Personnellement j'ai toujours vu Arthur comme un personnage nuancé, avec ses bons et ses mauvais côtés. Et tant mieux en fait, c'est un humain, et Kaamelott fait tomber toute la légende arthurienne de son pieds d'estale, le noble roi Arthur comme les autres. L'histoire d'amour classique entre Guenièvre et Arthur est dramatique, A.A a tourné le drama autrement, à la fois en dérision puis de plus en plus sérieusement à mesure que la construction tragique du scénario se dévoile. Arthur le dit lui-même a la dame du lac d'un ton bien énervé et amer (je ne me souviens pas des mots exacts ni de l'épisode précis mais en gros l'idée): "un mariage forcé, sordide, avec une gourde que j'ai jamais pu encadrer. c'est avec l'histoire d'Arthur et Guenièvre que vous allez enseigner ce qu'est l'amour aux gens ? Et bah, elle est belle la légende..."
Il n'aime pas Guenièvre, pour lui c'est une idiote rencontrée 3 jours avant d'être obligé de l'épouser pour raisons politiques à peine débarqué en Bretagne, loin de ses repères. Il éprouve beaucoup de rancoeur et de solitude. Il est frustré d'essayer d'accomplir quelque chose de grand, de suivre le destin imposé par les dieux, d'être fidèle aux mots de César qui l'ont inspirés, mais il patine car il est entouré de gens qui ne comprennent rien, Guenièvre inclus, et qu'il n'a plus de patience ni de pédagogie avec personne. Il se décharge donc sur tout le monde, et elle en particulier le soir après des journées pénibles. Elle est son exutoire. C'est injuste, il la traite mal, il est de parfaite mauvaise foi avec elle, c'est un connard et on a beau rire, il y a un consensus là dessus il me semble dans le public ? L'épisode avec la pâte d'amende ou Guenièvre pleure justement que sa vie c'est de la merde, Arthur se sent coupable, et à raison.
Ses multiples maîtresses sont aussi là pour essayer de combler un vide, c'est comme ça que je l'interprète (au delà de l'aspect comique de la polygamie et de la caricature de l'homme de pouvoir macho qui a du succès avec les femmes). Il profite de Mevanoui pour fuir ses responsabilités qu'il trouve de plus en plus lourdes. Mais il y a un épisode ou Guenièvre lui balance une vérité qui fait mal : "peut être qu'un jour vous comprendrez que vous êtes juste incapable d'être amoureux, ni de moi, ni des autres".
Peut être à cause d'Aconia, peut être parce qu'il est blasé, qu'il se sent seul et incompris, il cherche un fantôme du passé et se renferme sur lui même puis sombre dans une sévère dépression qui anesthésie tout sentiment. Arthur sourit très rarement tout au long des livres, ce n'est pas quelqu'un qui a beaucoup de joie de vivre.
Pour moi le comportement d'Arthur ne se justifie pas, mais il s'explique, il parle de l'humain et de ses failles. Comme pour Guenièvre ou Lancelot.
Ce n'est qu'au moment où Arthur vit l'absence de Guenievre qu'un changement s'amorce lentement dans la vision qu'il a d'elle, qu'un semblant de relation (et de consentement !) nait enfin quand il décide volontairement d'aller la retrouver (et qu'elle accepte de revenir). D'ailleurs, sans Guenièvre tout part en vrille, on peut y voir une symbolique. Son rôle est beaucoup plus important, à plusieurs niveaux, que ce que Arthur a voulu croire. Pour moi c'est le moment où leur relation devient un vrai choix en toute connaissance de cause plus qu'un concours de circonstances subies. C'est à partir de là qu'une tolérance puis une complicité se développe timidement dans le livre 5.
Même du côté de Guenièvre, cette expérience avec Lancelot la rends également plus adulte. Elle n'est pas non plus amoureuse d'Arthur, elle est amoureuse d'un idéal. Quand son père lui annonce qu'elle va se marier parce que ça arrangerait tout le monde, elle réponds sans vraiment réfléchir ni comprendre les implications : "si vous voulez, mais seulement si il est blond. Quand je m'imagine mon mari dans mes rêves il est comme ça" > elle a toujours "rêvé" de la relation d'amour courtois décrite dans la légende arthurienne classique, un peu un équivalent de la vision Disney (et même quand l'amour chevaleresque d'un beau blond se présente enfin à elle, ça ne tourne pas comme dans les contes de fée, c'est la désillusion).
Aussi moche et tragique que soit la relation Arthur/Guenièvre, j'aime son développement et sa complexité, les multiples lectures qu'on peut en avoir. Je trouve que c'est pas si courant à l'écran, encore moins dans des productions de ce type, d'avoir des relations de couples qui s'éloignent des schémas basiques et se construisent sur le long terme.
Edit : coquilles et formulations