Égalité des chances par l’école : le jeune prof qui défiait Bourdieu

24 Septembre 2013
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johnny-winston;4711217 a dit :
J'ai la chance d'être immergée douze heures par semaine dans un collège aux Minguettes, Vénissieux, banlieue lyonnaise.
Eh bah je peux vous dire que votre Jérémie, là, il a rien inventé. Communication entre collègues et avec les parents, c'est LA BASE. B.A.S.E. de tous les établissements éclair (zep pour les ringards). Une de mes collègues appelle tellement la mère d'un gamin réfractaire qu'elles sont devenues amies. Ce sont des collèges où si on met un zéro, on doit le justifier devant le ou la principale, justifier qu'on a bien mis tout en oeuvre pour la réussite du gamin, mais que vraiment, vraiment, il l'a cherché, son zéro. C'est un combat quotidien pour des milliers de travailleurs et travailleuses, pas juste l'idée géniale d'un aficionado de Bourdieu...
Et pour répondre à la demoiselle d'en haut, s'il est vrai que l'école est la pour apprendre, il faut bien des fondations, un socle commun de connaissances. Or force est de constaté que des références comprises par  une classe de 3ème ne le seront pas forcément par une autre composée d'élèves décrocheurs qu'on fait passer en classe supérieure parce que ça coûte cher et ça les traumatiserait de redoubler. Il n'y a pas de mal à dire que c'est plus agréable : c'est plus agréable d'être caissière quand tes clients te disent bonjour et aurevoir, mais s'ils ne le disent pas, tu leur passe les articles quand même, avec le sourire si tu es professionnel, et si le prof de l'article de slate est professionnel, il fera son boulot dans tous les cas, agréable ou pas. Dans la vie d'une façon générale, c'est plus agréable quand nos références sont comprises, et c'est pourquoi j'aime bien trainer avec des gens cultivés, curieux, intéressés et donc intéressants, parce que lancer, à la suite d'une énumération, "et là, un petit géranium" et entendre passer les anges, je ne veux plus jamais le vivre.
La culture générale c'est pas que pour les Apericubes.

Dans ce cas il ne faut pas être professeur, car les élèves sont, par définition, des élèves, donner un cours n'est pas une conversation entre deux parties égales, le professeur doit justement transmettre un savoir que les élèves n'ont pas.

S'ils ne comprennent pas une référence dans ce cas tu dois leur expliquer pour qu'ils la comprennent à l'avenir.
 
30 Août 2011
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@nailly :
Ton post est dur. Tu as le tempérament qu'il faut pour te prendre en charge toi-même et t'intéresser à ce ue tu faisais, ce n'est pas le cas de tout le monde.
 
10 Juin 2012
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nailly;4711491 a dit :
Et ça m'horripile d'entendre les gens dire que les gamins échouent au collège, ou au lycée, PARCE QUE leurs parents sont de pauvres petits ouvriers qui sont nécessairement peu cultivé. Non, ils échouent parce que dès la primaire, ils ne font pas leur devoirs, n'écoutent pas en cours, ne révisent pas pour leur contrôle et ceci jusqu'en terminale. On a tous les mêmes cours, les mêmes contrôles, ça m'étonnerai qu'un prof fasse un contrôle sur quelque chose qui n'a jamais été vu en cours, sous prétexte que les parents leur en ont forcément parlé et tant pis pour ceux dont les parents ne sont pas cultivés.

(...) Alors NON, les parents qui n'ont pas fait d'études ou qui ont un métier mal perçu ne sont pas responsable de l'échec scolaire de leur enfant : si celui-ci se décidait à travailler, à lire, à faire des recherches ou tout simplement à aller en cours, il n'y a aucune raison pour qu'il réussissent moins bien qu'un fils d'avocat.

Les enfants ne sont pas des espèces de poupées sans conscience qui n'agissent qu'en fonction de leur parent. A 10, 14 ou 18 ans, on est parfaitement capable de savoir que sans s'en donner la peine, on ne pas réussir et ceci dans n'importe quel domaine. C'est trop facile de laisser tomber et dire "c'est pas de ma faute, mes parents sont ouvriers, ils ne peuvent pas m'aider à faire mes devoirs !"


