Un je ne supporte pas motivé par une fatigue de mon travail, la situation d'un de mes patients qui me choque bien plus que je ne le pensais et une lecture d'un article du monde diplomatique.
Je ne supporte plus, je suis fatiguée, outrée par la considération des personnes en situation de handicap en France, et notamment les personnes auprès desquelles je travaille, qui ont un handicap intellectuel sévère et un niveau d'autonomie très faible.
Je ne supporte plus de voir à quel point ces personnes sont encore des rebuts du monde, à quel point l'évocation de leur simple existence génère des sentiments inappropriés, de la pitié, du dégoût, du rejet, du misérabilisme. Ca dégoûte les gens de savoir qu'il y a des gens en couches à 30 ans, qu'un humain ça peut baver, être déformé, crier pour demander du pain, se masturber en public... Et ça m'énerve, je comprends mais ça m'énerve, j'aimerais que ça ne soit pas une justification pour s'en désintéresser, pour leur renier leur humanité, leur dignité.
J'en ai marre de collectionner les articles pour justifier l'importance de mon métier auprès d'eux, orthophoniste, parce qu'on est en pénurie de personnel et que la solution semble d'être de nous effacer. Alors moi j'imprime des données sur le fait que la mortalité des personnes sans communication est surélevée, qu'avoir comme seule solution de s'auto-mutiler pour exprimer un mal de dents c'est quand même anormal en 2022, et qu'il paraît donc important de les accompagner pour exprimer leurs besoins de base parce que communiquer c'est la base de l'existence humaine. Ah ouais, il fallait vraiment des études pour montrer ça ? Et pourtant maintenant on a combien, 50, 60, 70% des institutions pour personnes handi sans orthophonistes ?
J'en ai marre qu'on préfère foutre ces personnes sous le tapis, qu'on se foute de savoir qu'on les laisse chez des parents qui les maltraitent parce qu'il n'y a plus de place dans les structures de l'ASE ou plus de familles d'accueil, qu'on les laisse dans des institutions qui les maltraitent parce qu'il n'y a plus de place en institution, qu'on les laisse sans soins psychiques parce qu'il n'y a plus de psychiatre, qu'on les laisse sans soins paramédicaux parce qu'il n'y a plus de paramédicaux, et que la seule solution à tout ça, c'est d'avoir des parents issus d'une classe supérieure qui a la thune et qui sait suivre le labyrinthe des institutions et qui ait le courage et l'énergie de se plaindre assez pour obtenir le minimum syndical.
Du coup parfois j'en ai des pensées que je n'aime pas trop, du genre mais qu'est-ce qu'on se fout de tel aspect du droit des femmes qui prend toute la place dans les médias alors que je connais un gamin qui se fait frapper et menacer de mort par son père et pour qui on ne peut rien faire. 100 articles sur le manspreading et 1 sur l'état de l'ASE. C'est quoi ce délire ?
J'en ai marre que des discours militants justifiés, notamment sur l'inclusion des personnes en situation de handicap, soient récupérés pour faire avancer un agenda politique et une idéologie économique. On va nous dire, aux travailleurs du médico-social, que notre lieu de travail même est une aberration éthique. Soit, ok. Alors on ravale notre fierté parce qu'on est d'accord, et on veut suivre pour ramener les enfants à l'école, on veut suivre pour les ramener vers des loisirs ordinaires, on veut suivre pour les visibiliser. Et il se passe quoi ? Moins de moyens. Plus de demande de flexibilité. Une réforme de la tarification pour l'inclusion (bien sûûûûr). Et au final, toujours des gamins en institution MAIS avec une qualité d'accompagnement moindre. CHOUETTE hein ? Et nous on est toujours considérés comme mauvais, "les institutions c'est pas éthique", "la France on est en retard". Mais factuellement, en France, c'est nous qui tenons tout. C'est nous le personnel médico-social qui sommes tout pour ces enfants. L'école n'arrive pas à suivre, le budget public n'arrive pas à suivre, rien ne suit, et on est dans ce truc terrible où on est priés de disparaître et en même temps priés de tout faire quand même, parce que l'âge de la disparition des institutions, en l'état, il paraît loin. Les listes d'attentes pour les institutions, elles augmentent ! C'est quoi ce bordel franchement ? C'est quoi ce cercle infernal où l'idéal paraît si loin et le quotidien si impossible ?
