Je trouve l'augmentation des frais d'inscription extrêmement préoccupante.
D'abord, il est important de rappeler qu'un certain nombre d'étudiants Anglais ou Américains viennent faire ou finir leurs études en Europe justement pour échapper au frais de scolarité démentiel dans leur pays. Dans le domaine, la France n'est pas le meilleur exemple puisque dans d'autre pays européens il n'y a tout simplement pas de frais d'inscription ; et pour un américain, la France ou la Suède, c'est souvent kif-kif niveau expatriation donc autant choisir le moins cher (quand la Suède n'est pas préférée pour son niveau plus élevé). Plus on augmente les frais d'inscription et moins les étudiants étrangers viendront étudier en France (peut être est-ce voulu ? mais quel est l'intérêt ?).
Le cas de l'Australie est assez intéressant, les frais de scolarité y sont très élevés mais la grande majorité des étudiants est boursier. En gros, il n'y a guère que les étudiants (souvent étrangers) de faible niveau qui payent plein tarif (et qui du coup financent les autres étudiants et l'université). Le souci c'est que les profs sont alors soumis à une pression importante : ces étudiants n'hésitent pas à faire appel à des avocats si ils estiment par exemple que leurs résultats académiques ne reflètent pas leur niveau. En d'autre terme, chaque prof pèse bien le pour et le contre avant d'attribuer une note, tout est consigné et justifié pour pouvoir être émis comme preuve dans un tribunal... bonjour l'ambiance... Un autre point important à noter est que si ces étudiants étrangers acceptent de payer, ce n'est pas pour se retrouver dans une université de seconde zone. L'Australie compte de bonnes universités, bien placées dans les classement internationaux et bien marketées, c'est ainsi qu'elles parviennent a attirer les étudiants (essentiellement asiatiques, proximité géographique oblige). Vu le classement et le rayonnement international actuel des universités françaises, et la concurrence avec nos voisins européens, je doute qu'on parvienne a attirer beaucoup de riches étudiants étrangers...
Je précise aussi que je suis contre les classements d'université mais force est de constater que pour un étudiant étranger quitte à payer pour étudier dans un pays inconnu, le classement est souvent un critère de poids et vu qu'ici la question est de faire rentrer de l'argent dans les caisses...
En ce qui concerne les Etats-Unis et l'Angleterre, je ne comprends même pas qu'ils soient encore cités en exemple. Ces deux pays ont remplacé "le droit à l'éducation" par "le droit à l'obtention d'un prêt pour son éducation". Dans ces pays, s'inscrire à l'université représente un investissement, un pari sur le long terme. Et beaucoup d'étudiants perdent ce paris, en finissant plus pauvre encore qu'ils ne l'étaient avant ! La situation de l'Angleterre est plus que préoccupante économiquement parlant, tout simplement car les étudiants qui ne peuvent pas rembourser leur prêt créés une "dette" économique, passé un certain seuil de défaut de payement, c'est tout le système (et une partie de l'économie du pays) qui s'effondre. Il me semble qu'actuellement on est pas loin du seuil en question... Mes connaissances en économie sont très limitées mais on peut se représenter le problème ainsi :
Je souhaite faire un master, cela me coûte environ 10000 euros par an, donc je vais dépenser 50000 euros pour obtenir mon diplôme. Je prends le pari que, grâce à mon master, je vais ensuite avoir accès à un bon job, bien payé. J'ai le droit de souscrire à un prêt étudiant pour me financer, donc je m'endette de 50000 euros le temps de faire mes études. D'après ce qu'annonce les brochures de l'université et ma connaissance du secteur professionnel, j'estime pouvoir rembourser ma dette en 10 ans grâce à mon super futur job. Je suis une élève très studieuse et vis le plus simplement possible, et je termine mon master au bout de 5 ans comme prévu et commence à chercher du travail. En général, c'est là que les problèmes commencent, impossible d'obtenir un travail à la hauteur de ce qu'on m'a fait miroiter. Je finis par trouver quelque chose mais c'est bien loin des prédictions initiales. Résultat : impossible de rembourser le prêt dans son intégralité. Personnellement mon avenir prend une tournure franchement sombre, mais au niveau du pays, si le nombre d'étudiants qui se retrouvent dans la même situation que moi dépasse un certain niveau, ça devient une catastrophe économique. Et vu que tous les étudiants ont le droit de souscrire un prêt pour leurs études, que quasiment aucun étudiant n'a les moyens de payer ses études sans contracter un prêt, et que culturellement, c'est assez mal vu de ne pas aller à l'université quand on a "les capacités intellectuelles", tous les éléments pour un désastre économique sont réunis.
La vérité, selon moi, c'est que l'université française manque cruellement de moyen et que le gouvernement français n'a aucune envie de mettre plus d'argent dans l'éducation supérieure. Chaque augmentation des frais de scolarité me donne l'impression qu'on entre-ouvre un peu plus la porte qui nous mènera au système Anglais ou Américain. Pour rappel, voici en résumé ce qui s'est passé en Angleterre
- Avant 1998 pas de frais d'inscription
- 1998 introduction des frais d'inscription : 1000 £ par an
- 2007 augmentation des frais d'inscription : 3000 £ par an
- 2012 augmentation des frais d'inscription : 9000 £ par an
Et ils continuent de discuter sur d’éventuelles augmentations. Quant à la question du droit à l'éducation, les lois et discussions portent quasi exclusivement sur l'accès et le contenu des fameux prêts étudiants.
Alors oui, je flippe pour l'avenir de l'université et surtout l'avenir des étudiants (et oui, j'espère vraiment me planter dans mon raisonnement parce que ça fait peur)