Quand je suis arrivée en 6e, je me suis retrouvée du reste de mes copains de primaire. Pourtant, j'étais plutôt confiante! J'étais assez ouverte et bavarde pour me faire des copains rapidement. Sauf que je suis tombée dans un collège de quartier pourri. En gros, croyez-le ou non, mais mon plus grand tort a été d'avoir des bonnes notes et d'être blanche. Hé oui, les 3/4 du collège était composé de gens de couleur. Et je n'ai jamais compris pourquoi, mais quand je suis passée première de la classe devant une fille d'origine maghrébine, ça a mis en colère pas mal de monde. Il y avait un petit groupe de filles qui prenait un plaisir fou à m'emmerder: on me tirait les cheveux à tout moment, même en classe, je me suis pris des claques, des insultes... A chaque fois que j'arrivais à me faire une amie ou deux, elles invitaient des rumeurs pires que les autres sur moi. En quelques mois, je suis passée de fille hyper ouverte et optimiste à la gamine terrorisée qui se planquait pour ne pas se faire frapper. J'ai longtemps pas osé en parler à ma mère. A l'époque, mon père était parti, et on n'avait quasiment pas de ses nouvelles (ce qui était déjà bien car avant ça, il avait disparu pendant plusieurs mois).
Un jour, j'en ai eu marre, j'ai fait une connerie. Le genre de conneries qu'on fait quand on a l'impression que y aura jamais de lumière au bout du tunnel et qu'on est une merde. A l'époque, je rentrais en courant de chez moi de peur qu'on me suive. Je séchais des cours de peur de me faire tirer les cheveux, ou insulter. Mais j'ai pas été au bout de ma connerie. Parce que j'en avais pas le courage, ou peut-être parce que j'ai réalisé que ça ferait beaucoup de mal à ma maman, ou parce que j'ai pensé à mon petit frère. Du coup, ce jour-là, j'ai beaucoup pleuré, et j'ai craqué devant ma mère. Je lui ai tout raconté: les coups, les insultes, les rumeurs, les claques.... J'ai même avoué que j'avais séché des cours, et que je n'allais plus à la cantine de peur de me prendre des croche-patte ou qu'on me jette de la nourriture dessus.
Honnêtement, je m'attendais à me faire engueuler. Au lieu de ça, ma mère a bien été furieuse, mais contre le collège. Elle a aussitôt demandé un rendez-vous avec le directeur. Et là, j'ai entendu la plus énorme connerie de ma vie. Lorsqu'elle lui a raconté ce qui m'arrivait, il est reté hyper stoïque, avant de lui sortir cette phrase que je n'oublieras jamais: "Elle a d'excellentes notes madame. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème."
Autant vous dire que ma mère est entrée dans une colère noire. Mais le directeur n'a pas plié. Pour lui, les enfants à problèmes avaient de mauvaises notes. Mais tant qu'on avait de bonnes notes, il n'y avait pas de problème. Et surtout, il n'y avait aucune raison de nous transférer ailleurs. Avec maman, on a vite compris qu'il voulait garder les élèves à bonnes notes pour améliorer le niveau de son établissement pourri, et se fichait des élèves. Or, même si on lui prouvait par A+B que je me faisais harceler, tant que j'avais la plus haute moyenne de toutes les classes de 6e réunie, il était hors de question que je suis transférée. Ça, c'était un adulte vraiment pourri.
Après ça, j'ai sérieusement envisagé d'enchaîner les copies blanches pour larguer ma moyenne en chute libre. Mais maman a insisté pour que je continue. Elle m'a promis de me transférer pour ma 5e, même si elle devait payer un collège privé. En attendant, elle a insisté pour que je tienne bon. Elle m'a même autorisé à riposter si on m'embêtait ( à l'époque, je pratiquais le judo, mais je n'avais jamais osé m'en servir), puisque apparemment, je ne risquais pas d'être virée. On a remplacé la cantine par des déjeuners chez ma mamie, et j'ai eu un portable pour appeler ma mère en cas de problème (j'ai souvent eu le droit de quitter le collège plutôt, même en séchant des cours). Bref, j'ai tenu encore 5 mois, mais avec la promesse que j'allais quitter ce collège pourri, ça allait.
Finalement, ironie du sort, je n'ai pas été dans le collège où mes amis étaient faute de place, mais dans un privé, et c'était génial. Surtout que ma maman s'est débrouillée seule pour me le payer, raison de plus pour avoir de bonnes notes (et cette fois, j'ai pu être tête de classe sans me faire taper dessus!). Ironiquement, la fille qui m'emmerdait le plus en 6e, a atterri dans le même collège que mes amis après avoir été virée de l'ancien! Aucune idée de comment elle a fini, si ce n'est qu'elle a continué à répandre des rumeurs sur moi à mes anciens amis. Mais dans mon nouveau collège, tout s'est bien passé. Même si j'étais première de la classe, personne ne me l'a jamais reproché. J'étais même déléguée, et j'ai empêché un des garçons de ma classe de se faire virer: après ce que j'avais vécu, je savais la différence entre quelqu'un qui a des problèmes, et quelqu'un qui en cause aux autres.
Même si je ne souhaite à personne ce qui m'est arrivé, ça fait mûrir. Mon frangin, lui, ne s'est jamais laissé emmerder, même si certains ont essayé!
Bref, tout ça pour dire que même si c'est vrai que certains adultes ont des réactions nulles, je vous souhaite vraiment de trouver ceux qui pourront vous aider. Pour moi, ça a été ma maman bien sûr, mais aussi mon prof de judo qui m'a expliqué que je ne devais jamais blesser quelqu'un plus que moi-même, même si j'en avais l'envie et la possibilité, et ma mamie qui m'a écouté quand j'avais besoin d'exulter tout ce que j'avais sur le cœur.