J'en ai marre qu'on soit en pénurie de personnel. Nos métiers sont super beaux, éducateurs, psychologues, psychomotriciens, psychiatres, enseignants... On nous disait parmi les essentiels à une époque ! Et vous voyez ce qu'il se passe seulement dans de rares articles qui ose le dénoncer : on prend n'importe qui pour nous remplacer. Des gens pas formés. Le premier venu qui veut bien remplacer un éduc ou un enseignant. J'ai vu une femme qui voulait se reconvertir après avoir été agent immobilier faire enseignante auprès d'enfants autistes sans aucune formation, du jour au lendemain. C'est normal ça ? Mais on s'en balaaaaance. Et parfois pire, on fout des gens lambdas pour taffer dans les instituions de l'ASE où ce sont les troubles du comportement qui sont majeurs. Et il y a des maltraitances. AH BON.
Mais qui va se plaindre de tout ça ? Les gamins qui ont pas de parents ? Les gamins qui ne peuvent pas s'exprimer ? Les gamins sourds ? Les gamins autistes ? Ils ne peuvent pas. Et c'est en ça que c'est la population la plus vulnérable sur cette planète. Ils subissent tout en silence.
Ah oui et j'avais vu qu'aujourd'hui c'était 30% des SDF français qui étaient issus du milieu médico-social.
Et aussi un truc qui m'énerve assez extrême : j'en ai marre qu'on oublie que les personnes en situation de handicap ont été les premières victimes du nazisme. C'est important de le rappeler. En cas de crise, ils sont en première ligne. Il y a encore des gens qui ont des idées extrêmes à leur propos. Il ne faut jamais l'oublier.
Alors moi je me raccroche au quotidien, aux choses qui me font dire que j'ai apporté un truc à ce petit garçon, à cet ado. Mais franchement il y a des moments où je trouve le tout tellement cynique, tellement fucké.
Voilà c'est un melting pot de toutes mes idées.
Je ne supporte plus, je suis fatiguée, outrée par la considération des personnes en situation de handicap en France, et notamment les personnes auprès desquelles je travaille, qui ont un handicap intellectuel sévère et un niveau d'autonomie très faible.
Je ne supporte plus de voir à quel point ces personnes sont encore des rebuts du monde, à quel point l'évocation de leur simple existence génère des sentiments inappropriés, de la pitié, du dégoût, du rejet, du misérabilisme. Ca dégoûte les gens de savoir qu'il y a des gens en couches à 30 ans, qu'un humain ça peut baver, être déformé, crier pour demander du pain, se masturber en public... Et ça m'énerve, je comprends mais ça m'énerve, j'aimerais que ça ne soit pas une justification pour s'en désintéresser, pour leur renier leur humanité, leur dignité.
J'en ai marre de collectionner les articles pour justifier l'importance de mon métier auprès d'eux, orthophoniste, parce qu'on est en pénurie de personnel et que la solution semble d'être de nous effacer. Alors moi j'imprime des données sur le fait que la mortalité des personnes sans communication est surélevée, qu'avoir comme seule solution de s'auto-mutiler pour exprimer un mal de dents c'est quand même anormal en 2022, et qu'il paraît donc important de les accompagner pour exprimer leurs besoins de base parce que communiquer c'est la base de l'existence humaine. Ah ouais, il fallait vraiment des études pour montrer ça ? Et pourtant maintenant on a combien, 50, 60, 70% des institutions pour personnes handi sans orthophonistes ?
J'en ai marre qu'on préfère foutre ces personnes sous le tapis, qu'on se foute de savoir qu'on les laisse chez des parents qui les maltraitent parce qu'il n'y a plus de place dans les structures de l'ASE ou plus de familles d'accueil, qu'on les laisse dans des institutions qui les maltraitent parce qu'il n'y a plus de place en institution, qu'on les laisse sans soins psychiques parce qu'il n'y a plus de psychiatre, qu'on les laisse sans soins paramédicaux parce qu'il n'y a plus de paramédicaux, et que la seule solution à tout ça, c'est d'avoir des parents issus d'une classe supérieure qui a la thune et qui sait suivre le labyrinthe des institutions et qui ait le courage et l'énergie de se plaindre assez pour obtenir le minimum syndical.
