Glouns et
Caliodë, je vais revenir sur les notions de "témoignage" et de fascination pour mieux m'expliquer. Si l'article m'a gênée, c'est qu'il ne comprend que des informations, certes précises et cruelles, mêlées à un ressenti douloureux. Ce qu'il évoque, nous le savons toutes. Que le devoir de mémoire soit crucial, je veux bien, mais il est insuffisant. Il faut distinguer l'information de la connaissance, et toutes les énumérations de cadavres et de chambres à gaz, toutes les citations de S.S ne peuvent pas fournir une compréhension réelle du nazisme et de la shoah. Elles ne demeureront qu'une accumulation de faits, elles sont la matière du travail historique mais ne constituent pas un travail historique à proprement parler.
Et c'est précisément le rapport entre ces informations, que tu as pu constater de tes propres yeux, et la fascination qui est dangereux. On est fasciné parce qu'il y a un mystère terrible qui est jeté devant nous. Comment a-t-on pu exterminer des millions de personnes ? C'est incompréhensible au premier regard, quand on se plonge à l'intérieur de soi, on ne peut pas croire que les hommes ont été la cause de ce massacre. Mais le problème de cette fascination, c'est qu'elle est la fascination du mal, de sa banalité, et qu'elle ne permet pas de se poser d'autres questions que celle-ci : pourquoi ont-ils tué ? Et vient la réponse suivante : parce qu'ils étaient une figure du mal.
Or une figure n'a rien à faire dans l'analyse du passé, dans l'histoire. Il faut dépasser ce paradigme de la fascination et de la banalité du mal, autrement on se retrouve submergé par une quantité d'événements qui hors de leur contexte sociologique, psychologique, historique et idéologique ne font aucun sens, ne sont que l'objet de cette sempiternelle fascination. Ton allusion au journaliste qui a fait le choix d'être déporté est d'ailleurs plutôt symptomatique de cela. C'est en effet tout à fait fascinant, mais cette fascination n'a aucune valeur, elle n'apporte rien, sinon un certain pathos qui n'est en aucun cas scientifique.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas être fasciné, il faut simplement se rappeler que la fascination ne doit être que la première étape vers la compréhension. De toutes façons, @
Glouns, tu l'as souligné : nous sommes tous touchés par la shoah et l'occupation parce que nos grands-parents les ont vécues (mon grand-père est la seule personne de sa famille à avoir échappé à la déportation et à la mort). Nous avons la chance d'avoir pu côtoyer des rescapés des camps de concentration, et si nous devons recueillir leurs paroles, nous nous devons également de les confronter entre elles pour en faire émerger une connaissance historique.
Quant aux articles de Justine, certes intéressants, ils ne fournissent réellement pas une matière suffisante pour analyser cette période historique. C'est pourquoi j'ai évoqué plusieurs ouvrages particulièrement pertinents dans mon précédent post !