J'ai une famille plutôt cool que j'admire beaucoup, tout en étant consciente que je suis assez privilegiée et que ce ne sont pas forcément pour les bonnes raisons que je les admire.
J'admire énormément mes grands-parents maternels, ils ont tous les deux eu des vies très dures et ont eu beaucoup de force. Ma grand-mère maternelle vient d'une famille italienne immigrée dans les années 30, très pauvre, ouvrière, elle a arreté ses études après le brevet pour s'occuper de sa mère qui a eu un cancer et est morte quand elle avait dix-huit ans. Après elle a obtenu, grâce à sa soeur, une place comme vendeuse dans le magasin que tenaient les parents de mon grand-père. Elle a donc rencontré mon grand-père là-bas, puis ils se sont enfuis tous les deux pour se marier en cachette, parce que leurs familles réciproques ne supportaient pas qu'ils se fréquentent. Ils ont vécu dans une misère extrême pendant quelques années, et ma grand-mère a subi des choses très violentes de la part de la famille de mon grand-père, genre chantages aux suicides, etc, jusqu'à très tard, quand ma mère et sa fratrie étaient plus vieux. Mon grand-père, lui, vient d'une famille juive polonaise immigrée aussi, donc bien sûr il a été caché pendant la guerre, etc, après la guerre il n'a pas repris ses études et a travaillé avec ses parents dans les marchés. Ce qui me rend très fiére d'eux c'est la ténacité avec laquelle ils se sont battus pour s'asseoir socialement, sans dîplome, venant d'un milieu pauvre, et sans avoir le français comme langue maternelle. Au final ils sont devenus des bourgeois de gauche, intellectuels, tout ce qu'on veut, mon grand-père a fondé un groupe de réflexion politico-philosphique truc, et ils ont fait tout ce qu'ils ont pu pour que leurs enfants aient des assises dans la vie. Leur maison est l'endroit que je préfère au monde, c'est le plus beau lieu du monde, plein de meubles chinés que ma grand-mère a refait, repeints, de tableaux qu'elle a peint, avec plein de fleurs et d'arbres dans le jardin et tout, et tout, c'est toujours trop agréable d'y aller, j'ai l'impression que le temps s'y arrête. Puis tous les membres de ma famille maternelle sont assez tarés, et même si il y a plein de choses difficiles, ça me plaît qu'ils soient aussi déjantés et hysteriques, ils sont très drôles et j'ai beaucoup d'affection pour eux.
J'admire aussi ma grand-mère paternelle parce qu'elle est extrêmement intelligente et forte et humble, et qu'elle ne le sait pas. Je voudrais être comme elle à son âge, elle a 80 ans et ça me paraît vertigineux tellement elle a l'air plus jeune, elle a une santé incroyable, et j'aimerais beaucoup avoir une vraie relation avec elle, mais je n'ose pas l'appeler, je n'ose pas aller la voir, parce que j'ai peur qu'elle m'en veuille, et parce que je sais qu'elle est convaincue que je ne l'aime pas alors que je l'adore. En plus, elle cuisine tellement bien que parfois elle arrive à me faire manger de la viande.
Ma mère est la personne que j'admire le plus au monde. Elle est drôle, brillante, et aussi un peu timbrée, mes amis l'adorent parce qu'elle est chaleureuse et accessible. Je la trouve belle, belle physiquement d'une part parce qu'elle est incroyablement féminine avec ses cheveux blonds et bouclés, et grâcieuse alors qu'elle a un visage avec des traits plutôt forts, mais je ne sais pas, elle dégage quelque chose de confortant, de chaud, de maternel quoi ! Et puis je la trouve belle dans sa façon d'être, et en plus comme elle est timbrée il lui arrive toujours des choses jolies, genre elle a rencontré mon beau-père en dansant bourrée toute seule sous la neige le soir de la st-valentin, le truc improbable quoi.
Mon père est un homme brillant aussi, universitaire, grande école, tout ça, mais je l'admire surtout parce qu'il a beaucoup de force aussi, et que les choses qui lui sont peut-être le plus intimes et qui montrent le plus à quel point il est quelqu'un de bien, il n'en parle jamais : il a été éduqué dans une famille très à droite, catholique, rasciste, homophobe, tout ce qu'on veut, et il s'est détaché de cette éducation pour devenir quelqu'un de profondément athée, de gauche, et qui a même fait des enfants avec une juive à la famille folle, et ça a été extrêmement difficile pour lui. Bref, je l'admire, et j'ai un immense respect pour lui. En plus il a du tact comme un anglais, il ne supporte pas la cigarette et m'a tannée toute mon adolescence avec ça, et depuis que je suis majeure il a la pudeur de ne faire aucune reflexion quand je sors me promener et que je reviens en puant le tabac. Ma soeur a aussi trouvé le moyen de hurler "SI TU VEUX AVOIR DES ENFANTS IL FAUT QUE TU ARRETES D'ETRE GOUINE", alors qu'il était juste derrière : on a jamais abordé le sujet, on a eu de violents conflits à ce propos sans jamais dire vraiment le mot, mais il n'a pas fait une seule reflexion après ça, et il m'a pris dans ses bras quelques minutes après sans aucune raison, alors que je n'osais pas le regarder en face. Ca peut paraître étrange d'être contente et de trouver ça génial, mais en rapport à l'histoire tendue que j'ai avec mon père, c'est quelque chose d'énorme.
Sinon, ma soeur est juste la personne la plus belle, la plus forte, la plus drôle, et la plus intelligente du monde.