Je voudrais juste rebondir sur ces points-là parce que le reste, bah c'est ton expérience personnelle et ça ne me regarde pas vraiment  :)

Je suis en sociologie et j'ai vraiment beaucoup beaucoup étudié Bourdieu (et j'ai beaucoup aimé :yawn:). Le déterminisme et la reproduction sociale - dont on parle pour l'école que Bourdieu considère comme une machine à reproduire les inégalités sociales - ne reposent pas sur rien. Ce ne sont pas juste des concepts qui sont sortis de nul part, c'est le résultat de beaucoup de travaux. Il y a pas mal de sociologues qui ont bossés là-dessus (contemporains ou post-Bourdieu) et qui ont apporté une pierre à l'édifice. Il y en a aussi qui l'ont démontés parce que c'est une vision vraiment particulière de la société et des acteurs sociaux en général.

Bref le déterminisme, c'est pas juste une façon de dire que les ouvriers ne sont pas cultivés et que les grands patrons le sont. Il y a des résultats derrière et des enquêtes qui sont faites sur le sujet et qui le démontrent. Je ne crois pas que ce soit bête de dire que la plupart des ouvriers viennent de milieux socioculturels peu favorisés, qu'ils ont peu de qualifications et qu'ils ne gagnent pas bien leur vie. Bien sûr, il y en a qui ne le sont pas, ton histoire en est le parfait exemple. Seulement, je suis presque sûre que la majorité des ouvriers correspondent à ce que je viens de dire.

Alors quand des parents ont peu de qualifications (et donc des parcours scolaires courts), qu'ils vivent dans un appartement minuscule, qu'ils n'ont pas le temps (ou l'argent) d'emmener leurs enfants à la bibliothèque, au musée ou même en vacances, alors oui, ça a un impact sur la scolarité des gamins. Forcément ça en a un. Parce que ces enfants, quand ils vont aller à l'école et qu'ils n'aurons absolument aucune idée de quoi on leur parle, ils aurons des difficultés que les autres n'aurons pas. Parce que moi, quand j'étais petite, mes parents me parlaient d'histoire et me faisaient lire des pièces de Molière par exemple, mais que certains de mes amis ne connaissaient pas Molière et qu'ils ne savaient pas quand avait eu lieu la Révolution Française. Pas parce qu'ils ne faisaient pas leurs devoirs, qu'ils n'écoutaient pas en cours ou qu'ils ne révisaient pas mais parce que dans leur famille, dans leur milieu socioculturel, on ne leur en avait pas parlé. Point.

Les parents ne sont pas responsables de l'échec scolaire de leurs enfants, on est d'accord. Mais le milieu social dont les enfants viennent, la culture dans laquelle ils ont grandis, elle a un impact sur leur scolarité et on le sait. Il y a des tonnes de statistiques qui montrent que les différences de diplômes obtenus entre les gens de différents milieux sociaux. Et puis, quand un gamin a déjà des difficultés (à cause de ce dont j'ai parlé au dessus) et que leurs parents sont incapables de les aider à faire leurs devoirs, oui, ça a un impact aussi. J'avais des amis qui ne faisaient pas leurs devoirs parce que leurs parents ne pouvaient pas les aider et que, comme ils ne comprenaient pas, ils n'y arrivaient pas : ils préféraient ne pas les faire. Ça fait d'eux des fainéants ? Je crois pas non.

Tout le monde ne réagit pas comme toi face aux difficultés. Ton parcours est impressionnant mais ça ne veut pas dire qu'il invalide tout le concept de déterminisme et ce que je viens de dire. Les gens font ce qu'ils peuvent. Quand ils commencent la course avec beaucoup de handicap, c'est normal qu'ils n'arrivent pas premier ou qu'ils doivent abandonner en chemin. Et je le répète, les inégalités culturelles, sociales et économiques ont bien un impact sur la scolarité des enfants, ça a été prouvé. C'est pas pour trouver des excuses aux gosses qu'on le dit, c'est parce que c'est vrai et que les gens (en général) ont tendance à l'oublier.
 