Du coup parfois j'en ai des pensées que je n'aime pas trop, du genre mais qu'est-ce qu'on se fout de tel aspect du droit des femmes qui prend toute la place dans les médias alors que je connais un gamin qui se fait frapper et menacer de mort par son père et pour qui on ne peut rien faire. 100 articles sur le manspreading et 1 sur l'état de l'ASE. C'est quoi ce délire ?
J'en ai marre que des discours militants justifiés, notamment sur l'inclusion des personnes en situation de handicap, soient récupérés pour faire avancer un agenda politique et une idéologie économique. On va nous dire, aux travailleurs du médico-social, que notre lieu de travail même est une aberration éthique. Soit, ok. Alors on ravale notre fierté parce qu'on est d'accord, et on veut suivre pour ramener les enfants à l'école, on veut suivre pour les ramener vers des loisirs ordinaires, on veut suivre pour les visibiliser. Et il se passe quoi ? Moins de moyens. Plus de demande de flexibilité. Une réforme de la tarification pour l'inclusion (bien sûûûûr). Et au final, toujours des gamins en institution MAIS avec une qualité d'accompagnement moindre. CHOUETTE hein ? Et nous on est toujours considérés comme mauvais, "les institutions c'est pas éthique", "la France on est en retard". Mais factuellement, en France, c'est nous qui tenons tout. C'est nous le personnel médico-social qui sommes tout pour ces enfants. L'école n'arrive pas à suivre, le budget public n'arrive pas à suivre, rien ne suit, et on est dans ce truc terrible où on est priés de disparaître et en même temps priés de tout faire quand même, parce que l'âge de la disparition des institutions, en l'état, il paraît loin. Les listes d'attentes pour les institutions, elles augmentent ! C'est quoi ce bordel franchement ? C'est quoi ce cercle infernal où l'idéal paraît si loin et le quotidien si impossible ?
J'en ai marre qu'on soit en pénurie de personnel. Nos métiers sont super beaux, éducateurs, psychologues, psychomotriciens, psychiatres, enseignants... On nous disait parmi les essentiels à une époque ! Et vous voyez ce qu'il se passe seulement dans de rares articles qui ose le dénoncer : on prend n'importe qui pour nous remplacer. Des gens pas formés. Le premier venu qui veut bien remplacer un éduc ou un enseignant. J'ai vu une femme qui voulait se reconvertir après avoir été agent immobilier faire enseignante auprès d'enfants autistes sans aucune formation, du jour au lendemain. C'est normal ça ? Mais on s'en balaaaaance. Et parfois pire, on fout des gens lambdas pour taffer dans les instituions de l'ASE où ce sont les troubles du comportement qui sont majeurs. Et il y a des maltraitances. AH BON.
Mais qui va se plaindre de tout ça ? Les gamins qui ont pas de parents ? Les gamins qui ne peuvent pas s'exprimer ? Les gamins sourds ? Les gamins autistes ? Ils ne peuvent pas. Et c'est en ça que c'est la population la plus vulnérable sur cette planète. Ils subissent tout en silence.
Ah oui et j'avais vu qu'aujourd'hui c'était 30% des SDF français qui étaient issus du milieu médico-social.
Et aussi un truc qui m'énerve assez extrême : j'en ai marre qu'on oublie que les personnes en situation de handicap ont été les premières victimes du nazisme. C'est important de le rappeler. En cas de crise, ils sont en première ligne. Il y a encore des gens qui ont des idées extrêmes à leur propos. Il ne faut jamais l'oublier.
Alors moi je me raccroche au quotidien, aux choses qui me font dire que j'ai apporté un truc à ce petit garçon, à cet ado. Mais franchement il y a des moments où je trouve le tout tellement cynique, tellement fucké.
Voilà c'est un melting pot de toutes mes idées.