J'ai une boule dans la gorge. Tous vos témoignages rappellent ce que j'ai vécu, moi. Je me souviens de mon histoire, de ma vie. Non, moi j'étais pas la petite nouvelle. J'étais la fille du médecin, j'étais la soeur du gars cool et de la fille super jolie. Vous voyez, la famille parfaite, avec le mec dur à cuire, la soeur sociale, les parents encore en couple et amoureux, aimants, le chien, la grande maison, le beau jardin ? Et moi dans tout ça ? Et bien je ne collais pas du tout, mais alors pas du tout à cette image. Ca expliquera sans doute ce qu'il s'est passé.
Et bien... Je n'étais pas cool. Je n'étais pas sociale même. Je préférais m'installer au soleil avec un bon bouquin plutôt que m'intéresser à la cours de récré. Et ce, en primaire déjà ! Et rien qu'en primaire, les gens sont méchants. A huit ans, la fille populaire, celle qui sortait avec des gars de quinze ans (non je ne grossis pas le trait. Elle avait dix ans et s'habillait comme une catin. Et à quinze ans, son copain avait deux fois son âge.) celle que toute la classe suit, celle qu'on admire m'a coincée avec toute sa bande aux toilettes. Je n'avais rien fait, j'étais juste là et elle, elle a commencé a me rabaisser. Personne ne m'aimait, même pas mon chien. Et ça ne changerait pas. Jamais. Elle a été jusqu'à me conseiller de me suicider. J'avais HUIT ans, merde ! On dit pas à une gamine de huit ans de mettre fin à ses jours, c'est tellement dur à entendre... Et elle a passé dix vingt trente minutes à m'insulter. A m'expliquer comment ma famille devait avoir honte de moi. Elle l'a répété sur tous les tons, de toutes les façons possibles et inimaginables, jusqu'à ce que je fonde en larmes. Moi. Je fondais en larmes, malgré ma fierté, ma volonté déjà. Dès que les larmes ont dévalé mes joues, elle a eut ce sourire de fille contente d'elle même et elle est partie. J'ai jamais compris pourquoi elle avait fait ça. Jamais.
Et puis après, ça ne s'est pas arrangé, j'ai été utilisée comme un objet par certaines personnes, comme l'amie qu'on a en espérant trouver mieux parce que he, c'est la honte. C'est au collège que les choses sérieuses ont commencé... Déjà, les rumeurs. Et puis, l'isolement qui s'est fait de plus en plus sentir, les insultes aux coins des couloirs, cette fille qui me suivait pour me dire combien ma soeur était plus belle que moi, combien elle devait avoir honte de partager mon sang... Combien j'étais nulle aussi, combien mon prénom craignait, combien j'étais bizarre, associale, étrange... Elle a même été jusqu'à convaincre un de ses amis de sortir avec moi, en cinquième, juste pour pouvoir m'humilier devant toute la classe. Même plus que toute la classe, tous les cinquièmes. Vous savez, ce genre de cauchemar où vous entendez un "C'ETAIT UNE BLAGUE !" triomphant et tout le monde -tout le monde, réellement- qui explose de rire. Là encore, j'ai pas pu ravaler mes larmes et voilà les deux seules et uniques fois où elle m'a fait pleurer.
Mais il n'y avait pas qu'elle, non. Ce serait tellement facile sinon. Non. Il y a ce groupe de filles, faussement amies mais qui cherchait surtout à m'exclure de tout ce qui pouvait les concerner. Y avait cette fille, fausse et méchante, avec qui je trainais pour au moins ne pas me retrouver seule pendant le sport... Le sport tiens. Une des matières qui me stressaient le plus au collège parce que j'avais une trouille monstre de finir seule. Il fallait que je m'impose littéralement pour ne pas renvoyer la balle au mur. Et cette garce de prof de sport, trop idiote pour comprendre quoi que ce soit, qui me rabaissait.