13 Mars 2013
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Toulouse
@Nailly

On parle des enfants d'ouvrier à cause du revenu familial et du niveau d'étude des parents mais plusieurs facteurs rentrent en compte pour savoir d'où peut provenir le fossé entre élèves de différents milieux sociaux.

Les disparités de moyens oui, car les élèves ne feront par exemple pas leurs devoirs dans les mêmes circonstances : un bureau et un lieu calme, un ordinateur et une connexion internet, des livres, des dictionnaires à disposition...

Et oui, malheureusement parfois les parents n'ont pas le temps, l'envie ou les capacités d'aider leurs enfants (ce qui n'est pas l’apanage des milieux défavorisés, on est d'accord, mais qui en dépend fortement). Ils n'ont bien souvent pas non plus les moyens de payer pour du soutient scolaire, même ponctuel.

Puis il y a la connaissance et la valorisation du système scolaire par les parents, ainsi l'élève peut avoir une image positive de l'école/du collège. Certains élèves sont baignés dans la culture qu'ils vont rencontrer à l'école : livres, langue, musique, jeux... Et ont d'avantage de stimulations, en lien avec les compétences que l'on va leur demander de développer à l'école, depuis leur plus jeune âge (voyages, activités  culturelles, artistiques et sportives...).

Pour ces raisons je pense que les élèves (notamment les plus jeunes) n'ont pas encore les clés pour palier seuls au inégalités inhérentes à leur milieu social et que c'est le système éducation qui doit offrir les même chances à tous (et non peut-être les mêmes moyens).
 
C

candoo

Guest
Plus j'avançais dans l'article, plus ce prof me disait quelque chose... :hesite: Et ça m'est revenu : ça correspond beaucoup à un tumblr que je suivais l'année dernière !

http://viedeprofdu93.tumblr.com/
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Du coup en y retournant, j'ai eu confirmation que c'était bien lui ! :d
 
13 Janvier 2011
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Lille
Lire ses cours tous les jours c'est bien, c'est utile, mais ça ne suffit pas. Pour les SES je n'en sais rien j'en ai jamais fait, mais pour la philo, l'histoire il faut aussi savoir organiser sa pensée, savoir mobiliser ses connaissances, pour les maths il faut savoir faire des calculs, savoir quelles formules appliquer, avoir une certaine logique...
 
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Réactions : Loulam
14 Octobre 2011
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Je comprends pas trop l'engouement autour de ce prof. Je dis pas que ce qu'il fait est nul, mais il n'y  rien d'extraordinaire dans sa méthode non ? :hesite: Les interro régulières et la communication, mes profs l'ont toujours pratiqué. Bon, pas poussé à cet extrême non plus, certes.  Le seul point qui me marque, c'est qu'il refuse de voir ses élèves comme des jeunes voués à l'échec.
Mais sa méthode me perturbe. Fliquer des élèves comme ça, avec les QCM et les SMS aux parents, je trouve ça un peu exagéré. Je pense qu'en tant que lycéen, les gens sont censés être assez matures pour travailler pour eux même et non pas par peur de la mauvaise note au QCM et du SMS qui s'en suit. Fin, dans la vie, y'a personne qui envoie un SMS à ta mère si tu fais pas ce qu'il faut. Et il me semble que le lycée (surtout la terminale) est le moment où tu dois apprendre à faire les choses par toi et pour toi, pour que le changement vers le post-bac soit plus fluide. Parce que là du coup, l'année d'après, ils ont leur bac c'est très bien, mais est-ce qu'ils auront le réflexe de travailler sans avoir quelqu'un sur leur dos comme c'est le cas cette année ? :hesite:
 
23 Avril 2008
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4 814
ZZZ
En lisant le titre de l'article, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus "révolutionnaire". Ce que fait ce jeune prof est effectivement super, puisqu'il encourage ses élèves à travailler et à être assidu, en vue de décrocher leur bac. Mais de là à défier Bourdieu, j'ai l'impression qu'on y va un peu fort.

