J'avais les larmes aux yeux à la fin de ce témoignage, et la gorge serrée lors de ma lecture des commentaires (que j'ai du faire en plusieurs fois). Merci et courage à toutes!:test
(Je vous préviens, la suite va être longue, mais j'ai envie de dire tout ce que j'ai sur le cœur.)
J'ai aussi été victime de harcèlement scolaire. Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai été mise à l'écart. En primaire, la situation était un peu ambivalente. J'ai des bons souvenirs, des rigolades, des copains, mais je me rappelle aussi avoir été mise à l'écart, brimée et humiliée. On me disait souvent "Oh, mais c'est pas méchant!" ou bien "Défends-toi un peu, tu te laisses faire aussi..." Des choses que beaucoup d'entre vous ont entendues, je suppose, avec un grand sentiment de frustration et d'injustice comme ça l'a été pour moi. Me défendre? Je suis d'un caractère doux, et je n'ai jamais su comment répondre -quand j'essayais, c'était toujours un échec complet- et je n'ai jamais frappé (par la suite, j'ai essayé... ça n'a pas marché, au fond de moi, je ne voulais pas). Je me souviens cependant d'une récréation, où une fille m'embêtait. Je ne sais plus si j'étais allée voir l'instit qui surveillait la cour ou si elle a vu que je n'allais pas bien, mais elle a puni cette fille, en la remettant à sa place de façon très sèche, puis m'a soutenue, en me disant que j'étais très sensible, et qu'il ne fallait pas que j'y voie une tare, mais que les autres profitaient de mon caractère.
Au collège, j'avais un vague espoir que cela changerait, mais pas du tout. J'étais dans un établissement privé, dans une ville voisine, avec pas mal de nouvelles têtes. En sixième, j'ai rencontré ma meilleure amie, qui a eu un parcours similaire au mien, et encore maintenant, on parle pendant de longues heures de nos calvaires respectifs... C'est aussi en sixième que j'ai rencontré deux tortionnaires. Chacune différente dans leur genre. La première connaissait ma meilleure amie depuis le primaire, elles étaient encore assez proches à ce moment-là, mais m'a prise en grippe, et faisait continuellement des remarques à mon propos. Nous faisions toutes les deux partie de l'orchestre du collège, mais j'y étais mieux intégrée qu'elle, maintenant que j'y repense. Cependant, elle a continué à me mépriser et à faire courir des rumeurs sur moi jusqu'en quatrième. C'est à cette époque qu'elle est venue me voir, en me disant "Ma mère exige une lettre d'excuses." Je lui demande pourquoi, elle me dit "Mais parce que tu l'as insultée!" Elle avait en fait raconté à sa mère que je l'avais insultée, alors que je ne l'avais croisée qu'une seule fois... J'ai pu en parler à mes parents et à des profs, qui ont fait la lumière sur cette histoire. Et après la quatrième, je n'ai plus aucun souvenir de cette fille. Cet épisode peut paraître un peu inconséquent, et il est moindre que ce qui a pu m'arriver par la suite, et ce que vous avez raconté, mais cette fille a posé les bases de mon manque de confiance en moi, déjà bien ébranlé par la primaire, et elle a aussi contribué à ma grande solitude pendant tout le collège. Je dois dire que je fuyais souvent les gens, me cachant pour lire dans les escaliers, au CDI, dans les couloirs, même, alors que je n'avais pas le droit d'y être... mais je préférais risquer la punition plutôt que d'être confrontée aux autres élèves. A cette époque, je mangeais à la cantine, et pas ma meilleure amie, ce qui me faisait de très longues heures, seule et angoissée à la pause de midi. Je redoutais aussi les cours de sport, mauvaise, j'étais toujours choisie dans les derniers, comme ma meilleure amie, et les autres élèves profitaient pas mal de ces cours pour me harceler... trente élèves dans une grande cours, avec un seul prof pour les surveiller... c'était du pain bénit! Surtout que les profs d'EPS n'ont jamais été trop conciliants avec moi. Pas très sportive, détestant les sports collectifs, sans réelle volonté de m'intégrer, je n'avais pas grand-chose pour leur plaire, et certains m'ont refait le coup du "Mais tu te laisses faire". J'ajouterai aussi le souvenir d'un voyage scolaire en Allemagne, avec une classe d'un autre collège... Une fille de la classe au-dessus m'avait insultée et frappée pendant tout le voyage (le retour en car vers la France fut particulièrement éprouvant...), et l'une des filles qui partageaient ma chambre, aussi d'un autre établissement, se moquait tout le temps de moi. Elle m'avait enfermée dehors, elle avait éparpillé le contenu de toute ma valise dans la chambre (elle se moquait de mes soutiens-gorges, aussi, j'avais la poitrine plus développée que la majorité jeunes filles de 13 ans que je connaissais), et, quand je me plaignais, faisait son bel air innocent. Une fois, j'appelais mes parents, et, m'étant rendue compte qu'elle m'avait enfermée dehors et qu'elle me fuyait quand je lui demandais le clés, j'ai fondu en larmes, à tel point que mon père était prêt à conduire toute la nuit pour me ramener en France...
