Ah comme je comprends l'auteure de cet article ! Notamment les dernières phrases, sur le fait de ne même pas oser penser à ces beaux voyages tant ça nous fait nous sentir comme de la merde bloquée dans un quotidien sans intérêt.
Pour ma part, j'ai presque toujours été très raisonnable. Une petite fille qui travaillait bien à l'école, respectueuse, obéissante. Quand, à l'adolescence, ma famille a très violemment volé en éclats, et que j'ai réalisé que ma mère et moi n'avions plus que l'une et l'autre comme soutien sur cette planète, j'ai redoublé d'efforts et me suis dit qu'il fallait impérativement que je fasse tout pour très bien gagner ma vie et que je suive une voie d'excellence. Ma mère m'encourageait beaucoup dans cette entreprise. Il semblait évident qu'au bout du chemin se trouvait la fin des galères, de la misère.
Je n'avais aucun esprit critique. Ceux qui ne suivaient pas cette voie étaient à mes yeux des hippies/des glandeurs/des parasites. J'ai ainsi très vite méprisé mon frère qui lui se laisse vivre depuis une éternité. Son comportement me poussait davantage à prouver que moi, a contrario, j'étais une femme d'ambition, de valeur...
Et puis il y a eu l'Amérique latine. 1 an de découvertes, d'amours, de haines, de doutes - ah, donc en fait, je peux vivre différemment ? Et je peux être heureuse comme jamais en voyageant, même avec très peu de moyens ? Je peux ne pas être la cadre carriériste que je me destinais jusque là à devenir ? Vraiment, je peux m'autoriser cela, de ne pas être "raisonnable", moi qui l'avais pourtant toujours été ? Bref, le cheminement classique du jeune partant vivre à l'étranger un bout de temps.
Et puis de retour ici, la déprime. J'étais rentrée non pas parce que je voulais rentrer en France, mais parce qu'il fallait que je termine mon master et surtout parce qu'il fallait que je me trouve un boulot pour rembourser le (gros) prêt étudiant ayant servi à payer ma grande école. Cette déprime, ma mère a eu beaucoup de mal à la comprendre. Cette déprime, elle remettait en cause la personne que j'étais en train de devenir et qui était idéale à ses yeux, à savoir une cadre sup.
Ma mère, vexée et déçue, m'a tiré la tronche pendant des mois.
Alors que j'aurais aimé qu'elle soit patiente avec moi, qu'elle m'écoute. Et là, je me suis rendue compte qu'elle n'avait jamais eu besoin de déployer tant d'efforts avec moi : je n'avais jamais déconné, je ne l'avais jamais contrariée, j'avais toujours fait des choix qui lui convenaient parfaitement. Je n'avais jamais été un problème pour elle, je l'avais toujours soutenue (y compris financièrement). Et dès que je me permettais un léger écart, elle me faisait tellement culpabiliser que je m'efforçais de rester dans "le droit chemin".
Sauf que là, j'en ai eu marre. C'est ma vie. Alors comme je reste raisonnable parce qu'on ne se refait pas d'un coup non plus et surtout parce que jamais je me permettrai de laisser une telle charge à qui que ce soit, j'ai tout de même terminé mon master, j'ai pu enchaîner direct sur un boulot et là je me suis donné comme objectif de rembourser tout mon prêt en un an. Ensuite, c'est certain, je partirai. Pour faire quoi ? Où ? J'en sais rien et très franchement je m'en branle complètement.
Et tant pis si ma mère ne comprend pas. Si elle ne revient pas vers moi, c'est qu'elle n'en vaut pas la peine. Marre des concessions inutiles, voire contre-productives. J'estime que personne, pas même elle, n'a a me donner de leçon ou n'a à me détourner de mes rêves. Et j'ai été suffisamment raisonnable comme cela pour que personne ne s'aventure à me sortir que je dois m'emmerder des années à faire un boulot comme il faut et à voyager comme il faut (c'est-à-dire pendant les RTT/congés payés). Et même si j'avais été une nana qui avait donné du fil à retordre à ses parents, qui avait fait 3 L1 à la fac, qui avait passé son adolescence à fumer des pèt, en quoi n'aurais-je pas eu le droit de vivre ma vie, tout aussi déraisonnable eût-elle été ?
Nous sommes des êtres humains. Il est normal d'avoir envie de vouloir se conformer à ce que nous dit la société/famille ou au contraire de tout envoyer péter pour expérimenter autre chose. Normal de passer de l'un à l'autre et vice-versa.
Le mieux est d'essayer de faire comprendre cela à tes parents pour leur expliquer en quoi il est important pour toi de repartir. Mais s'ils ne comprennent pas, n'attends pas leur accord pour pouvoir vivre ta vie; ça n'en vaut pas le coup et l'aigreur a plutôt mauvais goût.