Comment tuer la vocation professorale ?

[Roo]

arf moi qui pensait que dans les filières spécialisées type agro ils vérifieraient un petit peu plus..

Je rajouterais qu'au-delà de l'aspect connaissance, c'est quand même pas très rassurant qu'ils y aient des personnes dont on a même pas vérifié les CV qui enseignent dans des écoles... c'est un peu la porte ouverte à tout et n'importe quoi. Peut-on vraiment envoyer n'importe qui devant une classe d'élèves qui vont se confier à lui, faire confiance (parce que je peux vous dire qu'on en entend des choses de la bouche des élèves sur leurs familles, etc...).
Comment par exemple réagirait un simple étudiant qui a attéri là pour quelques semaines face à un problème de violence au sein d'une famille? Déjà qu'un prof ne peut pratiquement rien faire.. Nan vraiment ça va bien au-delà d'un problème d'enseignement, c'est tout un problème éducatif.
En plus, en tant que prof on est aussi là pour faire passer des valeurs de l'État vu qu'on est fonctionnaire... on est pas juste là pour leur apprendre un savoir, ça va beaucoup plus loin que ça.

'fin bref tout ça me révolte mais me motive aussi pour continuer à faire ce métier car il va en falloir des gens motivés à l'avenir pour contrebalancer toutes ces conneries...

 

[Tsiporah]

Je tenais juste à préciser que dans le privé c'est exactement la même chose. De toute façon nous passons strictement le même concours avec le même jury.
Je ne pense donc pas que ce soit constructif de diaboliser le privé, on peut choisir cette voie pour de bonnes raisons, et l'état ne peut guère se passer de ces établissements !

Ceci dit, je te comprend, je prépare le CRPE et c'est aussi une vraie galère ! La seule chose c'est que j'ai eu 5 semaines de stages cette année, ce que malheureusement les CAPES non pas.

 

[Arc-en-Ciel]

Ton article est très juste. En début d'année, j'ai été stupéfaite de voir les M2 débarquer dans les écoles pour des stages en responsabilité (une classe à gérer pendant deux semaines tout seul comme un grand et débrouille-toi avec ça) avec pour seul point d'appui, une visite effectuée par un maître formateur (un mec qui reste une heure dans ta classe, woaou). C'était parfois des gens qui n'avaient jamais effectué de stages en écoles, et j'ai trouvé ça tellement con comme système, de les lâcher comme ça sans filet ; c'est un coup à être dégoûté du métier. En plus, ils ont été hyper mal accueillis par les parents qui considéraient que puisqu'ils n'avaient pas encore obtenu le concours, lesdits stagiaires n'étaient pas aptes à s'occuper des gamins.

C'est un vrai bordel, et j'espère que c'est uniquement parce que ce sont les "débuts" de la réforme, que tout n'est pas encore en place, et qu'après les balbutiements du moment (et les ratés !), la formation deviendra plus solide et plus cohérente.

 

[Franadelica]

My god, j'ai eu l'impression de lire ma vie! En plus de démolir l'éducation nationale, sachez également que la réforme des universités et des concours a brisé toute une génération. Je suis titulaire d'un diplôme sans valeur (licence de lettres) puisque je ne peux plus passer les concours. Je n'ai malheureusement pas les moyens de me lancer dans un master. Parce que c'est un point que l'on oublie de soulever, mais qui peut se permettre un bac +5 sans travailler à côté? Les bourses ne suffisent pas toujours, les parents n'ont pas forcément la capacité d'aider. De plus la réussite au concours est loin d'être gagnée, comme tu le soulignes très bien. Bref, on se retrouve avec des personnes qui ont entre 25 et 30 ans, et aucune perspective.
De lire ton article, je me rends compte que je suis toujours aussi rageuse contre ce système!

