flotsam;4563495 a dit :
Personnellement ce qui me "dérange" dans l'exercice de la fanfic', c'est le fait de s'approprier, voire de modifier une œuvre qui existe déjà, que ce soit pour faire perdurer une saga terminée, ou revenir sur des éléments qui ont déplu (au niveau du dénouement ou des relations entre les personnages par exemple). Ça n'enlève rien à l'éventuelle qualité d'écriture que ces textes peuvent avoir, mais pour ma part ça ne m'intéresse pas de voir l’œuvre de quelqu'un reprise par ses fans, même avec toutes les bonnes intentions du monde. C'est la vision de l'auteur qui m'intéresse, la façon dont il mène et termine son œuvre, pas la façon dont ses lecteurs retransforment ses idées. En ce sens, je comprends George R.R. Martin qui qualifie ça de lazy writing. Si ces personnes ont des qualités d'écriture, ou même un attrait pour ça, elles feraient mieux selon moi de créer leurs propres univers, leurs propres histoires.
Je trouve ta position très intéressante parce que personnellement, j'ai la position totalement inverse et je trouve finalement bien de rencontrer des avis contraires. Selon moi, à partir du moment où l'auteur/créateur décide de livrer une oeuvre à un public, elle cesse déjà un peu de lui appartenir, elle devient oeuvre interprétée. En fonction de ses références culturelles/personnelles, ses aptitudes, gout, son pays, son époque, on ne va pas apprécier une oeuvre pour les mêmes raison, on ne va pas y trouver les mêmes choses. Et je trouve que c'est justement la beauté des œuvres de fictions, le fait que tout un chacun parle, dissèque, analyse une oeuvre. Le franchissement de cap que constitue la fanfiction est une étape supplémentaire, mais que je trouve franchement intéressante.
Pour revenir sur les arguments de R.Martin, des auteurs reconnus comme des écrivains à part entière ne sont pas les créateurs de leurs personnages et de leurs univers. Virgile dans l’Eneide, n’inventa pas le personnage d’Enée, qui était un personnage présent dans l’Odyssée d’Homère. Shakespeare n’inventa pas Romeo et Juliette, ni le Roi Lear, ce sont des emprunts historiques, littéraires, légendaires, transmis par une culture longtemps orale et qu’il s’est alors permis d’emprunter. Brecht et Anouilh, se sont réappropriés Antigone, ou Racine a écrit sur la Phèdre antique.
Alors je n'irai jamais jusqu’à dire que Giraudoux, Virgile et les autres ont produits des fanfictions avant l'heure. Ce n'est pas les mêmes caractéristiques, mais il n'est pas interdit de constater que les deux formes viennent du même endroit.
D'ailleurs des séries comme Sherlock, Elementary, et toute une brouette d'adaptation de tout un tas de classique pourrait rentrer dans la case des fanfictions. Elles partent d'une œuvre qui a été détourné. Un matériel de départ que des auteurs, scénaristes, etc... se sont donné le droit de modifier. Une série comme Doctor Who est aussi hyper intéressante, parce qu'elle a été/est dirigé par d'anciens fans, dont l'un a réutilisé le scénario d'une de ses fanfictions d'ado pour un épisode. En fait, je trouve ça assez fascinant
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. Que les œuvres soient poreuses, qu'elles puissent à ce point êtres mouvantes, réinterprétées.
C'est pour ça que le
lazzy writting de Martin me gêne un peu. Je comprends sa position sur les fanfictions, je la respecte, mais je trouve sa vision de la création un peu étriquée. Bon, c'est sur le ton de l'humour, mais Giraudoux a écrit " Le plagiat est la base de toutes les littératures, excepté de la première, qui d'ailleurs est inconnue." et je trouve que finalement, ça fait un peu relativiser la notion de création "pure".
Sinon j'aime beaucoup ta citation de Jenckins
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( il a un peu été un de mes dieux durant mon mémoire, d'ailleurs