Au contraire en fait : la France protège beaucoup les droits et libertés, c'est pas le Texas, on ne tire pas sur les gens, on ne les coffre pas à tort et à travers non plus
La justice et la police en France sont loin d'être irréprochables. Les récents non-lieux dans les affaires de Zied et Bouna notamment et aussi Amadou Koumé montrent qu'on a de la route devant nous en terme de transparence, de justice et d'équité. Il suffit de suivre la page de
Stop le Contrôle au Faciès pour se rendre compte que lorsque tu n'es pas blanc-he dans ce pays, ta vie est bien différente que lorsque tu es blanc-he.
(edit: quand on voit les autorisations de port d'armes pour les policiers hors services, on se dit qu'on est peut-être pas si éloigné du Texas qu'on aimerait le croire)
Pour dire franchement, cet état d'urgence ne me dérangerait pas tant si nous étions dans un pays qui ne contrôle pas au faciès, qui ne se fait pas épingler régulièrement par des ONG des défense des droits de l'homme ou de la liberté d'expression (celle qui est menacée par Dassault, Bouygues, Lagardère, pas celle qui sert à se foutre de la gueule des musulmans, celle là va très bien merci beaucoup), qui est lucide sur son racisme institutionnel. On a aucune garantie que ces mesures d'exceptions ne seront pas largement utilisées pour des situations qui n'ont rien à voir, comme c'est déjà le cas en fait : entre les saisies de drogue, les expulsions de squats et j'en passe, on voit déjà comment on se fait complètement avoir. L'article des décodeurs posté par
@H-T-M-L est un autre indice que derrière le discours du gouvernement, la réalité est beaucoup plus dure pour celleux qui font les frais de cet agitation policière.
Pour ce qui est d'avoir peur ou pas de l'état d'urgence, l'article rassure bien sur les mesures qui sont prises. Mais il faut bien voir que selon la couleur de sa peau, selon sa religion, selon l'endroit où on vit, tout le monde ne sera pas traité de la même façon. Les perquisitions à tout va visent en priorité des personnes arabes, des mosquées, ou même des restaurants halal. Alors on peut avoir foi en la Police et les renseignements et se dire que si ils perquisitionnent comme ça c'est qu'ils ont des soupçons, mais vu le taux de réussite, je pense qu'il est urgent qu'on s'interroge sur le fondement de ces soupçons. Perquisitionner sans éléments c'est peut-être autorisé par l'état d'urgence, mais en attendant ça reste du délit de faciès. Et non, la lutte contre le terrorisme n'autorise pas tout et n'autorise pas qu'on maltraite des citoyen-ne-s dont on n'a visiblement que peu d'éléments contre elleux (pour ne pas dire carrément innoncents), comme cette fillette de 6 ans, blessée lors d'une perquisition ... parce qu'un ancien habitant de la maison était suspect ... on va où là ?
Donc oui cet état d'urgence va sûrement permettre d'arrêter des criminels (de la même façon que si on écoutait tout le monde tout le temps on pourrait sûrement empêcher plus de crimes), mais pour
quels coûts ? Et
qui va les payer le plus, ces coûts ? On lisait ces derniers jours tout un tas de lettres ouvertes faisant l'éloge de nos libertés, nous enjoignant à ne pas nous laisser atteindre par le terrorisme et ne pas changer nos modes de vies. Et là il semble normal de réduire toutes ces libertés pour notre sécurité ... Est-ce qu'au final la liberté de prendre un verre en terrasse nous importe plus que celle de circuler ? Ou est-ce que c'est moins grave parce que ça ne sera que la liberté de circuler des musulman-e-s qui sera touchée ?
Un autre souci que j'ai avec cet état d'urgence, c'est sa temporalité. Plusieurs spécialistes du terrorisme le disent, Daesh ne relancera pas d'attaque avant 5 ou 6 mois, le temps de voir comment on allait réagir. Pourquoi donc cet état d'urgence maintenant alors que le risque d'un attentat est probablement moins fort que dans 3 mois ? C'est soit trop court soit trop long, et ça ressemble plus à une réponse instinctive aux attentats qu'un plan réfléchi et durable (l'un n'excluant pas l'autre, mais là fait vraiment Texas pour le coup. L'armée pour expulser un squat, faut peut-être pas exagérer ...).
Enfin, les débats qui ont lieu sur l'état d'urgence et sa pertinence passent souvent sur ce qui me paraît l'essentiel : qui va payer ces mesures ? Qui va être contrôllé encore plus dans la rue ? Qui est perquisitionné à tout va ? Qui devient suspect parce qu'il porte une barbe trop longue, ou à contrario parce qu'il vient de se raser la barbe ? Derrière sa litanie de "pas d'amalgames" envoutante, comme pour se rassurer surtout soi-même, le gouvernement tombe en plein dans l'amalgame, et envoie un message fort à ses concitoyen-ne-s : le délit de faciès est justifiable dans certains cas. Les droits des racisé-e-s peuvent être piétinés si les blanc-he-s ont vraiment peur ...
On avait pourtant bien vu le schéma de Klaire fait grr dans l'article sur Daech, non ?
Bon ben là, on est à l'étape 3 quoi ...
(edit: je vous invite d'ailleurs à signer
cette pétition de La Quadrature du Net pour une commission d'enquête sur les lois de surveillance et les attentats. Ne laissons pas la démocratie dans les mains de celleux qui prétendent savoir mieux que nous et qui agissent en notre nom.)