Le sexisme est actuellement tellement présent dans les jeux vidéos qu'à l'époque où je jouais en ligne, beaucoup de mecs se faisaient passer pour des filles pour avoir de l'aide. Parce que les autres joueurs aimaient prendre soin de ce qui est devait être dans leur esprit "la petite fille paumée et faible". Enfin quand je dis "aide", je veux dire "exploiter les autres joueurs".
Je me souviens aussi d'une fille qui avait voulu en jouer à fond, et qui était tombé de très très haut quand elle a décidé d'arrêter d'en profiter et qui est passé de "mascotte" à "la sal*pe du serveur" pour les mecs qui étaient intéressés par elle et qui l'ont complètement pourrie.
Pour ça que même si je comprends que pour certaines, ça peut être de la survie mais que vraiment, il ne faut pas oublier que quoique qu'on fasse, même si on essaye de jouer du sexisme en se disant que c'est "empouvoirant", le patriarcat ne sera jamais un pote ou un allié. Perso j'irai un peu plus loin, je pense même que lorsqu'on pense être celle qui joue du sexisme, on donne en réalité plus de pouvoirs à ce patriarcat.
Après, ça me met toujours un peu mal à l'aise quand je lis des choses sur le fait que c'est un rôle dont certaines "joueraient" ou qui permettrait d'exploiter les hommes sexistes ou de servir le patriarcat (il y avait un truc similaire qui était dit dans un autre message plus haut). Je comprends ce que tu veux dire et je suis évidemment d'accord que ce comportement ne sert pas spécialement les femmes.
Cependant, pour reprendre mon exemple du forum de jeux vidéos, c'était soit je n'étais pas la bienvenue, soit je prenais le rôle qu'on voulait me donner. Ce n'était pas une question "d'en jouer" ou "d'exploiter" les clichés sur les femmes : il n'y avait pas 36 solutions pour pouvoir échanger de manière cordiale avec les mecs en question et obtenir les conseils dont j'avais besoin. Je ne les explotais pas avec ma demande de conseils, je voulais simplement utiliser le forum comme n'importe quel autre utilisateur sauf qu'en tant que meuf, je ne pouvais pas être n'importe quel utilisateur donc je devais choisir entre me faire ignorer, donc ne pas obtenir de réponse, ou me conformer aux attentes (je n'avais pas pensé à faire semblant d'être un mec). Puis après, comme cette position ne semblait pas si désagréable, j'ai décidé d'y rester un moment. Du coup, je suppose que de l'extérieur, ça donnait l'impression de les exploiter mais n'importe quel autre mec à ma place aurait pu avoir les infos dont j'avais besoin sans avoir besoin de jouer la comédie à ce point.
Et moi, j'ai fait ça hyper instinctivement, je ne me suis pas posées beaucoup de questions car je voulais pouvoir participer à ce forum et j'étais jeune, mais j'imagine que c'est tellement une situation horrible à vivre quand on en est vraiment consciente, de se dire qu'on joue le rôle rétrograde et avilissant qu'on t'assigne pour te faire accepter que je comprends qu'on puisse chercher à rationnaliser cette situation et à la retourner comme quelque chose de flatteur.
C'est pour ça que je pense que beaucoup de femmes qui parlent d'empouvoirement dans la sexualisation ne s'attendent pas vraiment à avoir un énorme pouvoir ou ne cherchent pas vraiment à "en jouer", mais surtout tentent de jongler avec les règles établies comme elles peuvent pour tirer leur épingle d'un jeu qui est déjà complètement faussé à la base.
De l'extérieur, ça parait pas forcément un bon choix, mais franchement, quand on est dans un milieu toxique, masculin et sexiste comme celui décrit ici, c'est quoi un bon choix, un choix qui va te garantir la paix? Je trouve ça super délicat à savoir avant d'avoir tenté différentes options, comme l'a fait l'auteur au final (quand j'étais harcelée à l'école, j'ai tenté des dizaines de réactions différentes, et elles étaient toutes sans succès, la plus efficace à court et moyen-terme a été de céder à la pression du groupe en me conformant à ses injonctions pour qu'il m'accepte, j'ai pu m'en libérer seulement quand la pression du groupe s'est allégée avec le changement de classe et que je suis sentie moins fragile - c'est certes juste une expérience de ma pré-adolescence mais je ne pense pas être la seule à avoir eu ce parcours).
La sociabilisation dans les grandes écoles détermine beaucoup la carrière ensuite ou la capacité à supporter la longue scolarité donc je peux comprendre que toutes les femmes ne choisissent pas forcément de se mettre à l'écart ou de persister dans une rébellion qui les exclut. Les filles sont vraiment en très très grande minorité dans les écoles d'ingé, et souvent, quand elles sont dans une spé très masculine comme informatique, elles savent parfaitement que cette ambiance va perdurer dans leur vie professionnelle (des meufs qui passent du harcèlement sexiste de l'école d'ingé au harcèlement sexiste de l'entreprise en informatique, j'en ai plusieurs exemples!), donc je comprends les tentatives de se conformer à un rôle qu'on te propose en espérant qu'on te foute la paix si tu l'acceptes, en te disant que c'est ton meilleur choix à long terme puisqu'au moins, tu vas y trouver une certaine valorisation plutôt que d'être rejetée.
Oui, c'est à double tranchant, c'est possiblement un piège, mais j'ai du mal à faire la morale aux filles dans ce genre de situation en leur disant qu'elles vont le payer plus tard, d'autant que ma sociabilisation en milieu féminin m'a permis de ne jamais avoir à passer par là et à faire ces choix-là (sauf une fois où j'ai été dans un job d'été dominé par des hommes sexistes, que j'ai mis les points sur les i, ils ont quand même trouvé un moyen de me faire croire qu'ils reconnaissaient leurs torts, que c'était trop stylé que je dise les choses franchement, pour ensuite me planter un couteau dans le dos et me sexualiser malgré moi donc bon, je comprends le dilemme quand t'as le sentiment que le résultat final risque de ne pas varier beaucoup si tu te rebelles...).
Le problème du patriarcat c'est qu'il est construit de telle manière qu'une femme ne peut JAMAIS gagner, qu'elle accepte le rôle qu'on lui donne ou qu'elle le refuse. A partir de là, chaque choix qu'une femme fait a des conséquences sur sa vie, et je trouve délicat d'aller lui expliquer qu'elle a eu tort de faire ça ou ça! La seule manière d'avoir une chance de vraiment s'en tirer, je pense que c'est d'avoir des alliés, et plus particulièrement de pouvoir s'allier avec d'autres femmes. Or, dans un environnement comme celui décrit dans l'article, les possibilités de faire front avec d'autres femmes sont très limitées (et leur mésalliance est totalement entretenue par l'ambiance toxique - je pense que c'est également la raison pour laquelle les hommes dans mon job d'été ont fait semblant de me soutenir, car ainsi je n'allais pas vouloir chercher des alliés). D'ailleurs, cette division des femmes est si profondément entretenue dans les milieux comme celui-ci que j'entends souvent des femmes plus âgées qui auraient résisté à ce rôle sexiste affirmer que les autres femmes qui se plaignent sont faibles et qu'il faut savoir se faire respecter, que donc elles ne méritent pas de pitié : même pour parler de sexisme, la division entre femmes survient facilement dans ces milieux!
Donc le dilemme de la MadZ qui s'exprime ici est différent de celui auquel peut être confrontées des femmes féministes qui étudient et travaillent avec d'autres femmes sensibilisées à ces questions.