C'est complètement indécent et ça perpétue le cliché de l'harceleur qui a l'air d'une mauvaise-graine, du harceleur style "mauvaise fréquentation", le cliché pur.
Alors que non, y'a des harceleurs et des harceleuses à têtes d'ange, à qui on donnerait le bon dieu sans confession.
Beaucoup de confessions de victimes, de témoignages d'enfants harcelés pendant toute leur scolarité... Et puis il y a moi, la harceleuse, ce que je n'ai pas trop vu dans les commentaires. La "tête d'ange", je confirme, et ma parole prévalait sur n'importe quel bouc émissaire, bien évidemment, car j'étais première de classe, favorite des profs, populaire avec les élèves, et je m'appuyais sur l'effet de groupe pour faire en sorte que toute l'hostilité soit focalisée sur un élève de la classe que
je choisissais chaque année.
Celui ou celle qui était effacé, peu intégré, ceux que j'appelais les "faibles". Ce n'était pas comme si je les détestais, on avait même souvent des points communs ou des loisirs similaires, ce qui rendait d'ailleurs ma volonté de les soumettre d'autant plus pressante avant que quiconque ne s'en aperçoive. C'était un véritable jeu pour moi; plus que ça, on devient détenteur d'un pouvoir qui nous enivre. On a le pouvoir de blesser, on a le pouvoir de contrôler, et si jamais quelque chose essaye de nous échapper ou de se rebeller, on le mate. C'est un plaisir insidieux, malsain, et intense que nous possédons tous_ et dans ce jeu, comme dans tout les autres jeux sociaux, il y a nécessairement besoin d'un leader, d'un groupe, et d'une victime.
Et quand on est en haut de la chaîne, on est capable de tout pour maintenir sa position. Tu es le leader ? N'oublie pas ton peuple, panem et circenses.
J'ai brisé des vies. J'y ai pris beaucoup de plaisir. A ma connaissance, cependant, aucun de mes boucs-émissaire n'est allé jusqu'à se suicider (ou en tout cas, aucun n'a réussi). Les profs le voyaient, il le sentaient, alors il menaçaient mais jamais n'agissaient.
Et puis j'ai grandi, j'ai réfléchi, j'ai réalisé que tout ce que je voulais était prendre le contrôle, car en dehors de cela ma vie était absolument chaotique. Il était trop tard pour me racheter, alors j'ai décidé d'agir autrement et de localiser les "faibles" afin de devenir leur amis, les aider à reprendre confiance en eux et à s'épanouir. Si ça se trouve, cette fille si sûre d'elle même, qui se trouve être votre amie, a peut-être été une harceleuse pendant ses années de scolarité. Sûrement, même.
A ce jour, je suis contente de m'apercevoir que blesser autrui ne m'est plus nécessaire, que je peux transformer cette "énergie"en quelque chose de positif. Je suis intellectuellement satisfaite. Je suis émotionnellement apaisée. Beaucoup d'adultes ne parviennent pas à sortir de ce cirque social, qui est perpétué dans la vie quotidienne. Satisfaite je suis, donc, mais ça ne doit certainement pas être le cas de mes victimes.
...Mais je pense que le pire de cette histoire que je n'en ai sincèrement rien à faire, de les avoir brisé. Je sais que c'est moralement abominable, j'essaye de me forcer à culpabiliser, et je n'arrive toujours pas: je suis seulement capable de m'arrêter.