Merci
@Clemence Bodoc pour cet article, il est vrai qu'il faut parfois dire à chacun de prendre du recul. Par contre, j'ai un soucis important de compréhension de cette crise migratoire. Tu dis bien qu'il ne faut pas confondre "migrants" et "réfugiés", mais je ne comprends pas quel est le problème avec les réfugiés, en France. En théorie (et je sais que ça diverge un peu de la pratique mais bon, passons), la France ne PEUT PAS refuser le droit d'asile à quelqu'un qui mérite de le demander, ce qui serait le cas de ces réfugiés s'ils arrivaient par la mer directement en France. Donc est-ce que vous avez déjà entendu parler de solutions pour "rapatrier" les réfugiés ici directement ? Est-ce que ça serait une solution ?
D'autre part, les quotas... Les accords Dublin II stipulent qu'un état européen doit refuser l'asile d'un demandeur si le pays d’accueil de la demande n'est pas le premier pays européen sur lequel le réfugié arrive... et j'ai cru que l'idée des quotats, c'est simplement de by-passer ces accords Dublin II pour les réfugiés politiques en Europe. Mais du coup, je trouve que c'est plutôt une bonne idée, et je peux comprendre que cela prenne un peu de temps à ce mettre en place.
Bref, toujours est-il que je ne suis pas sure que ces citoyens syriens veuillent être réfugiés, parce que j'ai lu différentes choses sur internet, qui pourraient être des intox comme tu le dis (
http://www.france24.com/fr/20131003-syrie-refugies-syriens-migrants-calais-police-angleterre/) , mais aussi des informations qui paraissent bien vraies à l'étranger (notamment grâce à des collègues d'Europe de l'est qui lisent la presse locale). Et donc je ne suis pas sure que le problème soit l’accueil des réfugiés (puisqu'on à déjà des solutions en place), mais plus celui des migrants... Les madz, pouvez-vous m'aider à comprendre ? J'ai un vrai soucis au fond de moi : il est hors de question que je refuse de l'aide à des gens dans le besoin, mais je ne veux pas non plus qu'on "joue" de ma bonne volonté. En gros, j'hésite toujours à fournir de l'aide... et je n'aime pas ça ! Aidez moi
PS : Ca fait une semaine que j'hésite à poster de peur de vos réactions...alors s'il vous plait, ne m'insultez pas, je cherche à COMPRENDRE et je n'ai PAS d'opinion pour l'instant. Donc plutôt que de s'enerver, prenez un papier et un crayon et expliquez moi comme à un enfant de 7 ans svp...
PPS : Désolée pour le pavé !
Je ne juge pas et je ne t'insulterai pas, au contraire je crois que tu soulèves des questions complexes et très intéressantes.
Simplement, la situation des réfugiés en France est malheureusement bien plus complexe que ce qu'on laisse entendre.
En effet, la France doit accorder l'asile aux personnes qui mérite de le demander, comme tu le dis très justement. Mais le problème, c'est que c'est la France elle-même qui fixe les critères d'accueil et qui "mérite" de venir. En fait, c'est un vrai parcours du combattant, avec des démarches très complexes.
Pour te donner une idée, avant de déposer une demande d'asile, il faut une adresse. Donc demander à une association de te domicilier. A l'heure actuelle, il y a plusieurs semaines (voir mois) à Paris pour obtenir cela. En attendant, tu es considéré comme un simple migrant illégal et donc tu n'as droit à rien + tu peux te retrouver en centre de rétention.
Une fois que tu as ton adresse, tu passes par plusieurs étapes : rédiger ton récit pour expliquer pourquoi tu es réfugié (bien sûr, tu n'as pas toujours accès à une personne pour t'aider même si tu ne sais pas écrire, sinon ce serait trop facile !), puis passer un entretien oral avec des questions très poussées pour savoir si tu viens bien du pays que tu prétends et si tu as bien souffert autant que tu le laisses penser.
On a l'impression que c'est assez simple du premier abord, mais quand des personnes mineures sont convoquées avec un interprète qui ne parle pas bien leur langue et qu'en plus ils doivent raconter le massacre de leurs familles devant des inconnus et une grosse pression parce qu'ils savent que s'ils foirent cet entretien, ils sont dans la m****, tout de suite c'est moins simple qu'il n'y paraît. Et les cas que je raconte sont loin d'être extrêmes, ils arrivent régulièrement.