Bien sûr, je souhaiterais qu'un jour on puisse dire que la théorie de Bourdieu n'est plus d'actualité, que le rôle de l'école est rempli et qu'elle ne reproduit plus les égalités. Les élèves issus de milieux modestes ont effectivement bien moins de chances de réussir dans les études, mais c'est aussi parce qu'ils cumulent des difficultés depuis l'école maternelle. Aussi, je ne suis pas certaine qu'une année avec un prof (trop) bienveillant permette de défier Bourdieu. On défiera Bourdieu quand il n'y aura plus de difficultés scolaires criantes entre un enfant de primaire issu d'un milieu modeste et un autre baigné et baignant dans une culture et un environnement propices au savoir et à la réussite. Quand il n'y aura plus autant de décrocheurs scolaires, dont une bonne partie issus de milieux modestes.


Ce qui me turlupine aussi là dedans, c'est l'autonomie des élèves. Un bac seul ne sert à rien, donc une partie d'entre eux se dirigeront certainement vers l'enseignement supérieur, dont des filières universitaires. Or, je ne suis pas persuadée qu'après avoir été poussés de la sorte pendant une année, ces jeunes aient adopté des réflexes, ou même le goût du travail. J'ai toujours été bonne élève, mais honnêtement, ça m'aurait fait chier que mon prof appelle mes parents pour qu'ils me sermonnent, une fois arrivée en terminale. Et ça m'aurait bien emmerdé qu'il m'impose des QCM toutes les semaines. Alors oui, ça fait partie du format scolaire, d'être évalué régulièrement, ça a du sens, et c'est même nécessaire. Mais je trouve qu'ici la pression est bien trop disproportionnée pour des jeunes qui s'apprêtent à quitter justement cette école et à aller étudier là où ils auront des exams quasiment uniquement en fin de semestre et seront perçus comme de jeunes étudiants capables de travailler de manière autonome, indépendante, et intéressée.

Encore une fois, je trouve ça intéressant que des enseignants s'impliquent de la sorte dans la réussite de leurs élèves. Mais ce qui me dérange peut être le plus, c'est qu'on montre ça comme une "exception", alors que je suis sûre que beaucoup d'enseignants s'impliquent tout autant dans la réussite de leurs classes. Que certains développent des méthodes plus ou moins identiques et sois-disant novatrices (quoi que je sois moi aussi réfractaire à l'utilisation des réseaux comme outil d'apprentissage) pour que leurs élèves aient confiance en eux, croient en leur réussite et soient intéressés par ce qu'ils font. Et là, j'ai vraiment l'impression qu'on nous dit : bah tiens, on a un jeune prof consciencieux et dynamique, faites donc tous pareil, et on aura trouvé la solution au déterminisme social.
 
13 Février 2014
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Paris
www.abagore.com
nailly;4711491 a dit :
Alors NON, les parents qui n'ont pas fait d'études ou qui ont un métier mal perçu ne sont pas responsable de l'échec scolaire de leur enfant : si celui-ci se décidait à travailler, à lire, à faire des recherches ou tout simplement à aller en cours, il n'y a aucune raison pour qu'il réussissent moins bien qu'un fils d'avocat.

Les enfants ne sont pas des espèces de poupées sans conscience qui n'agissent qu'en fonction de leur parent. A 10, 14 ou 18 ans, on est parfaitement capable de savoir que sans s'en donner la peine, on ne pas réussir et ceci dans n'importe quel domaine. C'est trop facile de laisser tomber et dire "c'est pas de ma faute, mes parents sont ouvriers, ils ne peuvent pas m'aider à faire mes devoirs !"


Ton commentaire m'a méchamment énervé tiens haha! Surtout la partie que je cite plus haut.
L'éducation tu connais ? Si l'enfant n'est pas stimulé dès le plus jeune âge, si le goût d'apprendre ne lui est pas inculqué avant l'âge de raison justement, même s'il a des prédispositions il y a de fortes chances qu'il n'en use jamais.
Cela me rappelle un pote de ma cité avec qui j'étais en primaire et qui BATTAIT à plate couture les maîtresses en maths. Il a abandonné ses études en lycée pro, a trainé dans la cité à fumer du shit. Il n'y a que maintenant qu'il essaie de s'en sortir parce que oui, il a d'incroyables capacités.
Mais le petit qui lui regarde le foot et joue à la play - pour généraliser - a de mauvaises fréquentations, une famille monoparentale et pas un sou dans la poche parce que la maman n'a pas les moyens; comment veux-tu que cet enfant de 10/12/14/16 ans s'en sorte quand en plus la mère trime pour au moins mettre un peu de bouffe sur la table et donc ne peut pas gérer l'enfant aussi bien qu'elle le voudrait?
Je viens de dire que je généralisais mais ce schéma est finalement un grand classique de la banlieue, entre autres bien entendu.

