@esky Merci de relancer une flaque d'incompréhension sur ce sujet sur lequel on avait progressé collectivement hier, on en avait besoin tiens.
Manque de pot, je suis tenace, je me fait un devoir de répondre pour toutes celles qui n'osent pas
1/ "Je vois pas comment la societé repose sur l'exclusion des gros. Non elle ne repose pas dessus, le fait est que les gros sont exclus mais elle ne repose pas sur cette exclusion. D'autant plus que il n'y a pas si longtemps les rondeurs étaient l'idéal de beauté (et non, pas à la renaissance, c'était aussi le cas il y a pas si longtemps, il suffit de voir des vielles pub pour des produits qui font grossir). Alors comment une société peut reposer sur un critère aussi changeant?Je suis d'accord que la société d'aujourd'hui à une forte tendance à être "hostile" aux gros, que beaucoup de "constructions" font qu'ils sont rejetés (comme les tailles de vêtements), mais de là à dire que que ça "repose" dessus ..."
=> La société occidentale repose bien sur l'exclusion des gros,
j'entends par là que son système de valeurs morales (bien / mal) coïncide avec des comportements attribués aux gros et hiérarchisés. La minceur est associée à la maîtrise de soi, qualité extrêmement valorisée dans nos sociétés ; la grosseur correspond avec le laissez-aller, la faiblesse (d'esprit), etc.. Tout un ensemble de valeurs sociales qui rayonnent dans tous les aspects de la vie (travail, famille, institutions politiques...) s'ancrent donc dans la haine du surpoids.
Si on enlève l'idée que la maîtrise de soi, c'est bien, on enlève une idée fondatrice de la société occidentale. (Puisque les Occidentaux définissent l'idée même de civilisation par l'idée de contrôle, et d'intériorisation de l'interdit... tu peux lire
La société de cour à ce sujet si ça t'intéresse). De plus, classisme se confond aujourd'hui avec grossophobie puisque les gros, ce sont d'abord les pauvres. Il y a une
épaisseur oppressive de la grossophobie, en fait, c'est ce qui la caractérise et la distingue.
=> Tu pourrais te documenter
en histoire des idées et des représentations culturelles, ce qui te donnerait des pistes pour répondre à la deuxième partie de ta question. Pour résumer, le basculement des normes de beauté du gros au mince s'articulent autour de deux changements de grande ampleur :
- la mise à disposition de la nourriture.
Le surpoids était valorisé quand la nourriture était rare ; donc être gros signifiant être riche. Quand la nourriture s'est mise à être abondante avec les nouvelles méthodes de production, c'est le fait de manger très sainement (de manger des légumes cheeers car pas sou perfusion d'aides publiques, comme la viande, le lait...) qui est devenu un signe de richesse. C'est aussi le signe que tu as le temps et les moyens de "prendre soin de toi", donc qu'a priori tu ne travailles pas à l'usine 8 heures par jour. (PS : le "tu" est ici purement rhétorique, hein !)
- ce basculement a coïncidé avec un autre basculement :
les normes relatives à la sexualité (contrôle / désir) se sont libérées (free sex !) et se sont donc déportées sur les normes relatives à l'alimentation. Grosso modo, on demandait auparavant aux gens de "se contrôler" pour ne pas baiser ; maintenant on leur demander de "se contrôler" pour ne pas manger. C'est sur cette idée que repose la grossophobie.
Je crois qu'
@Astoria.G a donné un titre d'ouvrage qui explique cela
2/ "Par ce que tu arrive à déduire du poids des gens juste avec leurs post?"
Écoute, dans la société actuelle, le 36 est considéré comme un idéal de beauté (je le sais, je l'ai fait). Donc, à moins que la personne soit dans des conditions particulières (que j'ai pris la peine d'énumérer dans mon précédent post, que tu pourrais donc prendre la peine de lire), on ne peut être skinny-bashée que lorsqu'on fait moins de 36 (approximativement, bien sûr). Je suis ok avec cette idée. Je remarque juste que plein de gens se plaignent ici d'être skinny-bashées, et que cette quantité m'interroge. Soit tout le monde sur Madmoizelle est maigre (et personne obèse, c'est étrange !), soit certaines filles se croient oppressées alors qu'elles ne le sont pas vraiment.
Ce qui, je le répète, ne remet pas en cause le fait que les filles vraiment très maigres peuvent vivre un enfer. J'ai déjà vu des nénettes blondes en 38 se plaindre que "ah là là, c'est dur de correspondre aux standards de beauté, car tooouuut le monde est jaloux". Permets-moi, dans ce cas, de pouffer bien haut. Mais pour les gens très maigres, le cas est différent puisqu'elles sortent à leur tour des normes.
