J'ai 16 ans, et je ne vais toujours pas à l'école — Ayla nous donne de ses nouvelles

[Olduvaï]

C'est clair qu'on a pas tous les mêmes besoin en terme de pédagogie, mais à mon avis ça dépend de plein de facteurs : ton état mental, ton âge, tes expériences, ton intérêt...
Je t'assure par exemple que j'en ai pas foutu une pendant toute ma scolarité, j'ai jamais fait mes devoirs, j'ai jamais appris aucune leçon.
Là j'y arrive avec une étonnante facilité à assimiler des dates, des faits, des citations. Alors est-ce que j'ai toujours eu cette capacité en moi ? Est-ce que c'est juste les éléments qui sont favorables ? On saura jamais.
L'intuition premiere de mes parents ça a été de penser que j'avais besoin de plus d'encadrement, de plus de contrôle, ce qui les a poussé à me maintenir à l'école alors que je reclamais depuis longtemps de travailler avec le CNED. Ils auraient pu avoir raison après tout, mais il se trouve qu'ils ont eu tort.

Je crois que c'est important de se laisser le temps de faire des erreurs aussi. Je le vois bien avec le bac : ça m'a aidé de le rater deux fois parce que comme ça je sais à quoi m'attendre, je l'ai complètement démystifié. Je trouve ça dommage toute cette pression qu'on met sur le fait de le réussir ou de le rater, parce qu'après tout dans beaucoup de cas le rater c'est la condition pour l'avoir, par exemple ^^

Et oui je suis assez d'accord avec toi sur le bac en lui meme, j'en parle parce que c'est ce qui me préoccupe actuellement, mais je trouve ça scandaleux que ce soit LA condition pour faire des études supérieurs (ou pour faire certains métier : je voulais faire du soutien scolaire, mais c'est quoi ces gens qui demandent des licenciés pour soutenir des gamins de primaire en orthographe ? Sérieux ??)
Moi je veux entrer dans une école de librairie et c'est très dur de trouver une entreprise pour entrer en apprentissage si on a pas le bac. Ce qui est stupide après tout : en général, à 18 ans, on sait lire depuis un paquet d'années...

 

[schizophrenia]