Et puis, la troisième. Ah putain de merde, la troisième. La pire année. D'abord, c'est l'année du décès de mon père. Ahah, lol, excellent. Ils en ont profité pour me descendre moi et descendre ma famille. C'était tellement plus facile, maintenant qu'on était plus intouchables. Ils ont trainé le nom de ma mère dans la boue, ont tourné au ridicule ma douleur et m'ont littéralement interdit d'avoir mal. Je pouvais pas avoir mal, voyons. J'étais qu'un objet. Et puis il y avait les filles de la classe, vulgaires stupides et méchantes, avec qui j'ai tenté une approche, histoire d'avoir des amis dans cette fichue classe. Avant d'abandonner, de rejoindre ma meilleure amie, un an plus jeune.
Et puis, il y avait ce mec, cet harcèlement discret qu'il me faisait. Plutôt qu'un harcèlement, c'était des blagues salaces sur moi passant sous son bureau, des coups de pieds en pleine tête en techno, quand le professeur s'absentait -pas hyper forts mais juste assez douloureux pour que je ne l'oublie pas-, le dictionnaire en espagnol de poche qu'il me lançait en pleine tête avec juste assez de force pour faire un peu mal mais pas trop. Les moqueries verbales, les petits coups... Jusqu'à ce que je craque, que mon poing s'abat sur sa main qu'il a laissé une fois de trop trainer sur ma table. La suite de l'heure, on l'a passée à s'insulter. Je suis rentrée chez moi dans une colère telle que quand j'ai appelé l'une de mes amies, je me suis mise à hurler. Sans m'arrêter. A hurler tellement que quand mon portable a coupé, faute de crédit, elle a crut que je l'avais lancé contre un mur. Et puis après, j'ai appelé ma mère, ma soeur. Et j'ai fondu en larmes. Encore.
Mais au final, ils ont réussi : En seconde, j'étais cassée. Je savais plus comment réagir, je savais plus comment interagir avec les gens. Ou disons plutôt que je l'avais jamais appris. J'étais toujours un peu ronde et surtout, j'étais brisée. Perdue, seule et angoissée. J'ai quitté le collège, suis partie dans un lycée loin de chez moi mais là aussi, j'ai rencontré des cons. Là aussi, on s'est moqués de moi, on m'a insultée dans mon dos, je n'avais pas d'amis, j'étais toujours seule... La première année a été affreuse. Et puis après, j'ai rencontré des amis qui m'ont permise de me remettre sur pied, d'apprendre ce que c'était qu'une amitié saine, forte. Je ne les remercierais jamais assez pour ça. De mes années collèges, je n'ai gardé contact qu'avec deux filles. L'une est ma meilleure amie toujours aujourd'hui, l'autre l'a été. Je me suis reconstruite petit à petit, appris qu'en fait, j'aimais être exubérante, différente. Que ma véritable personnalité avait été écrasée par ces connards de lycéens. Au moins, m'ont ils appris une leçon des plus importantes : Ne te dévalorise pas, les autres le feront bien assez pour toi. Bats toi pour ce que tu es, tu es unique et c'est tant mieux.
Maintenant... Tout de suite là, j'ai les joues humides et les yeux qui piquent. J'espère sincèrement que c'est la dernière fois que je pleure pour ça. Parce que je ne suis pas une pleurnicheuse au départ et que ma fierté m'interdit de rester bloquée sur une histoire aussi triste et dégradante, provoquée par des gens encore plus tristes et dégradés.
Si eux ne m'estimaient pas digne de respect, j'ai tout de même appris à m'aimer et maintenant, je ne leur souhaite qu'une chose : Se faire enculer à sec par des tigres en chaleur sous LSD.
Sur cette sympathique image, je vous quitte. Il me reste pas mal de rancoeur, il me reste pas mal de peur de l'autre mais tant pis. J'ai appris à vivre avec.