Et puis tu me fais rire : tu dis que tes parents auraient pu offrir à toi et tes frères et soeurs une école privée s'ils le souhaitaient pour ensuite t'offusquer de la généralisation d'une réalité que tu ne connais pas, que tu n'as pas vécue. C'est surtout ça qui me met très en colère.
 
Dernière édition :
6 Décembre 2013
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canard-boiteux.over-blog.com
Sacré prof!
Bien sûr, a ce que je vois, il n'a pas inventé la pluie... mais lui, il se mouille.

Combien de profs de terminales distribuent des livres ou des exercices après avoir lu un annabac... combien ont oublié la transmission du savoir, et se retranchent derrière leur grande culture et leur bureau sans nous faire savoir qu'ils sont intéressés par notre réussite...

Donc je suis d'autant plus contente de voir qu'avec des méthodes simples, il s'implique et fait savoir à sa classe qu'ils sont cadrer. Il les élève... il les amène un peu plus haut. C'est l'idée!

Merci à la madz qui a posté le tumbler, il est poilant!
 
28 Avril 2014
24
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179
J'ai créé un compte juste pour pouvoir répondre à cet article, donc je rentabilise mon inscription en écrivant un pavé (et encore, j'ai taillé dans le vif sur certains points). ^^
D'abord, je suis extrêmement étonnée que cet enseignant et ses méthodes ait obtenu un certain intérêt médiatique, tant ce qu'il propose n'a absolument rien de révolutionnaire, et est pratiqué par de très nombreuses/x collègues.
La seule chose de vraiment « extraordinaire », au sens de « hors de l'ordinaire » est l'utilisation des réseaux sociaux et des SMS pour être en contact très fréquent avec les élèves et leurs parents, mais le reste n'a rien d'exceptionnel.

« Les élèves ne sont pas démissionnaires, ils viennent en cours, ils sont attentifs, ils ont intégré qu'ils étaient là pour travailler... Mais ils ne travaillent pas, ils ne relisent pas leurs cours. »
C'est là que j'ai commencé à vraiment à tiquer. Finalement, selon cet enseignant, le seul problème qui manque à la réussite de ces élèves, c'est le travail à la maison. Je voudrais dire ici que ce qui est décrit là est très éloigné de ce que je peux vivre, dans un lycée de province. Chez moi, il y a des élèves qui ne viennent pas en cours. Du genre jamais. Des élèves qu'on ne voit pas pendant des mois, et qui se pointent parfois de temps en temps. Des élèves qui ne viennent jamais les lundis, et puis pas trop le jeudi non plus, et puis ça dépend pour les autres jours. Et puis bien sûr, beaucoup d'élèves qui ne sont pas « attentifs », que tout intéresse davantage que ce qui est fait en classe, et qui font tout pour échapper au travail en classe. C'est une très grosse partie des élèves. Et je ne peux pas leur dire, comme le fait M. Fontanieu « t'as qu'à bosser davantage chez toi ».
Parce qu'à l'inverse de lui, je ne crois pas que la solution aux difficultés se joue hors de la classe, je crois qu'elle se joue dans la classe. Je crois que c'est à moi de mettre en œuvre, dans ma classe, les moyens pour qu'ils apprennent. Dans ma classe. Pas chez elles/eux. Considérer que le seul problème de ces élèves réside dans le manque de travail à la maison revient à considérer qu'ils/elles sont les seul-e-s responsables de leur échec. Et permet de se dispenser d'une réflexion globale sur la transmission du savoir et la pédagogie, comme s'il suffisait aux enseignant-e-s d'exposer des savoir (cours magistral) que les élèves devaient ensuite apprendre par coeur.
« L'école ne vous doit rien ». Si. L'Ecole leur doit la transmission des savoirs. L'Ecole et ses enseignant-e-s doivent aux élèves de mettre en œuvre le maximum pour exercer cette mission.
« Tu prends ce qu'on te donne, point ». Et s'ils/elles ne prennent pas ? On fait quoi ? L'enseignement, je crois que c'est prendre les élèves où ils sont, là où ils en sont, et les élever. Même s'ils en sont au stade de la consommation. Trouver un moyen de les intéresser, de faire en sorte que « le cours leur convienne » pour qu'ils et elles apprennent. Et pourtant, rien n'est dit dans cet article de ses méthodes pédagogiques. Rien n'est dit de ce que les élèves font en classe. Qu'est-ce qui est mis en œuvre, dans la classe, pour que les élèves comprennent, apprennent ? On fait comme si l'apprentissage en classe était une évidence, comme s'il suffisait d'être « attentif » pour apprendre (ce qui relève, bien sûr, d'une croyance très répandue mais pourtant évidemment fausse), et qu'il suffisait de « réviser régulièrement » pour réussir. Mais ça ne se passe pas comme ça ! Le processus d'apprentissage est bien complexe que ça.

