Je trouve cet article terriblement démagogique. L’Islam est une autre culture, certes, et les grands principes de tolérance voudraient qu’en tant qu’occidentaux nous nous abstenions de la juger, car cela sous-entendrait que notre culture est objectivement supérieure.
Notre culture occidentale est pleine de défauts, pleine de diktats, pleine d’injustices. Elle est loin d’être idéale, je n’en fais pas la promotion. Mais les changements que j’espère voir apparaître dans notre culture, j’aimerais les voir apparaître dans le monde entier.
Partout dans le monde, il y a l’excision, le mariage forcé, le culte de la virginité, et un million d’autres traditions rabaissant les femmes au rang d’êtres inférieurs. Nous ne pouvons pas mettre tout cela sur le compte des différences culturelles et nous abstenir d’intervenir. Au contraire. Nous avons eu la chance d’avoir appris que nous méritions mieux, notre devoir est donc de transmettre ce message, au-delà des barrages culturels.
Si nous réfléchissons, et comme le souligne cet article, nous aussi connaissons la pression de la société sur les femmes. Prenons un petit exemple. Tous les jours, je me rase les aisselles. Ce qui est naturel chez un homme, est répugnant chez moi, d’après la société dans laquelle je vis. Cela me révolte, et je sais au fond de moi que c’est anormal, injustifié et dégradant. Mais je n’ai pas le courage de m’élever contre toute la société. Je sais dire que ce n’est pas normal, que je ne suis pas d’accord, mais quand il s’agit d’assumer mes convictions et de laisser pousser mes poils, je n’en ai pas le courage. A cause du regard des autres, et parce que moi-même je suis formatée depuis toujours pour trouver une femme poilue dérangeante. Il est extrêmement difficile de s’élever contre sa propre culture, d’agir différemment. C'est pourquoi il faut s’aider les un(e)s les autres.
Car il y a des valeurs universelles, indiscutables, qui dépassent toute norme culturelle ou religieuse, et qui s’appliquent à chacun(e)s d’entre nous. L’égalité homme-femme en est une, tout le monde y a droit, les jeunes filles musulmanes autant que les autres.
On ne peut pas comparer la liberté de porter le voile à la liberté de porter une casquette orange ou une croix autour du cou. Ce n’est objectivement pas comparable, car le voile symbolise beaucoup de choses, qu’on ne peut ignorer. Cela symbolise que la femme doit se cacher, que ce soit ses cheveux, son visage, ou tout son corps. Peu importe la raison : se soumettre à sa famille, à son mari, à un dieu, ou se sentir plus vertueuse, le but est de cacher. On cache ce qui est honteux, et non, le corps d’une femme n’est en aucun cas plus honteux que celui d’un homme. On se montre parce qu’on s’aime, parce que nous pouvons être fières, parce que c’est notre corps et que nous en disposons librement. Ce n’est ni de la provocation, ni de la séduction. Un visage, des cheveux, un corps, ce ne sont pas que des objets de désirs sous prétexte que nous sommes des femmes. Ce sont avant tout les composants de notre identité. Les cacher, c’est vouloir s’effacer, effacer notre identité, notre individualité.
Je dis cela en toute humilité et en toute conscience de mes propres contradictions. Moi-même, je ne me sens pas libre de mon corps. Moi-même, je me soumets. A ma culture, aux pressions de ma société, aux idéaux de beauté qui me sont imposés depuis toujours. Une seule chose est sûre : je serais plus heureuse, et plus épanouie si ce n’était pas le cas.