J'en viens à ma deuxième tortionnaire. Nous avons été dans la même classe pendant presque tout le collège, et elle aussi m'a immédiatement prise en grippe. Je n'ai jamais vraiment su pourquoi, mais en réfléchissant, bien après, je pense que c'était un moyen pour elle de se défendre : frapper avant d'être frappée, elle manquait de confiance en elle, avait à la maison un petit frère choyé, et était enrobée, ce qui lui faisait redouter les moqueries. Je ne lui cherche pas d'excuses, seulement à comprendre. Bref, j'ai essayé, en sixième, de me rapprocher d'elle, de lui faire comprendre que je ne lui voulais pas de mal... j'y ai presque réussi une fois. Elle avait eu (ô miracle) une attitude normale envers moi, et je lui ai dit "Tu vois, ce n'est pas difficile de me parler. On pourrait s'entendre, tu ne crois pas?" Ce à quoi elle m'a répondu oui. Le lendemain, je vais pour la saluer... elle reprend son attitude méprisante, qui ne l'a jamais lâchée, jusqu'à la terminale... Elle n'a jamais été dans la confrontation directe, mais toujours dans les remarques insidieuses, dites directement, ou juste à portée de voix... mais toujours avec un groupe derrière elle, qui reprenait ses insultes. J'ai souffert de ces remarques, reprises par un grand nombre de personnes, pendant tout le collège.
J'avais cependant, en classe, ma meilleure amie pour me soutenir. Mais en troisième, le drame. Nous avons été séparées, toutes deux dans une classe où nous avons souffert le martyre. Les gens de sa classe allaient me raconter qu'elle était folle, séchait les cours et s'enfermait dans les placards, alors que c'est eux qui l'y enfermaient... elle a pu changer de classe en cours d'année, pour rejoindre une autre de nos amies. Quant à moi, je n'ai rien fait. Une troisième tortionnaire était dans ma classe de troisième, tout comme la deuxième (combo! et avec plein de suiveurs en plus), et c'est elle qui m'a fait le plus souffrir. Elle aussi était dans les remarques insidieuses, l'effet de groupe, et même la violence physique. La prof de français avait remarqué mon isolement, avait donné à ma mère l'adresse d'une psychologue... à laquelle je racontais que tout allait bien, pour ne pas inquiéter ma mère (oui, c'était très intelligent de ma part). Elle m'a quand même diagnostiqué une dépression, je me doute bien que je ne trompais pas grand-monde. Ma mère m'avait inscrite à un cours d'aïkido, espérant que la pratique d'un art martial m'aiderait à me défendre/à prendre sur moi. J'ignore si ç'a été efficace, mais ce fut bénéfique. Ma mère s'inquiétait beaucoup pour moi, et, si mes résultats ne baissaient pas, elle m'entendait souvent pleurer, essayait de me faire parler... je ne me suis ouverte que vers la fin de l'année, quand la troisième tortionnaire m'a agressée avec un extincteur. J'ai craqué à ce moment-là, je suis allée voir la vie scolaire... Au final, cette fille n'a eu qu'une remontrance, pas de retenue, ni rien! "Oui, mais elle s'en va l'année prochaine, et c'est la fin de l'année, alors bon..." Alors que ma meilleure amie était passée en conseil de discipline à cause de calomnies!