Mais c'est un truc qui s'adresse à une minorité ultra-privilégiée en fait. Il faut déjà pouvoir avoir un des deux parents qui "sacrifie" sa carrière pour pouvoir s'occuper de l'enfant (on ne se demande pas qui, les femmes doivent surement assumer ça à 90%) donc avoir un revenu suffisamment confortable. Puis une sacrée confiance (ou inconscience peut-être) dans l'avenir : parce que globalement, mes parents n'avaient ni les moyens de m'entretenir jusqu'à mes 25 ans le temps que je trouve ma voie, ni ceux de rester à la maison, ni ceux de m'aider financièrement s'il s'avère que je n'ai pas la qualification nécessaire pour avoir un emploi rémunérateur. J'aurai aimé avoir le luxe de me dire "la vie est belle, je fais de la broderie et je danse", sauf que bon, à 16 ans j'étais obsédée sur "comment gagner ma croute".
J'adore la réponse qui consiste à dire "qui a besoin d'un diplôme en carton, le bac, pour poursuive des études quand on sait ce que l'on veut faire". Bah ceux qui ont pas les moyens de débourser des cents et des milles pour une école privée hors de prix ? Ou qui n'ont pas de réseau pour faire sans ? Par exemple, la jeune femme veut bosser dans l'industrie de la mode, mais encore faut-il avoir ses entrées.
C'est vraiment une divergence d'opinion qui vient de l'éducation, mais mes parents ont toujours eu beaucoup de respect pour l'institution qui est l'école, car c'était selon eux un moyen de nous extraire, mon frère et moi, de notre classe sociale. On ne nous a jamais appris à utiliser nos "capacités" ou développer notre "instinct artistique" parce que l'important était d'être de bons élèves. Et surtout, mes parents n'auraient jamais pu envisager avoir un savoir supérieur à celui d'un professeur pour nous instruire. Nous laisser livré à nous mêmes aurait été totalement à l'encontre de beaucoup de leurs valeurs.
Si je suis pour une réforme profonde de l'école, que je valorise toutes les alternatives, que je comprend le homeschooling, j'ai vraiment plus de mal avec le unschooling. Je trouve les parents d'une inconscience folle, bien que j'imagine ce soit pour le mieux. Comment priver les enfants d'outils comme l'apprentissage d'une langue étrangère ou une faculté de s'exprimer correctement ?
J'ai vraiment l'impression d'être de droite quand je dis ça, et c'est loin de ce que je pense, mais quand je lis certains parents dire "le matin elles jouent à la poupée, au sims, ou regardent des vidéos sur internet", je me dit : pourquoi sacrifier les cinquante prochaines années de leurs vies, au nom du refus de la compétition et du système scolaire. Ok on vit dans une société qui promeut l'individualisme et la compétition, que le système de l'école peut être déshumanisant. Mais quoi de plus individualiste que de priver un enfant de trois ans, de la possibilité d'avoir toutes les clés pour pénétrer ce système de l'intérieur, de soutenir les alternatives moins drastique. On ne change pas un système en étant en marge, malheureusement. (Beaucoup de gens me demandent pourquoi avoir opté pour une école reconnue dans mon domaine, bah je suis bien contente de m'être évitée dix ans de dur labeur pour me faire un nom et intégrer un réseau).
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@Pinceau_ : Mais la start-up c'est un système tout aussi capitaliste et libéral (sinon plus) qu'une entreprise classique : on a besoin d'exactement les mêmes diplômes pour y entrer que dans les trucs plus conventionnels, sinon plus (avec des stages en prime). Mis à part les transats et le babyfoot (j'exagère) on est globalement dans le même genre de logique qu'ailleurs et ce sera pas un monde très ouvert aux unschoolers.

 

[Olduvaï]

Ben perso c'est ni l'école ni mes parents qui m'ont appris à lire, et encore moins à comprendre et à être capable de lire l'anglais. Je lis l'anglais parce que je regarde des séries en anglais, et parce qu'un jour on m'a offert un livre que je connaissais par coeur dans sa version anglaise. Et parce que pour faire des recherches j'ai eu besoin d'apprendre à déchiffrer.
Dans tout les cas il est démontré par des enquetes sociologiques que si l'écrit et la lecture sont peu pratiqués à la maison les enfants auront de grandes difficultés à apprendre à l'école, parce que cette pratique ne sera pas "légitimée" en quelque sorte, ils n'en verront pas l'intérêt.
Je pense qu'effectivement ça dépend beaucoup du milieu social dans lequel on evolue, mais je trouve ça assez hasardeux de croire qu'on peut entrer de force des connaissances dans la tete de quelqu'un qui n'en veut pas.

J'ai quasi tout oublié des math que j'ai appris au collège et pourtant je n'étais pas vraiment mauvaise élève, j'ai l'esprit mathématique

En gros la non scolarisation s'appuie sur l'idée que chaque personne à ses propres périodes sensibles, pendant laquel un apprentissage est très rapide. Mais ça demande de pouvoir laisser l'enfant epuiser cette intérêt. C'est comme ça que des enfants parviennent à savoir écrire dès trois ou quatre ans : ils ont une période sensible pour le graphisme des lettres qui arrive très tot. Pour un gamin qui ne sera pas dans cette periode sensible à 6 ans l'apprentissage de l'écriture sera extremement laborieux.

Pour ce qui est de faire garder ses enfants ben... C'est quand meme pas la faute des parents qui ne scolarisent pas leurs enfants si le systeme est si mal fait x)
Souvent les familles non sco fonctionnent en réseau, elles s'entraident, et effectivement pour les familles les plus modestes c'est un choix qui demande des sacrifices financier pour dégager du temps. Bien sûr que c'est élitiste AUJOURD'HUI, mais ça pourrait fonctionner autrement.

