Ahah moi je veux pas du tout qu'elle soit en option, je veux qu'elle soit en tronc commun de la seconde à la terminale ! Mais bon je rêve un peu.
Pour la notation il n'y a pas de barème effectivement, du genre "citer Descartes - 3 points". Mais c'est le cas dans beaucoup de matières (pas de barème fixe mais consignes de correction et harmonisation.) Après sur cette histoire de structure c'est vrai qu'une copie hors sujet par exemple, mais qui respecte parfaitement la forme de la dissertation, aura 8. Ça ne veut pas dire que la notation est aléatoire ! Juste qu'il y a plusieurs critères : la "forme" en fait partie mais il faut aussi avoir cerné le problème et répondu à la (bonne) question (et pas à côté), maîtriser des distinctions et des définitions, avoir des références philosophiques... Bien sûr ça peut varier d'un prof à l'autre mais c'est pareil dans une dissertation d'histoire : est-ce que l'élève respecte la méthode de la dissertation, est-ce qu'il a un plan, est-ce qu'il connait des dates, des chiffres, etc.
Ensuite tu peux tout à fait défendre ton opinion dans une dissertation - juste il ne faut pas dire "je" car tu dois avoir une démarche apparemment neutre. Mais moi dans mes disserts je consacre en général ma troisième partie à l'idée à laquelle j'adhère le plus. Je ne le dis pas, mais c'est l'idée que j'ai le plus de facilité et de conviction à défendre, donc je termine par là car j'aurais le plus d'arguments.
Le cadre de la dissertation est rigide, et il est en grande partie rhétorique. Cependant ça a du bon : avoir un cadre t'aide à construire ta pensée. Un plan de dissertation n'est pas forcement dialectique (ce que tu résumes par "oui, non, les deux"). Ce qu'il faut c'est que ton plan soit progressif : tu commences par la réponse la plus évidente, puis tu en montres les limites, puis tu proposes une autre réponse, et ainsi de suite. Ça peut paraître artificiel de commencer par une réponse que l'on va dépasser ensuite, mais en fait c'est comme ça qu'on construit un raisonnement. Tu pars du plus simple ensuite tu rentres dans la complexité.
De même la problématique ça permet de montrer que le sujet n'est pas qu'une question, de type "tu aimes le chocolat?", à laquelle il y a une seule réponse, oui ou non, et puis basta. Formuler une problématique c'est montrer que la question pose problème, qu'il y a un conflit, qu'on pourrait fournir différentes réponses et qu'il faut donc en débattre.
Les références à des auteurs c'est la même idée : il y a des gens qui ont réfléchi avant moi à cette question, qu'en ont-ils pensé ? En principe tu ne dois pas te contenter de "dire ce qu'ils ont dit" mais utiliser leurs pensées dans ton raisonnement à toi. C'est à dire que tu t'appuies sur eux, que tu vas utiliser le travail qu'ils ont déjà fait (par exemple, reprendre les arguments utilisés) - pour appuyer ta réflexion à toi, ou plutôt celle de ta dissertation puisqu'il faut garder une neutralité. Mais les auteurs doivent intervenir comme des outils pour faire avancer ta copie, pas comme une suite d'exposé d'idées. Et ça c'est indispensable, de se demander ce que les autres en pensent ou en ont pensé, et pourquoi.
Penser, cela passe par le dialogue : prendre en compte l'opinion contraire à la mienne, l'écouter, déceler ce qui me pose problème, faire des objections, y répondre, peut être faire des concessions... Exactement ce qu'on fait sur ce forum
C'est pour ça qu'on fait autant de dissertation dialectique : il ne s'agit pas de se contredire, mais d'exposer différentes réponses, en examinant leurs forces et leurs faiblesses. L'idée de la dialectique c'est qu'il y a de la richesse dans la contradiction, dans le débat. Je ne peux établir mon opinion qu'en considérant l'opinion contraire et en lui répondant.
Il y aurait beaucoup à redire sur l'exercice de la dissertation (artificiel et pas toujours adapté aux élèves) mais franchement quand j'ai travaillé à l'étranger (dans le privé), la chose qui m'a été la plus précieuse c'est que j'étais capable, en toutes circonstances, de construire un raisonnement et de structurer ma pensée. Je pense que les centaines de dissertation que j'ai fait m'ont vraiment été précieuses, car je savais aussi adopter une certaine neutralité (dans le système anglo-saxon c'est plutôt l'essay qui est pratiqué, qui lui est à la première personne) Pour moi c'est un des "bon points" du système français. Et si j'ai oublié une bonne partie des connaissances que j'ai acquises dans mon parcours scolaire (bon pas en philo puisque j'enseigne, encore que...), je garde cette capacité à construire un raisonnement convaincant, et ça m'est utile dans tous les aspects de ma vie.
Et sinon sur ton exemple de sujet sur l'histoire, bah après c'est une question de préférence
mais moi ça me paraît intéressant. Est-ce que l'historien doit être détaché de son sujet pour bien le traiter, ou est-ce qu'au contraire il faut qu'il soit passionné par ce qu'il étudie pour mieux en rendre compte ? Est-ce qu'on peut être neutre et impartial vis-à-vis du passé ? Pareil le sujet sur le langage c'est intéressant de se demander si il y a une pensée "supérieure" que le langage traduit mal, et donc "trahit", ou si en fait je pense toujours grâce aux mots et par les mots (même si je me parle à moi même). Il n'y a pas qu'un plan et qu'une réponse possible à ces questions. Certes réfléchir sur l'histoire ou sur le langage ne te sera pas forcément utile directement dans ton quotidien, mais ce sont des sujets importants qui nous concerne tous.
Heureusement que l'école n'est pas une institution purement utilitaire qui forme de bons petits soldats prêts à travailler, et qu'on peut en faire un espace où réfléchir et penser à des choses qui ne nous concernent peut être pas directement, mais qui sont importantes et précieuses. En tout cas c'est pour ça que j'ai choisi ce métier.