L'année de troisième est celle que j'ai le plus mal vécu, j'étais isolée, au plus mal, avec des idées suicidaires...
Les choses se sont un peu arrangées au lycée, alors que je n'ai pas changé d'établissement. Ma parents m'ont offert un scooter pour mes quinze ans, et j'ai enfin pu rentrer chez moi le midi, et je pense que ça été un grand soulagement. J'étais dans une classe totalement renouvelée en seconde, et je suis entrée dans une phase "Je traîne dans mon coin et je me fous de m'intégrer ou non", et on m'a plutôt foutu la paix. Plutôt, car je subissais des échos de mon collège, jusqu'à la terminale... Le reste du lycée, pas mal de gens ont été sympas avec moi, sans que l'on devienne amis, car je ne cherchais pas du tout à m'intégrer et à me fondre dans le moule.
J'ai quitté le secondaire avec joie, pour entrer dans le supérieur, où je me suis épanouie. J'ai d'abord intégré une école avec test d'entrée, et je savais que je ne rencontrerais que des nouvelles personnes. Je me suis construit un cercle de très bons amis, et j'ai rencontré des tas de personnes formidables. Cette année, j'ai également intégré une fac, pour commencer, en parallèle de mes études de muséo, une licence d'arabe. J'avais une énorme appréhension, retrouver quelqu'un qui était avec moi au collège.
Depuis le début de mes études supérieures, je repense à tout ce qui m'est arrivé, et j'ai encore des crises d'angoisse, des rechutes quant à ma confiance en moi... même si j'essaie de me convaincre que je suis une guerrière*, que je fais les études que j'ai toujours voulues, il reste des choses enfouies. J'ai croisé plusieurs fois ma deuxième tortionnaire dans les transports. En première année, mais je ne me suis aperçue de sa présence qu'en descendant à ma station, en deuxième année, mais elle était avec sa mère, que je ne voulais pas mêler à nos histoires, et... au mois de mars. Pendant tout ce temps, je voulais lui faire savoir combien elle m'avait fait souffrir, et l'occasion se présentait à moi. Elle était à quelques sièges de moi dans le RER qui m'emmenait à Paris. J'avais la tête qui tournait, le cœur qui battait à tout rompre. J'ai prié pour qu'elle descende au terminus, comme moi, et, miracle, ce fut le cas. Nous sommes descendues en même temps sur le quai, je l'ai abordée, en lui demandant si elle se souvenait de moi. Elle m'a souri, a voulu m'embrasser en me demandant comment j'allais. Je lui ai tout de suite dit, de façon calme et posée, qu'elle avait pendant toutes ces années fait de ma vie un enfer, et que je voulais qu'elle le sache, et qu'elle vive avec ça. Qu'elle fasse de cette information ce qui lui plaise. Elle a eu l'air interloqué et gêné, et m'a souhaité bonne continuation, en balbutiant. Je suis sortie de la gare le pas léger, en pleurant presque de joie.
Malheureusement, tout a des revers. Je l'ai aperçue à la fin mars, dans les couloirs de ma fac. Les résultats des examens étaient encore affichés, et je suis allée vérifier si son nom était sur les listes : c'était bien elle. J'ai passé deux jours absolument terribles, à raser les murs, redoutant de tomber à nouveau sur elle, pleurant, totalement angoissée. J'ai eu la présence d'esprit d'en parler à mes amis proches, et à des élèves de mes cours de fac, qui m'ont soutenue et se sont révélés très attentifs. Je me suis ressaisie, mais les souvenirs sont remontés très vivement à la surface, et j'ai été un peu sonnée. Je ne sais pas trop quoi en penser après coup... Un ami me disait que c'était une épreuve qui m'était envoyée, je me disais plutôt que c'était un hasard nécessaire. J'ai finalement choisi de voir cet hasard comme une épreuve qu'il me fallait surmonter, et je l'ai fait. Je peux au moins dire qu'elle m'a apporté de ne plus avoir peur du passé, même s'il fait encore très mal.
Courage à toutes. Vous êtes merveilleuses.
*en plus, je monte à cheval et sais à peu près manier une épée et un bâton de combat