Je suis professeur et j'ai une classe très difficile, avec très peu de filles, dans laquelle il y a des problèmes de harcèlement. Je m'en suis douté dès le début d'année, je sentais certaines filles craintives face aux commentaires de quelques garçons, j'ai pris l'initiative de leur en parler et elles m'ont assuré que tout allait bien.
Deux mois plus tard, pourtant, l'une est venue me parler pour me dire qu'elle se faisait insulter en permanence par un autre élève, qui lui disait "T'es moche", "Salope", et autres joyeusetés... Je suppose qu'elle est venue se confier à moi parce qu'elle se sentait en confiance, étant donné que je lui en avais déjà parlé, mais certains n'oseront jamais en parler au prof. Je suis tombée des nues quand elle m'a donné tous les détails : oui, ça se produisait en cours de français, oui devant moi, sans que jamais, JAMAIS, je n'ai pu entendre ce garçon lui dire ces horreurs ! J'avais eu des soupçons mais si elle ne s'était pas confiée, je n'aurais pas pu les confirmer car l'élève en question est très vicieux et parvient à faire ça sans qu'on puisse le prendre en flagrant délit. Le pire, c'est quand elle m'a raconté que ça s'était également produit pendant le conseil de classe (ils sont les deux délégués) : il l'insultait, devant nous les professeurs, mais également le principal, les parents d'élèves qui étaient assis à côté d'eux !! Les voyant chuchoter, qui aurait pu imaginer qu'elle se faisait tranquillement insulter devant tout le monde, en toute impunité ? On imaginait qu'ils commentaient certains problèmes évoqués pendant le rapport...
Bref, j'ai réagi comme il se doit : rapport d'incident dans lequel j'ai noté tous les faits précis, le prof de maths s'est également impliqué pour compléter mon rapport, qu'on a signé et amené au chef d'établissement afin qu'il prenne une sanction à la mesure des actes. Nous avions demandé que cette sanction soit une exclusion, au moins temporaire, et une destitution du rôle de délégué (illégal vous allez dire mais il apparaissait inadmissible qu'un tel élève puisse continuer son rôle...). Pas de nouvelles pendant deux semaines, trois semaines.... Et finalement, le rapport nous revient : l'élève coupable a simplement eu une "admonestation". Ouais, en gros le principal l'a grondé, et voilà. Rien d'autre. Je suis dégoûtée, désolée pour la pauvre élève qui voit que les coupables ne sont pas punis, effarée par ce manque de courage de la part de ceux qui ont du pouvoir dans l'établissement.
Alors voilà, oui on peut être prof et être au courant, mais si au-dessus ça ne suit pas, on n'a aucun pouvoir. Je n'imagine pas une seconde qu'une heure de colle puisse changer quelque chose dans un cas de harcèlement. Alors voilà, à mon moindre niveau, j'ai isolé le harceleur dans la classe pour qu'au moins, en cours de français, les élèves se sentent en sécurité, j'ai expliqué longuement la différence entre une simple dispute de collégiens et du harcèlement, je leur ai dit que s'ils se sentaient concernés, il fallait absolument en parler à un prof, un surveillant, bref un adulte. J'ai également parlé aux parents des harceleurs pour leur expliquer le comportement de leurs enfants en classe mais ensuite, je ne peux malheureusement rien faire d'autre.
C'est assez dur à vivre comme situation, vouloir aider mais ne pas pouvoir.