Ceci n'est valable que pour les gens très maigres, c'est à dire 5% des gens qui se plaignent d'être skinny-bashées.
De plus, si tu crois que je juge les gens sur leur alimentation, tu me connais bien mal justement... ce qui ne m'étonne pas de quelqu'un qui rapplique dans le débat sans avoir lu mon raisonnement en entier... Là, pour le coup, c'est de la malhonnêteté, je ne peux rien faire pour toi.
3/ "Maintenant, imagine que un député propose un projet de loi qui bannisse les femmes d'un IMC de plus de 24 (surpoids) de défiler? Sérieusement tu pense que les réactions auraient été comment?"
Eh bien, nous pouvons voir un aperçu gentil (car les gens sont plus gentils sur Madmoizelle que dans la vie réelle) de ce que cela aurait été
=> invocation de l'arumgentation de la santé, peur de "l'apologie de l'obésité" faite à travers ce corps monstrueux que risquerait d'imiter les adolescentes... exactement ce qu'on a eu avec le sujet sur Tess Holiday, quoi !
4/ "D'autant plus que d'un point de vue "santé" (cet argument est bidon mais c'est celui qui a été évoqué dans les deux cas), les causes qui font que quelqu'un de trop gros ou de trop maigre peut être en mauvaise santé sont très différentes :
-Les risques cardiaques/diabete sont directement corrélés avec ton tour de taille."
Aaah, la leçon du médecin. Un peu coup de grossophobie pour justifier un exécrable propos. Non mais c'est vrai quoi, en fait les gros ils sont en mauvaise santé, c'est pour ça qu'on les déteste ! Alors que les maigres, ils sont pas forcément en mauvaise santé, donc il ne faut pas leur en vouloir d'être maigres ?!
Je ne vais pas commenter en détails la suite de ton message car tu répètes obstinément des trucs qu'on a précisés depuis. Je pense que tu n'as pas tout lu. Je ne t'en veux pas, c'est long en effet.
Tu nies obstinément la spécificité de la grossophobie comme structure sociale.
Pourtant tout, dans ton propos, contribue à la mettre en évidence ! Tu m'accuses de confondre les maigres et les minces, ce n'est pas du tout le cas, c'est l'origine de cette distinction elle-même qui m'interroge ! Pourquoi se sent-on obligés de distinguer un maigre (pas bien) d'un mince (bien), alors qu'on ne fait pas vraiment de différence entre une personne en surpoids (pas bien) et un obèse (pas bien du tout) ?
Pourquoi existe-il des catégories de termes pour privilégier certaines minceurs ? Alors que quand tu es gros,
quelle que soit ta grosseur, c'est pas bien : un peu enrobé ? MAIGRIS ! grassouillet ? MAIGRIS ! Obèse ? MAIGRIS ! des poignées d'amour ? de l’obésité légère ? de l'obésité morbide ? un surpoids affirmé ? un surpoids anodin ? Pas de surpoids mais juste un poids moyen ? MAIGRIS QUAND MÊME !
C'est cette dysmétrie que tu ne comprends pas, ou que tu t'obstines à ne pas comprendre. Il peut y avoir des bonnes minces (les non-maigres), il ne pourra jamais y avoir de bonnes grosses. Il suffit que tu te greffes des seins, des fesses et des muscles sur ton corps de maigre pour être adulée ; pour les grosses, cette greffe ne changera absolument rien. Elles seront quand même bouboule qui n'a aucune volonté. Bouboule sans volonté avec des seins, quoi.
Tu penses que quand je dis : la grossophobie est une structure sociale systématique, je dis : on ne peut pas se faire insulter en tant que maigre. Mais c'est toi qui lit dangereusement entre les lignes. Je ne dis rien de tel. Je te dis quand, dans un cas, ces remarques sont liées à des normes de beauté (affreuses et aliénantes, certes) ; dans l'autre cas, elles sont liées à des structures sociales reposant sur des réseaux de valeurs morales (le contrôle de soi, c'est bien / le laisser-aller, c'est mal).
Pour conclure, et pour que ce soit plus clair :
le gros est "racialisé" en tant que gros. Par son surpoids, il se met à appartenir à la catégorie des "gros" qui lui dénie toute individualité. On parle de toi comme "un gros", et pas comme une personne qui aurait des attributs (dont la maigreur). J'ai déjà entendu des gens dire : "Ah oui mais untel, c'est un gros". Et jamais "C'est une maigre", mais toujours "c'est une fille comme ceci cela, et elle est super maigre, ahah la pauvre anorexique (= skinny bashing)". Mais dans le premier cas, tu vois qu'il y a un substantivation de l'adjectif "gros" qui te fait appartenir à une catégorie qui te détermine complètement, qui t'absorbe même. Cela fonctionne de façon assez semblable aux processus de racialisation.