Ce sujet est dédié aux réactions concernant cette actu : Najat Vallaud-Belkacem défend la réforme du collège au Grand Journal
MERCI! C'est exactement ce que je venais dire!Même si l'article est extrêmement précis, il y a néanmoins quelques précisions essentielles - des rectifications, en fait - à apporter pour comprendre cette réforme qui, à mon sens, sera une véritable catastrophe si elle est appliquée en 2016.
Je vais essayer de le faire le plus clairement possible, mais j'ai bien conscience qu'il est difficile de comprendre les enjeux et les conséquences d'une réforme du collège sans connaître les réalités du métier...C'est-à-dire, quand on n'est pas enseignant.
D'abord, il est intéressant de constater que les éléments de la réforme qui ont été sur-représentés dans les medias ne sont pas les points qui posent le plus problème. Par contre, ce sont ceux qui vont le plus "parler" au grand public, et les mettre du côté du Ministère : l'allemand et le latin, options "privilégiées", qui "favorisent la reproduction des élites" et qu'il convient donc d'éliminer de sang-froid pour enfin offrir un collège "unique".
Une communication démagogique au possible, et très décevante de la part de N.Vallaud-Belkacem.
1) Le latin
- l'option Latin est ouverte à tous les élèves qui le souhaitent. S'il y a si peu d'élèves, c'est simplement parce qu'il s'agit de 3 heures de cours en plus par semaine, qu'il y a des leçons, des devoirs...Du travail, en fait. Pas étonnant que ça n'attire pas les foules, mais seulement une poignée d'élèves curieux. Je viens d'un milieu modeste, je fais du latin depuis la 5e, je suis devenue professeur de Lettres Classiques, et j'en ai assez d'entendre parler de ce prétendu élitisme du latin. Transformez les langues vivantes en options facultatives, et vous arriverez au même résultat.
- La réforme prétend "offrir le latin à tous les élèves" : c'est faux. A partir de 2016, la discipline "latin" n'existe plus : les heures qui nous étaient données pour l'enseigner seront supprimées. Pas de nouveau programme. Le concours de Lettres Classiques n'existe plus depuis 2013, donc plus de professeurs correctement formés à enseigner les langues anciennes que sont le grec ancien et le latin.
- On parle d'un EPI "Langues et Cultures de l'Antiquité", et c'est là qu'il y a désinformation : les EPI ne sont pas des heures en plus dans l'emploi du temps, mais des heures qui devront être prises aux autres disciplines. Donc, pour faire un projet, quel qu'il soit, il faudra qu'une ou plusieurs disciplines cèdent leurs heures. J'enseigne le français et le latin, et il est impensable que je prenne des heures de français pour faire du "latin ludique", parce qu'évidemment les EPI n'ont pas vocation à être des cours, mais presque de l'animation. Donc, on prétend renforcer l'apprentissage du français en ayant moins d'heures de cours de français ? Où est la logique ?
Conclusion : le latin va disparaître, ce qui était prévu de longue date par ceux qui ont pondu cette réforme.
2) L'allemand, les classes bilangues
Même discours : une langue élitiste, classes de niveau, reproduction des élites, etc.
- les classes bilangues sont également ouvertes à tous les élèves qui sont prêts à apprendre une langue de façon plus "intensive", au prix de quelques heures supplémentaires dans l'emploi du temps.
- les classes bilangues ne seront pas supprimées : faux. Il faut bien comprendre tous les sous-entendus du projet : un élève qui a étudié en primaire une autre langue que l'anglais pourra poursuivre cet apprentissage en classe bilangue.
--> "pourra" = si l'établissement le souhaite et si on lui alloue des moyens : quand on sait que le ministère cherche à faire des économies à tout prix, on peut toujours rêver pour avoir des heures.
--> sachant que la grande majorité des élèves étudie l'anglais en primaire (les instits enseignant les langues comme ils le peuvent), il y a peu de chances de trouver une section bilangue dans chaque établissement.
Conclusion : disparition rapide des classes bilangues.
- les classes européennes seront supprimées : comment va-t-on recruter les candidats aux sections européennes en lycée ? Conséquence à prévoir : disparition progressive des sections euro au lycée. On fait encore des économies ; elle est pas belle la vie ?
Et je ne parle pas du reste, parce que je pourrais en écrire des tartines, mais je vous invite à vous rendre sur ce site : www.reformeducollege.fr/, qui expose bien les enjeux et les conséquences de ce projet.
Bref, c'est très tentant sur le papier, le gouvernement a fait de beaux schémas, la ministre est omniprésente pour rassurer ceux qui se poseraient un peu trop de questions, mais que de mensonges ! Et quel mépris pour le travail des enseignants... et pour les élèves !
Je sais que vous appréciez beaucoup Najat V-B sur Mademoizelle, et je m'étais moi-même réjouie en apprenant sa nomination, mais elle défend une réforme catastrophique, qui prétend instaurer une égalité entre les élèves, là où il s'agit plutôt d'égalitarisme à tout prix.
"Tu voulais apprendre des choses en plus ? Ben non, c'est tellement arrogant et élitiste. On va te mettre au même niveau que les autres : des connaissances basiques, tant pis si tu t'ennuies."
Dommage qu'on préfère niveller par le bas, au lieu de considérer et de respecter les différences des élèves.
Vous l'aurez deviné, je suis écoeurée. Ce n'est pas pour cette école que j'ai voulu devenir enseignante.
Tout à fait, et j'aimerais bien aussi qu'on en engage plus...Et tant qu'on y est, on forme réellement les enseignants, on revalorise le métier de façon à avoir des personnels de qualité et disciplinaire et pédagogique.
@ElizaBennet dans les programmes, il y a même indiqué que ce n'est pas la peine de s'encombrer de termes tels que "COD" ou "COI". Je suis désolée, mais si on ne nomme pas la chose, je vois mal comment l'expliquer ou comprendre précisément le fonctionnement de la langue.