euki;4634591 a dit :Comment d'autres l'ont déjà fait remarqué, la partie où il est question de l'enfance, du collège et même encore au lycée, il me semble que @Yun décrit son état d'esprit de l'époque.
C'était à l'époque qu'elle considérait ces filles "comme stupides et absolument sans personnalité".
Par contre, ce qui me déçoit dans cet article, c'est l'impression que donne l'auteur d'avoir, encore aujourd'hui, cet état d'esprit et qu'elle reste persuadée qu'elle était originale à l'époque et que les filles "girly" n'étaient que des moutons.
Et la citation de l'ami m'a fait cet effet :
Sérieusement ? "Berceau de la vie ? "
@Yun, je t'invite à lui faire lire (et peut-être à lire toi-même) cet article publié par Madmoizelle en avril dernier
Histoire d’une fille née sans utérus
Je suis un peu surprise de voir les réactions à cet article alors je viens commenter.
(je précise que je commente quand je trouve un truc sexiste/pas subtil mais là, je ne vois pas vraiment de problème).
La remarque du pote m'a gênée mais ce n'est pas l'auteur qui parle et bon, même si elle semble valider, je pense que c'est difficile d'avoir du recul quand tout ce qu'elle a espéré toute sa vie (même de la part de son mec) c'est ce genre de compliment à la "tu es belle comme tu es".
Comme toi, je pense que la "critique" qu'elle fait du girly c'est son "moi" adolescent qui le fait, pas elle aujourd'hui. Et on a toutes eu ce genre de réflexions ados où l'on rejetait les gens qu'on aurait aimé être mais à qui on trouvait mille défauts pour se consoler, ne nous voilons pas la face.
Elle dit d'ailleurs à plusieurs reprises qu'elle aimerait actuellement pouvoir avoir des attributs du girly, qu'elle apprécie en porter parfois mais qu'elle n'arrive pas à bien les maitriser et qu'elle ne se sent pas à l'aise avec.
Par contre, je ne vois pas du tout où elle dit "j'étais si originale!". Au contraire, je pense qu'elle était consciente qu'elle faisait partie d'une "tendance" puisqu'elle définit son style en un mot qu'elle semble penser connu des lecteurs (ce qui n'est pas possible quand évoque quelque chose de super original et unique) et qu'elle parle même des variations autour de ce style (montrant qu'elle sait que d'autres gens y adhèrent comme à une mode) :
"Je suis devenue une « bab’s ». Même si ce genre se décline en différentes variantes (teuffeurs, hippies, skateurs etc.)"
Je ne vois nulle part qu'elle dit que les filles girly n'étaient que des moutons.
Ensuite pour l'intérêt de l'article, oui je le trouve super intéressant parce qu'il montre comment l'auteur souffre des injonctions patriarcales. Tout son texte nous raconte comment elle espère désespérément parvenir à correspondre aux stéréotypes mais qu'elle n'y arrive pas, ne serait-ce parce qu'elle ne se sent pas à l'aise dedans.
En gros, elle est tiraillée depuis son adolescence entre "je voudrais être ce qu'on attend de moi" et "je n'y arrive pas : cela ne me correspond pas". C'est une histoire très touchante.
Toutes celles qui disent "ce sont des clichés", oui, c'est vrai, ce sont des clichés! Mais ce n'est pas l'auteur qui égrène des clichés : c'est l'injonction sociale qu'elle subit qui les égrène. C'est simplement ce qu'elle nous raconte là : comment au quotidien, elle vit la pression de stéréotypes totalement arbitraires.
Je ne pense même pas qu'elle dit que les filles girly sont des stéréotypes, simplement qu'elles ont mieux réussi à maitriser des codes sociaux dans ce domaine-là. Et ne nous voilons pas la face, même si ce qu'on fait n'est jamais assez bien quand on est une femme, une fille qui porte des robes aux cocktails et se maquille correspond plus à l'idéal patriarcal du "féminin". Ce n'est pas être une esclave du patriarcat que de l'admettre, ce n'est pas une accusation non plus, c'est juste un fait social comme un autre.