Et encore une fois pour le travail, j'ai été scolarisée jusqu'à mes 18 ans, ça ne m'a pas empêché de n'avoir aucun diplome (enfin si, un CAP, mais je veux pas travailler dans ma branche ), de foirer lamentablement mon bac, et d'avoir un emploi nul. Comme plein de jeunes qui sont ejectés du systeme scolaire chaque année en fait ! C'est une réalité dont on parle peu mais qui est absolument systémique.
Par ailleurs c'est un tort je pense de croire que l'école française réduit les inégalité. Dans une certaine mesure à titre individuel pourquoi pas, mais c'est maintenant prouver de longue date que l'école ne fait que creuser ces inégalités.

 

[Olduvaï]

D'ailleurs en parlant de math, arrivé en troisieme j'étais completement larguée à cause des absences répétés de ma prof en quatrieme (congé maternité non remplacé). Je comprenais plus rien, ça m'avait saoulé, j'avais décidé d'abandonner.
Ben l'année derniere quand j'ai passé mon cap j'ai refais quasi tout le programme de troisieme entre deux cours sur un coin de table avec un mec de ma classe au long de l'année, j'ai tout retenu, ça ne m'a jamais paru aussi limpide.

Je crois qu'on manque de recherche, ou en tout cas qu'on ne les applique pas, à propos de la psychologie des apprentissages. A part cette histoire de périodes sensibles j'en sais assez peu mais je trouve ça dingue que l'école soit si peu penchée sur le problème.

 

[Lacus_Clyne]

@VeganFox

Waouh le déterrage de presque un an.
Je n’ai jamais dis que le théorème de Pythagore ne servait à rien mais qu’il ne m’avait jamais servi et seulement une poignée de fois à mon conjoint dans le milieu professionnel alors qu’il est pourtant ingénieur. (Par contre il fait pas mal de mathématique financière avec les comptables et autres contrôleurs de gestion qui encadrent ses projets) (Et il se sert de ce qu’il a appris en géométrie pour faire les travaux et meubles dans notre maison mais pas au niveau pro).

Et à mon avis il faut bien plus que ça pour les smartphones, l'électricité, et les avions ... sinon les Grecs du temps de Pythagore les auraient eu… (Enfin les gens de culture grecque car beaucoup de ces mathématiciens ont vécu en Afrique du nord dans les actuelles Libye et Égypte)

Parmi les amis et amies de promotions de mon conjoint (d’une des écoles citée dans l'article de Challenges que tu as mis en lien) il y a en a au maximum 30% qui font de la conception (et qui utilisent donc les outils qui font appelle aux équations qui utilisent le théorème de Pythagore) et la proportion diminue chaque année qui passe. Beaucoup se retrouvent à des postes mixtes “chef de projet” ou d’encadrement.
Pour côtoyer une certains diversité d’ingénieur (mais de quasiment une seule école ça joue peut être beaucoup) eux même au bout de quelques années ont l’air surpris du peu de technique qu’ils font par contre il y a de grosses part d’organisation , de relationnel, de juridique, de financier,...

Il est cependant évident que mon conjoint a une vrai culture technique que je n’ai pas. J’accepte qu’il y ai des tas de choses dont je ne comprenne pas le fonctionnement (genre les smartphone, l'électricité, les avions,...), alors que ce n’est pas son cas.


Et pour les 31 000 ingénieurs en France par an c’est moins de 5% des 750 000 enfants qui naissent chaque environ année.
Par contre si la tendance actuelle reste la même que celle du lien que j’avais posté juste en dessous environ 250 000 d’entre eux auront des difficultés de lecture à l'âge adulte et 375 000 n’auront pas de diplôme de l'enseignement supérieur.

Cela me renforce ma conviction vis à vis de mon message précédent. Les commentaires reviennent plusieurs fois à la charge pour le grand maximum de 10% de gens qui utiliseront le théorème de Pythagore dans leur carrière professionnelle, par contre les autres 90% on les occulte sans problèmes.
(C’est pour moi grandement révélateur du biais dû à la population des membres du forum qui est globalement très privilégiée dans son accès au savoir et à la culture).