Sur la question du patriarcat, on va faire simple : dans la très grande majorité des cas de violence à la personne (violences physiques, sexuelles)
- les femmes sont principalement victimes de la violence des hommes et prennent soin de tout le monde : des enfants, des personnes âgées, des hommes et des autres femmes
- les hommes sont principalement victimes de la violence des hommes et s'occupent d'eux-mêmes.
Oui, bien sûr il y a aussi des femmes violentes. Dans les couples hétérosexuels, il y a des hommes victimes de violences de leur conjointe. Des femmes qui violent. Mais ces cas n'empêchent pas qu'il y a un schéma. Oui, il y a des hommes qui sont dans les métiers du care. Oui, il y a des aides-soignants. Mais là encore, il y a un gros schéma qui assigne majoritairement les femmes à ces tâches (et globalement, pour revenir aux hommes victimes de violences sur conjoints, les assos qui s'en occupent sont majoritairement.... fondées par des femmes) On peut parler de situations individuelles (non, toutes les femmes ne sont pas touchées de façon égale par le sexisme, il y a des femmes qui sont peu dans le care et des hommes qui sont beaucoup dedans) mais globalement, ça n'invalide pas le schéma. Partir de son expérience individuelle c'est très important, mais en termes scientifiques, c'est peu probant. Et non, le féminisme n'a pas pour vocation de s'en prendre "aux hommes", il n'y a pas de méchant désigné, il s'agit de déconstruire tout un système qui produit ces effets.
Bon, cela étant dit, sur la charge émotionnelle, j'ai l'impression qu'on aborde plusieurs choses ici :
- la charge du "care" confiée quasi exclusivement aux femmes dans le couple hétérosexuel, qu'on peut rapprocher de la charge mentale ;
- la charge de la régulation émotionnelle au sein de ces couples (majoritairement ce sont les femmes qui parlent des problèmes, essaient de les résoudre...) ou dans des groupes (il serait intéressant de voir qui occupe ce genre de rôle de médiateur ou régulateur au travail par exemple) (mon intuition est que ce n'est pas forcément la personne en position de management)
- la charge de la maîtrise des émotions au quotidien (injonctions au sourire, répression de certaines émotions comme la colère, de traits de personnalité comme l'autoritarisme assimilés à de l'hystérie...). Là, on peut voir que les hommes souffrent eux aussi de cette charge d'ailleurs (interdiction de pleurer, répression de la sensibilité...)
Pour autant, j'ai du mal avec l'explication "on se met la pression toute seule". Un peu comme lors des débats sur la charge mentale, on disait "oui mais les femmes ne veulent pas déléguer". Alors déjà, parce que déléguer, cela veut dire qu'on conserve la responsabilité. Quand un-e supérieur-e hiérarchique délègue une tâche ou un projet à un-e collaborateur-trice, cela veut dire que le/la manager-euse va confier la réalisation de la tâche, mais que c'est SA responsabilité qui va être engagée. Donc déléguer au sein du couple, cela veut dire que c'est encore la femme qui est responsable, et partant de là, un ensemble de missions afférentes à la délégation : fixer le cadre, l'objectif et le périmètre, les délais, les moyens, contrôler. Et ça, pour être moi-même manageuse, je vous garantis que c'est un job à plein temps si on veut un résultat qui convienne aux deux (parce que globalement, en ce qui me concerne, si je veux manger, je peux évidemment compter sur mon mec. Le truc c'est qu'on se nourrira de pâté, de chips et de bière. Or j'ai un peu des objectifs dans la vie comme être en bonne santé, ce qui implique un minimum de manger équilibré. Et on a un bébé, qui ne mange ni pâté, ni chips, et encore moins de la bière. Donc si on veut tout concilier, ça demande un temps de concertation et de coordination entre nous)
Ensuite, parce que partir de la délégation, c'est du victim-blaming. On fait reposer la responsabilité (le manque de partage équitable des tâches ayant trait au foyer et de la charge ayant trait au couple) sur la personne qui en est victime. Ah oui, ces gonzesses et leur burn-outs parentaux, mais forcément, elles veulent que tout soit impeccable à la maison, et en plus elles ont l'outrecuidance de vouloir un logement propre et un bébé qui passe pas ses journées devant la télé
Sans compter que globalement, il y a quantité de personnes qui font obstruction pour ne pas avoir à faire. En mode "on m'a demandé de passer le balai, je vais saboter le truc pour qu'on ne me le demande plus jamais". Oui, ça arrive, non, pas qu'aux hommes, non, pas tout le temps, mais ça arrive.
Enfin, et comme c'est très bien pointé ici, parce que la pression sociale s'exerce majoritairement sur les femmes. Tout comme on va pas mettre la pression sur les hommes pour qu’ils aient des enfants, qu'on leur fout la paix avec l'horloge biologique, on va plutôt s'attendrir sur un père qui amène sa fille pas coiffée pas débarbouillée à la crèche, quand on dira d'une mère qu'elle néglige son enfant. A ce titre, il y a 2 ans, il y avait eu un très bon article du Monde là-dessus, sur le retour de la mère parfaite. Et donc les hommes n'étant pas soumis à cette pression, n'y répondront pas.