Ensuite certaines disent "elle n'a pas de recul, il y a plein de féminités différentes, pourquoi elle est si restreinte etc."
Si vous arrivez à voir qu'il y a plein de formes de féminité : bravo, vous avez réussi à vous défaire de certaines injonctions patriarcales, à vous émanciper de certaines pressions de votre entourage, ou alors vous avez des amis et proches très ouverts d'esprit. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Comme toujours quand on parle de sexisme, ce n'est pas parce que ne percevez pas les choses d'une certaine manière qu'une autre personne ne peut pas en souffrir.
L'auteur perçoit la pression sociale de la féminité de la manière qu'elle décrit. Qu'est-ce qui pose problème? C'est ça qu'on lui renvoie à la figure, donc c'est ça qu'elle nous raconte!
Je ne vois pas bien en quoi dire "roh la la la quelle vision restreinte de la féminité!" va changer les choses, vu que son entourage diffuse cette vision de la féminité.
Ensuite, je trouve intéressant de voir que certaines lectrices défendent différentes formes de féminité ou une compatibilité entre la masculinité et tel ou tel truc, comme si la division féminité/masculinité restait importante pour elle. Ce n'est pas là une critique, juste une réflexion que je me fais en lisant tout ça. Moi aussi, je me sens "femme" et donc j'aurais tendance à dire que je me sens "féminine". Ceci dit, je suis la première à vouloir déconstruire le genre social... Alors pourquoi la féminité reste si importante pour moi? Qu'est-ce que ça veut dire? Comment on se sent femme? ça se manifeste de quelle manière?
L'autre chose que je trouve intéressant dans cet article, c'est le fait qu'elle semble heureuse de réussir à s'adapter aux codes féminins en grandissant... C'est la trajectoire que je constate chez beaucoup de "garçons manqués" (termes entre douze guillemets) : au collège, elles ne correspondaient pas à l'idéal féminin... Mais en vieillissant, elles ont souvent essayé de s'y conformer un peu plus. 10 ans plus tard, je vois beaucoup de mes copines d'école qui ont fini par porter des robes, se maquiller et acclamer des trucs girly, alors qu'elles n'aimaient pas avant. Elles ont l'air soulagées, et beaucoup de gens disent "elles se sont vachement arrangées" ou autres trucs du genre avec un sourire satisfait.
Pourquoi cette évolution? L'auteur est dans ce même cas et son témoignage montre que c'est parce qu'elle n'arrivait pas à se sentir acceptée en étant ce qu'elle voulait être et que du coup, elle ne se sentait ni à l'aise en version "non-féminine" et ni à l'aise en version "féminine".
Je trouve intéressant de voir que les "garçons manqués" de l'enfance changent souvent de trajectoire en cours de route, en tout cas en ce qui concerne les apprêts physique et l'apparence, comme si c'était très dur autrement.
Le témoignage me rappelle un peu le film Super Blonde où les héroïnes, pour être reconnues socialement, sont obligées d'adopter certains codes de la féminité alors qu'elles n'étaient pas malheureuses sans.
Ce témoignage est un support aux débats, ce n'est pas une analyse des pressions sociales mais un récit de la manière dont une personne précise les a subies.
Ce texte n'est pas non plus là juste pour nous, lectrices du forum qui sommes peut-être plus à l'aise pour prendre de la distance avec certains stéréotypes. Il s'adresse aussi à toutes les filles qui ont suivi cette trajectoire de "non-féminité" et qui se débattent au quotidien avec toutes sortes de notions qu'elles n'arrivent pas à atteindre. C'est un moyen de verbaliser des choses qu'on garde souvent en soi parce qu'on essaie de s'affirmer contre la société et que ça passe parfois par une fausse assurance.
L'analyse, le recul, c'est à nous de le faire dans les commentaires. Je pense que c'est un peu trop demandé à quelqu'un qui souffre de nous expliquer avec lucidité et détachement les mécanismes sociaux en place qui amènent sa souffrance.
Bref, j'ai l'impression que le texte a été interprété au-delà de ce qu'il disait et je suis désolée pour ce témoignage qui est très intéressant.