Ce qui serait intéressant, au delà de tous les témoignages de harcèlement, ça serait que chacune précise un peu ce qui l'aurait aidée à l'époque de la part des adultes. Comme plusieurs l'ont déjà dit, en tant que prof on n'a AUCUNE formation systématique sur le harcèlement en formation initiale, et c'est souvent très difficile de repérer les situations de harcèlement et de savoir comment agir, surtout quand on débute. Je fais en fonction de mes souvenirs du collège (je ne force jamais des élèves à travailler ensemble s'ils ne veulent pas sauf si pb de discipline, j'autorise des élèves à travailler seuls plutôt qu'en binôme, j'essaye de ne pas laisser passer les moqueries,..) mais connaître ce que vous vous auriez attendu des profs, ça m'intéresse !
Edit : Merci
@Dame Verveine pour les conseils !
En parler.
Je ne crois pas qu'il y ait meilleure moyen d'aider les élèves en situation de harcèlement qu'en en parlant
de manière générale à toute la classe. En tenant lors d'une occasion un discours à ce sujet afin de les y sensibiliser, et en surveillant les élèves les plus sensibles.
Dire à la classe de manière générale que si un jour l'un d'eux a un problème, il ne faut pas hésiter à venir en parler, ou que si un jour un camarade se rend compte qu'un élève est en danger, il n'hésite pas à venir le dire, parce qu'il ne faut pas sous-estimer le pouvoir du dialogue, et que ça peut vraiment, mais vraiment faire la différence et sauver.
C'est ce qu'il s'est passé de mon côté. J'ai envie de raconter ça, parce qu'il n'y a pas que des profs de merde qui ne savent pas comment réagir, mais qu'il y aussi des profs géniaux et concernés sachant prendre les choses en main.
Il y a maintenant deux ans, j'entrais en seconde. Une classe d'une trentaine d'élèves, pas forcément tous super sympas, avec une
ambiance un peu déchirante. Des élèves réservés, timides, dont une camarade de collège.
Je me suis très vite crée un groupe de copines sympas. On s'est rapprochées de cette camarade, mais elle était très réservée et distante...
Elle ne prenait pas beaucoup la parole en classe, et quand elle la prenait, comme en cours d'espagnol c'est arrivé, elle se faisait moquer d'elle par un groupe de personnes - principalement des filles. Elle, c'était une grande perche, toute timide, objectivement pas très jolie, adroite et mal habillée, le genre de fille qui devient d'emblée la risée et la victime, de par sa faiblesse, son air de laisser-aller et les normes auxquelles elle ne correspond pas.
Suite à cet évènement en cours d'Espagnol, deux filles de mon groupe d'amies sont allées en parler à notre prof principale, une jeune prof de maths extrêmement sérieuse et compétente...
Elle a décidé de prendre les choses en main.
Un jour, avant un cours, elle nous a glissé discrètement, à mes amies et moi, qu'elle
voulait nous voir à la fin de l'heure.
À la sonnerie, les autres ont quitté la salle, et mes deux amies et moi, discrètement, nous sommes restées comme la prof nous le demandait.
Pendant 15 mins, notre prof a tenu à échanger avec nous au sujet de ladite élève moquée. Elle nous avait expliqué qu'elle essayait d'entrer en communication avec la fameuse élève mais que c'était peine perdue, qu'elle n'arrivait pas à lui parler... Suite à l'alerte de mes deux amies, elle avait même pris contact avec la CPE pour voir ce qu'elles pouvaient faire.
Ce jour-là, elle nous parlait sincèrement pour avoir des informations et tenter de comprendre, et surtout pour nous incomber, nous, en tant que filles faisant partie du "
groupe gentil" de la classe (c'est un peu comme ça qu'elle le disait, vraiment), de rester avec cette élève le plus qu'on pouvait, parce qu'
elle s'inquiétait, et avait peur que ça "finisse mal". Ce soir-là, on avait donc échangé un bon quart d'heure avec notre prof principale, de l'ambiance de la classe en général et de ce cas particulier (c'était juste avant le conseil de classe, alors elle voulait le maximum d'infos sur les élèves qui perpétraient ces moqueries).
Par la suite, elle a pris le taureau par les cornes. À plusieurs reprises, en classe,
notre prof a tenu à parler de harcèlement. D'un ton ferme, elle a discouru pour rappeler que c'était très grave, qu'elle ne plaisantait pas avec ça et qu'elle ne voulait plus entendre parler de moqueries dans cette classe.
À aucun moment elle n'a mentionné de nom, jamais elle n'a dit qui pouvait avoir parlé,
elle n'a jamais évoqué dans les détails l'histoire. Non, elle
a simplement parlé de manière générale, juste pour dire: "
Ok, stop. Je SAIS ce qu'il se trame dans cette classe, et je veux que ça cesse. Pas de harcèlement dans cette classe de 2nde, ou ça finira très mal pour vous.", et elle en a profité pour lancer un message de tolérance en nous rappelant que
le vivre-ensemble c'est important, qu'on avait un an à passer ensemble, qu'elle ne nous demandait pas de nous aimer, juste de nous comporter de manière
responsable et mature, comme on serait amenés à le faire à l'avenir, parce que (comme elle le rappelait si bien),
on est toujours obligés de travailler avec des gens qu'on apprécie plus ou moins - parfois plus moins que plus.
On a eu beaucoup de chances d'avoir une prof principale aussi à l'écoute, attentive et impliquée dans cette cause. Je sais que ce n'est pas toujours le cas. C'est pourquoi je voulais en parler.
Si cette histoire peut faire prendre conscience à certains, profs comme élèves, qu'il y a toujours moyen d'agir, tant mieux. Profs, n'hésitez pas à en parler, à échanger avec un élève si vous avez l'impression que ça ne va pas, ou à passer par le biais de ses camarades. Élèves, n'hésitez pas à essayer d'aller voir vos profs,
ils sont aussi là pour ça. Je sais qu'ils ne sont pas tous fiables comme avait pu l'être la mienne malheureusement, mais
essayez. Si vous sentez qu'un élève est en danger, parlez-en. Je n'ai pas témoigné ici de mon cas personnel mais j'ai moi-même vécu le harcèlement et c'est très douloureux, et on n'en sort jamais vraiment indemne (...aujourd'hui, je tombe souvent dans la paranoïa:
quand j'entends quelqu'un rire derrière moi dans la rue, je suis persuadée que je suis le sujet de cette marrade, et ces années de moqueries m'ont fait
perdre toute aisance et toute réelle confiance en moi).
Tout ça pour dire que
cette prof était géniale, et
sa réaction l'était tout autant, et qu'
on a bien fait d'en parler: si vous voulez tout savoir, aujourd'hui, ladite élève harcelée fait partie de nos plus proches camarades. Je la fréquente beaucoup plus maintenant et elle va très bien, on est là pour elle de toute façon, et sous ses airs timorée, elle a en vérité
beaucoup de caractère...
En clair, le plus important à mes yeux, comme pour tout...
C'est d'en parler.
Vraiment.
** merci de m'avoir lue !