Ensuite je passe sur les rendez-vous à la préfecture pour obtenir les papiers, avec des journées entières d'attente, un personnel tout simplement odieux (j'ai fait quelques accompagnements en préfecture, j'en avais les larmes aux yeux), parfois qui remet à la personne les mauvais papiers... Papiers qui bien sûr sont écrits en français et il n'y a aucune aide pour traduire.
Enfin bref, le chemin pour être reconnu réfugié est vraiment très complexe, peut mettre plusieurs ANNEES et avec un taux de refus très élevé, sur des critères parfois tout à fait valables (une personne prétend qu'elle a subi des persécutions en Guinée alors qu'il s'agit en fait d'un Sénégalais... effectivement, lui accorder le statut de réfugié serait un poil tiré par les cheveux), mais d'autres qui en sont exclus parce qu'ils n'ont pas un récit suffisamment clair, ou qu'ils n'ont pas bien répondu à certaines questions... Quand on sait la solitude et le stress, la pression et tout ça, on sait que des personnes peuvent perdre leurs moyens pendant l'entretien et ça leur coûtera leur statut de réfugié (même si on peut encore faire des recours).
Et après tu as la bonne blague : les gens qui sont déboutés et n'obtiennent pas le statut de réfugiés, mais dont on sait que ce serait contraire aux droits de l'Homme de les renvoyer dans leur pays... genre les Syriens. Donc ils restent en France de manière illégale, parce qu'on considère qu'ils ne sont pas assez en danger chez eux car ce sont juste des victimes de guerre (pas des vrais opposants), mais qu'ils risquent quand même de mourir si on les renvoie. Donc cet espèce de "trou noir" dans lequel on les laisse est un véritable problème aussi.
Je bosse dans une asso où on aide les personnes qui veulent le statut de réfugié, et franchement le système est d'une complexité à faire peur, tout en étant super sévère pour la moindre petite erreur. Parfois on a des cas où l'on sollicite plusieurs juristes et avocats spécialisés parce qu'on ne comprend pas ce que la personne doit faire... Alors comment imaginer que des personnes qui font les démarches seules et n'ont pas eu accès aux infos puissent s'en sortir, même quand elles ont toutes les raisons de mériter ce statut ?
Et enfin, on sait aussi qu'en France on applique des chiffres sur l'accueil de réfugiés. Que parfois, les administrations sont incitées à être plus "gentilles" comme en ce moment, avec l'émotion que ça suscite et d'autres fois plus sévères. Donc les statuts de réfugiés seront accordés de manière très arbitraire, ça sera uniquement politique. Par exemple, l'année dernière les Erythréens n'étaient pas mieux lotis que les autres, mais cette année il y a eu un rapport accablant contre l'Erythrée et la situation là-bas : résultat, une avocate estimait que 95% des dossiers d'Erythréens passaient (donc que 95% d'entre eux obtenait le statut) depuis quelques semaines. Est-ce que l'Erythrée n'était pas déjà un régime totalitaire l'année dernière ? Si ! C'est le regard qu'on porte sur la situation du pays qui a changé ! Donc selon la date de dépôt de ton dossier, tu as plus ou moins de chance d'obtenir le statut, à situation égale.
Après tu poses de très bonnes questions :
- Pour rapatrier directement les réfugiés : c'est une demande qui est faite en effet (on parle de voies d'accès légales), qu'il y ait un "tri" dans les consulats des pays de transit, afin que les personnes qui puissent prétendre au statut ne prennent pas le risque de mourir en mer (c'est pas qu'on s'en fiche des autres hein, on milite aussi pour améliorer leur sécurité, vous vous en doutez !). L'idée serait de ne pas attendre d'être en France pour faire une demande, mais par exemple de pouvoir demander le statut en Jordanie (par exemple) pour pouvoir traverser la Méditerranée en toute sécurité et légalement. Pour l'instant, l'Europe préfère visiblement qu'ils meurent en mer mais qui sait... ça changera peut-être ?
- Sur les accords Dublin, en effet, la question des quotas serait une remise en question de ce principe. En dehors des Italiens et des Grecs, personne ne dit ouvertement que les accords Dublin sont tout pourris, mais la question des quotas montre bien que les pays européens ont compris que les accords Dublin étaient un échec et une injustice criante.
Voilà, je ne suis pas du tout spécialiste de ces questions, mais je commence à les suivre de plus en plus par le biais de mon boulot, donc j'espère t'avoir apporté quelques réponses... et peut-être même d'autres questions ?
