, et il m'en veut encore aujourd'hui que finalement je vais partir, et que c'est pour bientôt.
Et petit à petit, j'ai pris du recul sur cette adoration. En fait, je ne l'adorais pas. J'avais tout simplement une peur bleue de lui. Je me soumettais à lui. Il est comparable à un dieu du Panthéon grec. Il surveille, juge et punit, il est totalement irrationnel, fantaisiste et imprévisible. J'avais peur qu’il me frappe les cuisses et qu’il me torde les poignets quand j’étais petite ; peur qu’il me hurle dessus quand j’ai tort ou quand j’ai fait une gaffe et qu’il me poursuive jusqu’à ce que je m’enferme dans ma chambre pour me cacher de lui, peur qu’il me frappe encore aujourd’hui comme il l’a fait récemment parce qu’il était en sevrage de nicotine. Peur de ses sautes d'humeur aussi. Plus jeune encore, quand je me faisais mal, quand je me plaignais d’une douleur, il fallait que je le dise, que je m’en plaigne, que je le prouve pendant des mois avant d’être crue. Mais pour être crue, je devais passer par l’étape où on essayait de me convaincre que je n’avais pas mal. Partagée entre ce que je ressentais et ce que je devais ressentir pour être à leur hauteur (pour être aimée en quelque sorte, parce que c’est comme ça que l’esprit d’un enfant fonctionne), j’ai fini par me méfier de ce que je ressentais réellement… et par me demander si je méritais de le ressentir ou non. C’était pour mon bien je me disais. On m’a donné la vie après tout, tout est alors pour mon bien. Seul argument légitime - et compréhensible. Mais c’est égoïste d’empêcher un enfant de prendre ses propres décisions, de vivre ses erreurs, et de lui crier dessus par la suite quand l’erreur a été commise et qu’il valait mieux l’écouter pour l’éviter. C’est une forme de chantage quand on y pense bien.
Admettre et renoncer à cette illusion de l’amour que j’ai reçu a été le plus difficile, et heureusement que mon petit ami était là pendant cette phase. Il connait assez bien mon père, et ils ne s'aiment pas vraiment, ils se remettent constamment en place, mais il n'y a que lui qui arrive à me calmer. C’est vrai que ça ne m’empêchera pas de continuer à vivre normalement, mais qu’on ne me demande plus de souffrir en silence. Paradoxalement, je n’arrive pas à cesser de penser que je me fais victime, que je suis injuste envers lui, et que je suis méchante. Je suis méchante parce que j’essaye de survivre, donc je dois forcément me rebeller, et ma peur d’être méchante m’aliène, m’isole, créée de la haine qui renforce toute la toxicité de la relation dans un cercle vicieux. J’ai tellement été convaincue que je devais l'aimer d’un amour inconditionnel, être reconnaissante à vie, continuer à accepter cette sacro sainte croyance du parent qui a toujours raison. C’est au contact du parent que la confiance se développe ou non, mais si la confiance n’est même pas là pour le parent, alors la confiance en soi-même ne peut pas non plus être là. C’est irrévocable. Et quand je vois les autres familles, je me dis qu'il y a probablement un problème avec la mienne.
Je comprends ton point de vue, après tout c'est horrifiant pour la société qu'un parent puisse être nuisible à un enfant ; c'est lui qui est sensé enseigner les valeurs de la vie, de le mener dans une bonne voie, de le motiver, l'encourager, de le valoriser, de positiver. Et ça se reflète sur l'enfant, qui ne comprend pas pourquoi il ne peut pas avoir confiance en ses propres parents, qui ne comprend pas pourquoi on s'efforce à détruire sa propre image (des paroles négatives, des chantages affectifs, des décisions qui dévalorisent).
Et le pire là-dedans, c'est que ma mère aussi m'est toxique. Mes deux parents sont toxiques et c'est un enfer à la maison. Ma mère adore torturer psychologiquement son entourage, elle a quelques aspects d'une PN ; elle torture même mon père, qui lui va cracher son venin sur moi et essayer de parler mal d'elle avec moi dans son dos. Peux-tu t'imaginer d'être constamment enfoncée, rabaissée, humiliée, dictée ? Être traitée de menteuse. Hypocrite. Méchante. Être insultée de garce ou de poufiasse, c’est normal ? Je ne pense qu’à moi, jamais à eux. Je suis indigne. Et si je n’essayais finalement que de survivre moi aussi ? Et si toutes les personnes dans ma situation n'essayaient pas elles aussi de survivre comme elles peuvent ? T'imagines-tu de l'impact que ça a sur nos vies ? J'adore mes parents pour toutes les voies qu'ils m'ont ouverts, mais je les déteste pour tout le tort qu'ils m'ont fait, pour toute l'incompréhension et l’humiliation que j'ai subi.
(Mais je rassure sur un point, c'est ma dernière année avec eux, et je ne sais pas s'ils ont pris conscience ou non, mais ma relation avec mes parents s'est améliorée. Je leur en ai aussi touché quelques mots, peut-être que cela a aidé, parce que je ne peux pas fuir, je vis à l'étranger avec eux...)
En fait, je te dis tout ça parce que je comprends ton commentaire, je comprends la relation et l'amour que tu portes pour ton père, et je comprends que tu aies du mal à comprendre le concept du parent toxique, parce que moi-même j'y croyais pas à ce concept... jusqu'à réaliser que de mon côté que c'était très illusoire tout ça pour moi. Je ne dis pas que ça l'est pour toi, parce que là, je ne te partage que mon témoignage personnelle, en espérant que tu comprennes mon point de vue, et peut-être aussi celui des autres.