Je suis peut être un gros snobinard de khâgne classique mais il y a un nombre immense de pointe sur lesquels je ne suis pas d'accord.
Commençons par le commencement : pour moi la bédé, les comics et le manga ça n'est pas de la littérature. C'est ni mieux ni moins bien, c'est autre chose, une autre forme d'expression artistique, avec ses codes, ses classiques, ses genres. Leur déclassement par des profs de français à chignon épingles n'est pas seulement du mépris mais aussi à mon sens une erreur.
(c'était mon objection la plus simple).
En ce qui concerne l'apprentissage de la lecture, oui, ça me semble essentiel de savoir lire, parce qu'une langue est une langue de culture et de communication, et savoir lire rentre dans la communication. La lecture dont on parle ici c'est la lecture en tant que culture, ce qui est différent.
Troisièmement, pour parler de la qualité littéraire d'un livre, je pense comme d'autres ici que le relativisme culturel n'est pas fructueux. Il faut des oeuvres de référence, qui le sont pour une foule de raisons qui ne sont pas seulement "parce que ça fait bien de lire des vieux bouquins". Balzac, Zola et autres Moliere sont des classiques parce que ce qu'ils ont écrit est génial, que ça continue à nous parler aujourd'hui, que les procédés d'écriture sont novateurs ou au contraire parce qu'ils sont les meilleurs dans leur genre.
Alors oui on aime pas toujours mais je pense qu'il faut savoir faire preuve d'un minimum de jugeote pour distinguer ce qu'on aime ou pas de ce qui est bon ou pas. Je déteste Celine et son Voyage au bout de la nuit (classique de chez classique). Pourtant je reconnais que c'est vraiment du génie, que personne n'écrit ça et n'écrit comme ça, qu'il a vraiment apporté un truc géant à la littérature. A côté de ça je me suis moins enquiquiné à la lecture de twilight, mais je reconnais tout à fait que c'est un livre beaucoup moins bon, moins bien fait et moins profond.
Dernièrement, il me semble normal de préférer la littérature contemporaine (pas celle qui est publiée en dix exemplaires dans lez cercles snobs hein, mais l'autre, celle qui se vend bien) pour deux raisons : premièrement elle est plus facile d'accès (à lire, à acheter, à connaître) parce que les écrivains sont beaucoup plus poussés à écrire pour le lecteur et pour qu'il accroche, et deuxièmement parce qu'elle contient des références culturelles et évolue dans un milieu qui nous est familier parce que c'est notre réalité (contrairement à Balzac ou Zola) ou parce que le monde imaginaire qui est décrit à un fonctionnement connu, des lois que l'on connaît (les vampires, on sait comment ils fonctionnent, les elfes et les dragons aussi. On est de moins en moins familiers avec la mythologie grecque très pointue telle qu'elle est mise en scène dans les tragédies classiques). Enfin d'un point de vue de la langue, même une écriture compliquée peut être plus accessible parce que le vocabulaire et les structures sont les nôtres. Donc la vraie question à mon sens c'est : est ce que l'on trouve Balzac chiant parce que c'est nul ou parce qu'on a été conditionnés par nos autres lectures et notre vie contemporaine d'une manière qui rend sa lecture difficile ? Avec un peu de recul et d'humilité, je répond sincèrement à cette question par : j'admets que j'ai pas envie de faire d'efforts et que c'est pour ça que je préfère Harry Potter.
(après je ne souscris pas à cette idée que la littérature est un bien de consommation qu'on aime ou pas, qui est avant tout faite pour le plaisir. Pour moi c'est tellement plus riche et profond que ça en fait, que j'ai tendance à ne pas être d'accord avec les argumentaires sous tendus par l'idée que lire = plaisir avant tout et donc chacun son échelle de plaisir)