Donc si une bombe explose à côté d'une mosquée, mais que par hasard elle ne tue qu'un couple de touristes qui passaient par là, le crime n'est pas islamophobe? Interesting...
Trois des victimes sont les malheureux colocataires qui sont morts parce qu'ils étaient dans le chemin.
Le tueur est ensuite allé droit vers une SORORITE, a martelé la porte, mais comme les habitantes n'ont pas ouvert (il aurait fallu qu'elles le fassent et soient massacrées pour vous convaincre de la misogynie du type?), il a alors tiré sur trois filles de la sororité qui arrivaient, puis sur un couple, et enfin il s'est enfui en canardant dans le tas (d'où la quatrième victime masculine) et en renversant les piétons sur son chemin. Donc oui, il me semble que la motivation initiale était bien une vengeance misogyne (notamment envers les étudiantes "blanches et blondes" qui selon lui adorent martyriser les mecs en les aguichant puis en les repoussant: "My War on Women. ... I will attack the very girls who represent everything I hate in the female gender: The hottest sorority of UCSB".)
Je suis d'accord pour dire que Rodger souffrait d'une grave instabilité psychologique qui a joué un rôle important dans son passage à l'acte (je pense à mon avis qu'elle a aussi joué un rôle dans ses problèmes sociaux, puis dans sa manière de gérer et d'interpréter le rejet). Je suis d'accord aussi pour dire que globalement il haïssait l'humanité.
Mais la part de misogynie est fondamentale (ou plutôt, les vices d'un système de pensée machiste poussé à l'extrême). Même lorsqu'on analyse sa haine de l'humanité, on se rend compte que c'est connecté aux rapports hommes/femmes: il voulait tuer sa famille, notamment son frère... qui avait "osé" perdre sa virginité, lui. Bref, il était obsédé par les femmes:
"Tomorrow is the day of retribution, the day in which
I will have my revenge against humanity, against all of you. For the last eight years of my life,
ever since I hit puberty, I've been forced to endure an
existence of loneliness, rejection and unfulfilled desires all
because girls have never been attracted to me. Girls gave their affection, and sex and love to other men
but never to me".
Il me semble aussi que la part de racisme a un rôle... mais pensé en grande partie à travers le prisme des "privilèges" qu'ont les "races" dans leur accès aux "femelles".
Il haïssait les noirs parce qu'ils séduisaient toutes les filles blanches alors qu'ils étaient des sous-hommes à ses yeux:
"How could an inferior, ugly black boy be able to get a white girl and not me? I am beautiful, and I am half white myself. I am descended from British aristocracy. He is descended from slaves. I deserve it more."
Envers les Asiatiques, c'est encore plus mindfuck, car lui-même était à moitié asiatique. Or, un asiatique est considéré comme un sous-homme sur le plan de la séduction, il ne peut pas être un mâle alpha:
"Full Asian men are disgustingly ugly and white girls would never go for you. You're just butthurt that you were born as an asian piece of shit, so you lash out by linking these fake pictures. You even admit that you wish you were half white. You'll never be half-white and you'll never fulfill your dream of marrying a white woman. I suggest you jump off a bridge"
Elliot détestait donc les Asiatiques, dont ses colocs qui étaient apparemment de répugnants mâles bêtas à ses yeux:
- "These were the biggest nerds I had ever seen, and they were both very ugly with annoying voices.”
- “If they were pleasant to live with, I would regret having to kill them, but due to their behavior I now had no regrets about such a prospect. In fact, I’d even enjoy stabbing them both to death while they slept.”
Et ses propres origines asiatiques le rendaient amer car il était persuadé qu'elles le freinaient dans ses relations avec les filles:
“I always felt as if white girls thought less of me because I was half-Asian.”
Pour lui, seule la race blanche avait tous les droits:
"On top of this was the feeling that I was different because I am of mixed race. I am half White, half Asian, and this made me different from the normal fully-white kids that I was trying to fit in with. I envied the cool kids, and I wanted to be one of them."
D'où le fait qu'il jalousait les gens plus blancs que lui car ils avaient des "privilèges" qui auraient dû lui échoir, lui aussi se sentant blanc ("British aristocracy").
Et en tant que blanc, il méritait donc les filles autour de lui et percevait les rejets comme une injustice envers ses droits (certains appellent cela "aggrieved whitemale entitlement syndrome").
Donc d'une part il haïssait les filles qui le rejetaient, notamment la première qui avait osé l'ignorer à l'âge de 10 ans: “I started to hate all girls because of this. I saw them as mean, cruel and heartless creatures that took pleasure from my suffering.” Ils les haïssait aussi parce qu'elles étaient trop bêtes de s'enticher des bad boys au lieu de sortir avec un gentleman comme lui, c'est pour ça qu'il rêvait d'enfermer les femmes dans des camps pour obliger les unes à épouser des hommes "biens", les autres à crever de faim.
D'autre part il haïssait les autres hommes car ils arrivaient à pécho alors que lui, pourtant un "alpha" de par son sang et son physique, il ne pouvait pas.
A mon avis, Elliot Rodger est un condensé de symptômes résultant de pensées malades de la société:
- Certaines "races" méritent le succès social plus que d'autres
- Dans la vie vaut mieux crever si t'es pas un "alpha"
- Si t'es en plus vierge, raison de plus pour crever
- Quand tu es un "alpha", personne, et surtout pas les femmes, n'a le droit de te rejeter
- Il est normal de rejeter les gens étranges et différents (Elliot était victime de bizutage)
- Une réponse violente et des gros pistolets sont une bonne thérapie pour regagner ta virilité et ton honneur bafoué (bon ça on nous le dit pas explicitement, mais il me semble que c'est clairement intégré dans l'inconscient collectif)
Après, NON, dire que la pensée du tueur s'est façonnée au travers d'une pensée sociétale machiste (et blanche il faudrait rajouter) ne signifie pas que tout le monde va se mettre à faire comme lui. Il faut la réunion exceptionnelle de facteurs ordinaires pour qu'un crime extraordinaire se produise.
Néanmoins, je pense que nous héritons des "névroses" de la société, et que nos tueurs sont les symptômes les plus visibles d'une société à la pensée collective malade. Chez les gens plus "sains", cette maladie s'exprimera autrement.
Mais que l'on regarde à une plus petite échelle, et l'on verra que des femmes sont bel et bien tuées et violentées parce qu'elles ont osé résister à "l'alpha", et je doute que tous leurs criminels soient aussi dévastés psychologiquement qu'Elliot.
De ce que j'ai pu voir autour de moi, avec des personnes que j'ai connues, il suffit de l'addition machisme+alcool/colère/problèmes de confiance en soi pour avoir comme résultat=> immolation/agression au couteau/viol/coups, etc.
Je termine sur le lien de l'article de Denis Colombi
http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2014/05/portrait-du-tueur-en-mec-normal.html
"Mais quelques soient les traits "exceptionnels" que l'on pourra trouver au tueur, il ne faut pas perdre de vue qu'il était aussi un mec normal. Et que son geste n'était que la poursuite d'une haine banale des femmes par d'autres moyens...
C'est ce dont la tuerie de Santa Barbara devrait nous faire prendre conscience : la normalité de cette haine des femmes qui s'est exprimée, cette fois, sur un mode extrême."
P.S: Merci pour l'article, avec tout mon pavé j'avais oublié de le dire