Bon, le visionnage de To This Day m'a fait vouloir raconter ici ma vie. Et comme je me voyais mal le faire sur la vidéo, autant s'en occuper ici, d'autant plus que beaucoup d'autres Madz l'on fait aussi.
Le harcèlement scolaire, je connais. J'ai dix ans de pratique derrière, bien que je ne sois pas sure qu'il n'ai pas en fait commencé en maternelle sans que j'en ai aucun souvenir (ma mère m'a dit l'autre jour qu'en maternelle j'étais victime de racket de chouchou et d'élastiques et qu'apparemment on me frappait assez régulièrement au vu du nombre de bleus sur mon corps) et qu'il soit aujourd'hui réellement fini. Je suis maintenant en première L, donc encore au lycée, et vu qu'il s'est encore passé des choses cette année je vais les raconter aussi après; mais je suis incapable de les considérer comme du harcèlement vu que la définition même indique qu'il s'agit de quelque chose de régulier.
Bref, tout d'abord la chose à savoir est que mes parents ont divorcé très tôt, j'avais quoi... Cinq ans? Au même moment, j'ai eu des lunettes, et c'est à partir de la que mes souvenirs commencent, même si mon cerveau a pris la bonne habitude au fil du temps d'effacer, d'oublier.
Quand j'étais en primaire, j'ai commencé par en CP une prof qui passait son temps à engueuler les élèves, presque les frapper. Elle nous faisait nous mettre à genoux dans le couloir, je devais rester après les cours puisque je ne collais pas droit mes feuilles, ce genre de chose. Je me souviens très clairement que cette année la, j'étais incapable d'avoir des amis; je tournais seule dans la cour en chantant (j'ai toujours été un peu strange en y repensant), les autres de ma classe se moquaient de moi sans arrêt. Et sur tout. On m'a même accusé en CP, donc 2002, que ma mère vote FN (wtf ?). On me répétait tellement encore et encore que j'étais moche, que j'en devenais étonnée que les bébés ne se mettent pas à pleurer en me voyant dans la rue. On se moquait de moi, je suis incapable de vous dire clairement ce qu'il se disait, mais je sais qu'il s'agissait principalement d'insultes sur mon physique, j'ai eu en tout et pour tout deux amies véritables en primaire. Et encore, vu que j'ai déménagé à la fin de mon cm1, elles m'ont complètement mise de côté en disant que de toute façon puisque je partais, pourquoi rester amies?
Je tiens à préciser que je suis de nature extrêmement gentille et serviable, et que je n'ose (enfin maintenant un peu moins) jamais rien dire aux gens, de peur d'envenimer la situation. Mes parents m'ont toujours dit qu'il fallait laisser passer sans rien dire, qu'ils voulaient juste une réaction et que ce serait le seul moyen pour que ça s'arrête. AH AH AH AH JOKE JOKE JOKE JOKE JOKE JOKE. Y a t'il quelqu'un ici pour qui cette technique a marché ?
Bref, mon cm2. Nous avons déménagé dans le Nord. Ma mère étant une grande bourgeoise dans l'âme, elle a décidé de me mettre dans la petite école primaire du coin. Si ça s'est bien passé? Mais oui oui bien sur une gamine garçon manqué incapable de sourire et de parler à quiconque à la confiance en elle déjà totalement détruite, hypersensible et bien en dessous du niveau de beauté de l'école (ils sont beaux les gamins de maintenant sérieux, ma soeur a dix ans fait déjà un régime) avec son mono-sourcil et son incapacité à bien s'habiller a réussi à s'intégrer sans aucun problème. Non je déconne, c'est à cette époque la que mes souvenirs commencent vraiment et c'était pas très beau à voir.
Au début, personne ne m'aimait, un groupe de fille a bien essayer de m'intégrer -groupe avec qui j'ai passé l'année d'ailleurs et dont je n'ai plus entendu parler après- mais bon hein. J'ai toujours été strange. Bon, je tournais plus dans la cour en chantant, c'est déjà ça, mais je pouvais pas m'intégrer. Un jour j'ai fait un truc très con: avec ces filles (très gentilles, elles n'ont jamais rien fait de mal) on a dansé. Comme ça. Alors la totalité de la classe s'est ramenée, m'a prise à part et m'a forcée à danser devant eux. J'ai tout essayé, j'ai tenté de partir m'enfermer aux toilettes et tout mais rien à faire ils m'obligeaient à revenir et à continuer.