 

[Celestin]

Merci d'avoir mis en mots tout ce qu'on vit au quotidien!
Je suis actuellement en M2 MEF spécialité EEE (rien que le nom ça fait peur) c'est à dire deuxième année de master Métier de l'Education et de la Formation, spécialité Enfance Education Enseignement (je ne me souviens jamais de l'ordre des 3E) en gros le master pour être prof des écoles quoi. Et en plus de ça je suis salariée je n'ai donc que deux aprem par semaine plus les mercredis pour aller en cours et cette année à été une année de torture:
- aucun (mais vraiment rien de rien) dispositif pour les salariés, en gros on doit se demerder pour taxer en permanence les cours aux autres, les scanner, les envoyer à ceux qui ne sont jamais là...
- au début de l'année, l'inspection à voulu supprimer les stages à tous ceux qui ne sont pas admissibles= alors je vous explique, en gros en plus du master on passe le concours de professeur des écoles, les admissions sont en septembre et ensuite le master est censé nous préparer aux admissibilité (en mai/juin) mais si jamais on n'est pas admissible, on ne pourra pas repasser le master, il faut donc qu'on soit préparer à l'oral comme les admissibles pour les prochaines année, et donc si on n'avais pas eu de stages cette année on n'en aurai jamais eu, on a donc fait un petit mouvement sur la Lorraine pour récupérer ses stages, au passage on est passé de 6semaines (ce qui est déjà ridiculement faible) en écoles à 4 semaines.
- une surchage de travail énorme, un mémoire de 50 pages (10 de moins quand même) à écrire et des dossiers à rendre dans toutes les matières "pour pas qu'on ai d'examens" mais bon, des dossiers ça prend aussi pas mal de temps.
- un mémoire tout juste réfléchit en décembre(c'est seulement là qu'on a eu nos tuteurs) et à rendre pour le mois de mai (pour les admissibles)
- des cours complètement inutiles parce que les profs ne savent pas quoi nous apprendre
- en plus du mémoires, des dossiers et du concours,on est aussi obligé de passé une certification en langue (CLES ou TOIEC) et une en informatique (C2I2E) qui rajoutent encore du travail!
- un manque d'information et de cohérence complet, on entend des tonnes de rumeurs, le mémoires passerait peut être à 30 pages mais on n'est pas sur (on est quand même en avril) des chose obligatoire ne le sont plus et inversement, on ne sait pas ce qu'on doit écrire dans notre rapport de stage..
- une direction qui se moque de nous: le directeur nous a dit qu'ils savaient bien ce que vaudraient nos mémoire en raison du peu de temps qu'on a, en gros "vous cassez pas le cul, on sait bien que ça sera nul mais on vous mettera la moyenne" (contrairement à se qu'on pense c'est pas du tout encourageant)
- des postes au concours ridiculement bas (69 pour cette année et 23 sur l'académie pour la session 2012)
- un avenir de la profession incertain, puisqu'on nous dit que la visée c'est la suppression du concours pour embaucher des gens sur profils, et des contractuels (donc non fonctionnaires)
Donc vraiment je m'accroche car c'est un peu près ma seule vocation mais vraiment c'est dur, et on ne ressortira pas de cette année entier, c'est super démoralisant, le peu de fois ou je suis à l'iufm je me rend compte que tout le monde à le moral au plus bas (et il y a eu pas mal d'abandon en cours d'année) c'est vraiment terrible, et dire que j'avais arrêté la psycho en licence parce que je ne me sentais pas capable de gérer le master, ça aurait été 1000fois plus faciles je crois.

 

[gilda]

Merci, merci, merci pour cet article.
Je me sens moins seule, et en ce moment, ca fait du bien!

Je suis en M2, j'ai passé le concours l'année dernière après ma licence, on m'a validé cette année comme un m1, et cette année (vu que je me suis loupée) je suis en m2.
Comme je me suis loupée à l'écrit cette fois, j'enchaine pour valider ce master de l'horreur :
Diplôme d'informatique + diplôme d'anglais + mémoire de 30 pages + soutenance de ce mémoire + partiels de master + oraux de master.

Et ce qui me rassure dans ton article, c'est de voir qu'il n'y a pas chez moi que les profs ne sont pas d'accord entre eux, chez moi ca devient intenable, tous les jours je reçois des informations différentes, je n'en peux plus.