D'ailleurs, quel est le moyen utilisé par ce professeur pour les mettre au travail ? La répression. Par les notes. Les notes ne sont plus un moyen d'évaluation (dont on sait d'ailleurs combien elles sont faussées par différents facteurs), mais un moyen de répression. Est-ce réellement le bon message qui est envoyé aux élèves ? Et comment note-t-il leur travail ? Par le biais de QCM, dont tout le monde conviendra qu'ils ne permettent absolument pas d'évaluer une réflexion ou un esprit critique, mais seulement un « recrachage » de notions. (en plus, il enlève des points en cas de mauvaise réponse, ce qui ne permet pas à l'élève d'avoir un symbolique « droit à l'erreur » - je rappelle qu'au test Pisa, les petit-e-s Français-e-s sont celles et ceux qui préfèrent le plus ne rien répondre plutôt que de prendre le risque de se tromper, tant ils/elles sont angoissé-e-s par l'échec....). Certes, les élèves sont capables d'apprendre des notions, d'apprendre un cours. Auront-ils appris à réfléchir ? A avoir un esprit critique ? A être autonome ? A apprendre pour soi ?  Auront-ils pris plaisir à apprendre (parce que oui, c'est important d'avoir découvert le plaisir d'apprendre avant la fin de sa scolarité obligatoire, sans quoi on risque d'arrêter d'apprendre dès lors qu'on n'en aura plus une utilité immédiate) ?

Son objectif est que ses élèves aient leur bac. Je trouve que c'est un peu limité (l'idée d'une Ecole distributeur de diplôme est pour le coup un brin consumériste), et donne une idée utilitariste du savoir, mais l'objectif est évidement louable. J'espère qu'il y parviendra, et cette méthode peut sûrement fonctionner dans son cas. Il est prof de la matière principale de cette classe, l'année de l'examen. Il travaille avec des TES, qui sont loin d'être les élèves les plus en difficulté du système scolaire (allez donc faire un tour du côté des filières technologiques ou professionnelles) Mais... c'est un cas particulier, et loin d'être la réalité de la majorité des cas où nous enseignons. Qu'en est-il des matières « moins importantes » (pour décrocher le bac) ? Qu'en est-il des autres classes ?


[Là où je rejoins son constat, c'est sur la difficulté de travailler en équipe (surtout au lycée). On ne croise pas forcément ses collègues très souvent dans la semaine pour peu qu'on ait un emploi du temps et des habitudes différentes, et le travail en équipe n'est pas institué dans l'Education nationale : il n'y a par exemple pas d'heure de concertation dans l'emploi du temps. Il arrive souvent qu'on débatte de cas d'élèves pour la première fois tous ensemble au conseil de classe du premier trimestre. C'est clairement problématique.  (mais ça n'en est pas au stade où on ne partage jamais d'information avec le prof principal....)]
 
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