Je précise qu'à la même époque ma mère a divorcé pour la seconde fois, a carrément été me voir dans ma chambre pour me demander ce qu'elle devait faire, en disant que la vérité sortait de la bouche des enfants. WTF ? Mais bon. A cette époque la, tous ceux qui me voyaient continuaient à me sauter dessus en me disant que j'étais moche, tout ça, et mes profs me sous entendaient que j'étais idiote. Oui, sous entendaient, parce que comme ça ils le disaient sans le dire, j'allais pas le répéter aux parents et eux n'avaient pas de problèmes.
Bref, le nouveau mec de ma mère était contre les institutions privées, je suis allée dans un collège public.
La, je n'ai une nouvelle fois réussi à me faire que deux amis en sixième, et une nouvelle fois tous le monde sans exception se foutait de ma gueule, on mettait des vers de terre dans mes poches, on me faisait tomber ce genre de choses.. Je vais y aller année par année. Au début du collège, je suis donc tombée sur deux personnes, une fille à très forte poitrine (bonnet B a 11 ans, j'étais plate) et un garçon.. Féminin, j'ai plus de nouvelles depuis des années mais je serais pas étonnée qu'il soit devenu gay. Bref. Ces deux personnes se proclamaient mes amis, ils m'acceptaient et on riait ensemble. On riait quand ils me frappaient. Quand ils m'insultaient eux aussi. Quand on se faisait insulter tous ensemble par le reste de la classe. Un jour la fille a voulu nous faire croire qu'elle était une magical girl, photos retouchées à l'appui. Ah oui, j'oubliais, je me suis réfugiée durant des années dans les livres car ils ont été mes seuls compagnons, ceux qui ne m'ont jamais lachée, et vu que mes deux amis lisaient des mangas bah j'en lisait aussi.
Bref ils se foutaient de ma gueule et me rabaissaient eux aussi. Et elle, nous prenait pour ses bouche trous, des personnes à qui elle peut arrêter de parler d'un coup et revenir sans que ça n'ai aucune importance.
La cinquième-quatrième. J'ai découvert une fille, qui m'a acceptée et prise sous son aile, dans son groupe. Nous étions une vingtaine, de tous les ages, dont le nombre évoluait au fil des départs du collège et des arrivées. Nous étions les freaks. Emo, gothiques, hippies, geeks, gays, lesbiennes, victimes comme moi de harcèlement. Je me sentais intégrée dans ce groupe, que je ne voyais pas en dehors des cours quand même. Je savais qu'ils ne plairaient pas à ma mère, contre ce genre de personne sortant de la norme (ah au fait elle a fait toutes les manifs possibles contre les lois sur le mariage gay, et m'a interdit de voir certains de mes amis qu'elle juge pas assez.. Normaux? pour vous donner une idée du personnage.) donc bon j'évitais. De toute façon, je n'étais pas bien intégrée, je ne parlais toujours à personne. Mutisme permanent, comme toujours. A part cette fille, qui m'a fait découvrir la musique en quatrième (oui avant j'écoutais rien du tout, même pas la radio, silence total). Si les moqueries cessaient? Non, non, non. On me disait que jamais personne ne pourrait supporter ma laideur, que je finirais seule. Que personne ne pourrait jamais m'aimer. On me lancait les livres dans la tête, on me faisait des croches pieds, un jour des gens m'ont prise à part au fond de la cour pour déboutonner ma chemise, voir si j'étais vraiment une fille, mais j'ai réussi à m'enfuir avant qu'ils y arrivent. C'était constant, tous les jours, tous les gens de mon âge à part mon groupe. Seule, contre le monde, car en quatrième j'étais seule dans ma classe. Je me souviens de tout, TOUT. Comme ces fois (c'est arrivé à plusieurs reprises, en fait tout un trimestre) ou mon voisin faisait trembler ma table pour que je ne puisse pas prendre mon cours, ces moqueries constantes sur mon physique.. Je n'ai jamais eu droit au "t'es grooosse!" non, moi c'était de mes poils que l'on se moquait. A tel point qu'un jour on a fait de l'impro en francais, et le mec avec qui je suis passée m'a dit d'acheter un rasoir et a basé toutes ses répliques sur ce thème.
On m'accusait de pleurer, de trop pleurer, mais avez vous regardé ce que vous faisiez, ce que vous me disiez avant de me dire que je passait mon temps à pleurer sans raison ?
En troisième (et la, c'est ce qui a été le plus traumatisant pour moi, enfin par la suite pas de suite) j'ai changé de collège pour aller dans le privé super huppé de la ville, puisque ma mère voulait que j'aille dans le lycée relié à ce collège. Je n'avais toujours aucun style, je ne disais rien à ma mère sur ce que je subissais de peur de sa réaction, et donc je me foutais royalement de m'occuper de mon physique. Quand on te répète que t'es moche en boucle pendant huit ans, tu penses que rien de ce que tu feras ne pourras arranger les choses.
