Si jamais ça peut servir d'inspiration à qui que ce soit qui aurait envie d'écrire à son sénateur/député mais n'aurait pas trop de temps pour réfléchir au texte, voici celui que je viens d'envoyer à la personne élue chez moi :
Chèr/e M/me XXX,
Citoyenne de XXX, j'ai récemment appris que vous aviez participé à un mouvement au sein du Sénat visant à saisir le conseil constitutionnel pour demander le maintien de la mention de "la détresse de la femme" dans la loi concernant l'avortement.
J'ai été très émue par cette information. Le droit pour une femme à la maîtrise de son corps et de sa fécondité est pour moi l'un des droits les plus importants à avoir été conquis au cours du XXème siècle. La possibilité de décider de ne pas tomber enceinte, ou le cas échéant, de ne pas mener une grossesse à terme (les moyens actuels, ainsi parfois que les manques au niveau de l'éducation sexuelle, ne permettant pas à coup sûr d'éviter une grossesse non désirée) fait partie des acquis qui ont, plus que tout autres, permis aux femmes d'assumer une place importante dans la société contemporaine, et de travailler à la conquête d'une égalité qui, je l'espère, se réalisera pleinement un jour.
La mention de la notion de "détresse" est pour moi un anachronisme, qui n'a certes pas de conséquences pratiques à l'heure actuelle (comme il est noté dans la saisine, les médecins n'ont pas la possibilité de juger si la détresse leur paraît suffisamment grave pour avorter). Cependant, les conséquences qu'elle pourrait avoir portent potentiellement atteinte au droit fondamental à disposer de son propre corps. Le mot de "détresse" est extrêmement vague (motif qui a justement suffi à faire abroger la loi sur le harcèlement sexuel il n'y a guère), et sous-entend que dans certaines situation, où la "détresse" ne serait pas suffisante, le choix de l'avortement pourrait ne pas être légitime.
Une femme devrait pouvoir être seule à juger, en son âme et conscience, de la légitimité de ses choix en matière de reproduction. Le mythe de "l'avortement de confort" propagé par le Front National n'est basé sur aucun fait sérieux ; la contraception n'est pas infaillible, l'erreur est humaine également, ainsi que le manque d'information, mais aucune femme ne fait le choix délibéré de l'avortement par "paresse", ou "confort" (comment peut-on d'ailleurs penser que la procédure médicale que constitue l'avortement est plus "confortable" que la prise de contraceptifs?). Quelles que soient les raisons qui motivent le choix d'avorter, ou les négligences qui peuvent parfois mener certaines femmes à le faire, conserver des termes tels que "détresse" qui rendent potentiellement irrecevables les choix des femmes ne peut que leur causer du tort. Le respect de la vie ne peut se faire sans le respect de la vie des femmes. Le choix d'interrompre une grossesse est un choix hautement personnel, qui ne peut faire intervenir un jugement extérieur sur la qualité de la détresse dans laquelle elles se trouvent.
En tant que citoyenne et en tant qu'électrice, je vous demande donc, avec tout le respect que je vous dois, de renoncer à cette saisine qui ne saurait avoir de résultats positifs pour les femmes ou la société française.
Je vous prie d'agréer, M/me X, l'expression de mes meilleures salutations,
Y.