 

[Celestin]

Je ne crois pas qu'on ai parlé du niveau des concours aussi, en tout cas pour être professeur des écoles c'est vraiment pas faciles, les écrits sont super difficile et on ne nous demande même plus d'analyse de productions d'élèves ou de question didactique, il faut juste connaître nos leçons d'histoire, des maths, de sciences et de français (avec un niveau de connaissance assez élevé d'ailleur)

 

[enilec]

Eh bien...bon courage les jeunes !

 

[Adee']

Je comptais faire une L3 sciences de l'education l'année prochaine, pour faire ce masyer, je crois que j'vais abandonner cette idée ! Juste une question, comment ça se passe pour enseigner le francais a l'étranger ? Je suppose que le concours se passe en France du coup ça doit être le meme bordel non ?

 

[Couzine]

Ouf! Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris pcq le système scolaire québécois est très très différent. Mais grosso-modo, ce que je comprends, c'est que, même si c'est pas terrible au québec, ça a l'air quand même mieux que chez vous

je suis finissante en enseignement au secondaire (donc pour les adolescents) en mathématiques. c'est à dire que j'ai 4 ans d'université plus deux ans de cégep. En plus de ça, j'ai des heurrres incalculables passées à faire des travaux qui n'ont ni queu ni tête, à étudier pour des examens qui n'ont pas beaucoup de sens avec ma futur profession et à me prendre la tête avec tout ça. (j'exagère un peu, j'ai quand même l'impression qu'on a une base sur la pédagogie et la matière qu'on enseigne, mais c'est pas encore parfait. il reste beaucoup de travail pour mettre à jour, entre la théorie et ce qu'on vit dans les écoles...) Malgré tout, ici, pour être prof, il faut un diplôme universitaire, un brevet (qu'on obtient directement avec le diplôme si on a eu les qualifications) plus un test de francais écrit (qui est assez chiant.)

en plus de tout cela, on a un an complet de stage, réparti sur 4 ans, ce qui nous donne un stage par année. Le dernier stage étant le plus long (4 mois) durant lequel on a 100% d'une tâche d'un enseignant moins le salaire et les frais de scolarité...

Bref, malgré tout, il me reste que... 16 jours avant la fin de mon bacc et je capote un peu... (je fais pas mes travaux pendant que je lis madmoizelle :S )

et puis, rassurez vous, les conditions de travail durant les premières années sont pas plus fantastiques au québec... groupes difficiles, classes de 32 élèves, parents qui gueulent, élèves en difficultés, avec des retards d'apprentissages, des problèmes de comportement... bref, cest pas facile.

 

[Humming]

Quand je vous lis, je mesure ma chance d'être enseignante hors de vos frontières...
A part ça, il faut combien de temps pour être prof au lycée chez vous?
Ici, c'est 5 ans de Lycée, 5 ans de Master (en général 3 branches, par exemple en Lettres) et 2 ans pour terminer avec un Master en pédagogie mis à part les stages, les rapports, les trucmuches etc, etc, etc.... J'en vois pas le bout même si l'uni heureusement est terminée....
Vous savez peut-être aussi s'il est possible d'enseigner en France s'il on a été formé ailleurs? Il faut tout de même passer des concours?

 

[ninicracra]

Merci Annelise pour ce parfait résumé! Moi même des fois, à force d'en parler depuis 2ans, je m'y perds.
Je suis effrayée par les ravages de ces masters enseignement, et vraiment déprimée.

Plus personne ne sait comment on devient enseignant, et bientôt plus personne ne saura comme enseigner.

En ce qui me concerne, j'ai continué dans la recherche le temps que tout se mette en place. Armée de mon bac+5 Lettres Recherche, maintenant, les choses ne vont pas mieux. On verra. On essaiera. Ce qui est terrible, c'est que la vocation est là, mais on nous l'épuise avant même qu'on ait mis un pied dans une classe.
Bon courage à toutes!

(oh, et moi je mets tous mes derniers espoirs sur 2012 et sur la possibilité d'un nouveau gouvernement qui essaierait de s'intéresser à l'éducation de toute une nation).