Je ne m'étais pas trop préparée pour le coup de poing que cette simple suggestion provoquerait chez moi. Genre, pendant quelques minutes je me suis projetée dans un monde où les hommes seraient interdis d'être dehors le soir et wow. Tant de précautions, d'inquiétudes et de vigilance que je pourrais laisser au placard. Ce n'est pas de la peur vive ou une crainte basée sur une menace définie, mais une ambiance sourde qui traîne en arrière fond et qui impacte toutes mes habitudes à plus ou moins grande échelle. Comme avoir envie de mettre des talons mais se dire que, meh avec la jupe ça fait too much et puis bon, si je rentre à pieds je serais bien contente d'être dans des baskets confortables, rapides, et silencieuses. Ou bien rentrer à pieds avec le cœur qui bat la chamade quand je repère un groupe d'hommes un peu plus loin dans la rue. Faire un détour plus long mais qui permets de passer par des grandes rues un minimum éclairé plutôt que par des ruelles plus étroites. On sait bien que statistiquement les violeurs sont en grande majorité loin d'être des mecs en pardessus noir planqués derrière un arbre, mais c'est viscéral, cette peur de l'agression parce que nous sommes des femmes et que la nuit avive tout ça.
Cette suggestion n'est pas là pour titiller les énièmes #NotAllMen ou pour démarrer un débat avec les #TeamPremierDegrés qui pensent qu'on demande vraiment un couvre-feu pour les hommes. Elle est là pour pointer précisément que la raison même de la peur de l'agression que beaucoup de femmes ressentent la nuit n'est pas liée à des facteurs comme "il fait noir on y voit rien" ou "la nuit il y a plus de cambrioleurs" mais qu'elle tape directement dans le fait que nous sommes des femmes et que ce fait nous mets en danger parce que dehors il y a des hommes. On se fout des exceptions, on parle d'un ressenti général qui se traduit presque identiquement dans tous les témoignages. Le fait que toutes les femmes parlent des mêmes mécanismes de défense (camoufler sa féminité, se tenir sur la défensive, marcher vite, s'assurer que quelqu'un sache ce que l'on fait, etc) et que toutes, en imaginant un couvre-feu pour les hommes, aient le même réflexe de sortir dehors seule et sans crainte en dit long. On ne craint pas la nuit parce qu'il fait nuit, on craint la nuit parce qu'on nous a planté dans la tête et dans les tripes tout ce qu'on risquait la nuit parce qu'on est une femme. Limite, c'est notre faute s'il nous arrive quelque chose, après tout, tout le monde nous a toujours avertis d'être prudente la nuit parce que ce n'est pas sûr. Ça montre surtout que ce n'est pas liée à un traumatisme, qu'une femme qui a peur de toute ça la nuit n'est pas juste une froussarde qui aurait besoin de se détendre un peu ou de s'acheter du courage. A différents degrés, on fait toutes preuve de vigilance, de surveillance, voir on s'interdit des petites choses parce que bon on sait jamais et ça fait pas de mal. Au cas où.