Bref, comme il fallait s'y attendre je faisais carrément tache au milieu des autres. Tout le monde se foutait de ma gueule dans mon dos, puisqu'ils avaient des amis au collège public dont je venais. On m'inventait un sixième sens, que je pouvais voir dans l'avenir. C'était bas de se foutre du physique directement, donc autant se moquer d'une connerie que t'a dit à une fille quand t'étais allée une fois aux scouts deux ans avant. Bref, ça continuait, toujours plus fort. Je ne parlais strictement à personne, je ne pouvais pas j'étais incapable je voulais juste me fondre dans le paysage, passer ma vie sans rien dire et surtout qu'on me laisse tranquille (ça remonte à il y a trois ans hein). Mais j'avais des amis. Enfin des gens qui me disaient pas de partir et qui se foutaient pas (trop) de ma gueule. Je pouvais pas leur dire quoi que ce soit, certains jours j'étais trop mal pour ça, mais je restais avec eux, puisque je me sentais bien, j'avais l'impression d'avoir des amis.
L'impression.
En fait ils ne l'ont jamais été.
Un mois avant la fin des cours, ils m'ont fait comprendre que je devais partir, puisqu'ils ne me supportaient pas et que je ne disais rien. Et comment les en blamer? Je me suis donc retrouvée entièrement seule. Je pleurais pas devant eux, mais chez moi, c'était devenu une torture de venir au collège puisque je savais qu'aucun bon moment ne m'attendait derrière, je battais des records pour manger le plus rapidement à la cantine (juste avant qu'on arrête les cours, j'étais à trente secondes pour avaler un repas, j'espère ne jamais avoir encore une autre fois à devoir le battre). J'étais mal. Seule. Pire que seule. Horriblement seule.
Depuis, dès que quelqu'un m'engueule, si il s'agit des rares personnes que je considère comme AMIE, je suis au plus mal pour une semaine complète, j'ai l'impression que personne ne m'aime, que tout le monde est contre moi, je redeviens comme j'ai été, incapable de dire quoi que ce soit, associale, dépressive. J'ai peur d'être seule, sans rien ni personne, que tous soient en fait des hypocrites et que personne ne m'apprécie. Cette peur revient, quand je n'y fais pas attention, et je fais tout pour la combattre.
Ah au fait dans le même temps j'ai appris que je redoublais car mes notes étaient trop basses. J'ai donc tout eu d'un coup. Je ne parlerais pas de ce qu'il m'est arrivé dans le cercle familial cette année la, mais on va dire que jamais ma mère et son compagnons n'avaient dit des choses comme ce qu'ils ont commencé à dire cette année la, presque pire que ce qu'il se dit à l'école; car les parent c'est pour la vie qu'on les a.
Bref, seconde troisième (et la je vais abréger) en gros j'avais tellement peur de me retrouver seule que j'ai sauté au premier jours sur une fille qui, je le pensais, n'allait pas se moquer de moi alors que si elle me rabaissait tout le temps en me disant d'aller voir un psy, m'a obligée à faire un spectacle etc etc.
Et maintenant? J'ai changé de lycée pour un à Lille, même si j'ai passé une seconde dans une classe de merde ou tout le monde se foutait encore de ma gueule, dans un sens j'avais appris à passer au dessus. Même si il suffit de quelques petits mots pour me donner envie de me jeter sous un bus. Enfin j'ai connu pire, alors la rumeur qui circulait comme quoi j'étais lesbienne, le gars qui me frappait, ceux qui se foutaient de ma gueule, j'avais connu pire et surtout c'est l'an dernier que j'ai rencontré ma meilleure amie. Pour la première fois, j'ai senti que quelqu'un m'appréciait. Bon, encore aujourd'hui on se fout de ma gueule dans ma classe dans mon dos, on me lance des boulettes et tout, mais ces filles dans un sens je m'en fous. Elles font ce qu'elles veulent. Elles sont quatre, je m'entend bien avec la moitié de la classe donc bon.
Aujourd'hui, je suis connue pour être excentriquement joyeuse, avec toujours un sourire aux lèvres, à passer au dessus des remarques. Quand ça va pas, forcément certaines me touchent, mais globalement c'est bon. Même si j'ai beaucoup de mal à faire confiance aux gens, je sais qu'il en existe sur quoi je peux compter et c'est déjà ça. Je parle à tout le monde, puisque je n'ai pas envie d'être seule, je ris très fort, je me maquille, je m'habille de façon passe partout, ni bien ni mal, j'essaie de tout faire pour qu'on ne me dise rien et qu'on me laisse vivre ma vie comme je l'entends, comme j'ai commencé à le faire.