Je ne vais pas faire un long pavé parce que beaucoup, comme ElizaBennet et Hipcherry ou Lilou et Oyuna par exemple. Je suis en train de passer l'agrégation de lettres modernes, j'ai le capes et j'ai fait pas mal de tutorat dans des lycées dits de "banlieue" lyonnaise (mais franchement les élèves que j'ai vus étaient bien gentils^^).
Ce qui m'embête avec cette réforme c'est qu'au lieu de tirer vers le haut, elle veut tirer vers le bas pour mettre au niveau. Par exemple, sur l'un des gros points de crispation, le latin et le grec, je suis d'accord avec le fait que ça pouvait être discriminant socialement. Mais c'était aussi un bon tremplin : avec ma soeur, on a acquis comme ça une culture classique que nos parents n'ont pas. Donc ça marchait quand même pour certains. Et d'expérience, ça intéresse pas mal de gamins les histoires de mythologie, d'origine des mots... J'en ai captivé plusieurs avec ça, et mes meilleurs souvenirs de tutorat, c'était quand je partageais avec eux cette culture classique.
Du coup, je trouve ça bête que, moyennant par exemple une diminution du nombre d'heures par semaine, on ne rende pas le latin ou mieux l'option culture de l'antiquité (où l'on ferait un apprentissage de base du grec aussi : je ne le maîtrise toujours pas, et ça me manque) obligatoire pour tous au moins 2 ans. Parce que si certains élèves actuellement choisissent de ne pas faire cette option, c'est parce qu'elle n'est pas "sexy" et classe un peut dans les "têtes d'ampoules", si tout le monde en faisait vraiment, et pas qu'une initiation superficielle, le latin ne serait plus discriminant.
En plus, le latin, c'est merveilleux pour les élèves en difficulté : ça leur permet de recommencer une matière à zéro, là leurs camarades n'auront pas d'avance sur eux. Quant à l'évaluation en latin, au collège, elle sort souvent des sentiers battus : d'un côté il y a le traditionnel par coeur (qui permet aux élèves travailleurs, bien qu'en difficulté d'avoir des bonnes notes) et de l'autre, il y a beaucoup d'exposés, qui permettent de travailler différemment, de mêler histoire, littérature et mythologie. Bref, l'enseignement du latin me semble correspondre à plusieurs objectifs globaux de la réforme, alors pourquoi ne pas l'avoir promu ?
Quant à ce que tu dis de l'inégalité des voyages, dans mon cas c'est totalement la faute de l'éducation nationale : je n'en ai pas fait, parce que j'étais dans un tout petit collège de campagne, et ainsi pas de voyage en Italie pour 10 élèves, ce serait trop cher (on remplit pas un bus...). Donc, pour l'égalité des territoires, il faut donner plus de moyens.
Quant au nombre de profs : bien sûr, je suis partisane de son augmentation. Ou à défaut il faudrait des "assistants pédagogiques" dans les classes, cela permet au professeur d'aider les plus en difficulté pendant que quelqu'un surveille le reste de la classe faire ses exercices. J'ai lu un article dessus, je crois que ça a été fait dans le 93 avec des étudiants...
Je dois dire que cette question des moyens humains génère un réel mécontentement chez les professeurs et futurs professeurs, même si on ne bloque pas le pays : j'ai eu une journée de formation en avril, nous devions être deux cents à trois cents agrégatifs dans l'amphi, et la personne en face, qui nous a présenté son petit collège connecté avec une débauche de moyens mis à sa disposition pour "moderniser l'environnement de travail" nous a mis hors de nous. Pourquoi vouloir à tout prix donner plus de moyens matériels AVANT de donner plus de moyens humains ? Pour moi, c'est l'inverse qui serait profitable, et c'est ce que je ferais.
Or, pour ça, il faut arrêter de céder au lobbying de microsoft, et embaucher plus de professeurs avec l'argent des tablettes, tables connectées... Comment ? On va me répondre qu'il n'y a pas assez de candidats aux concours de l'enseignement. Bah peut-être parce qu'on se décarcasse à passer des concours difficiles, à faire 5, 6 ans d'études pour ensuite un salaire bien plus bas que dans le privé à niveau d'étude équivalent, pour des conditions de travail difficiles, et pour en plus un manque de respect parfois (ma mère est enseignante, et son quotidien c'est les parents désagréables, impolis voire violents).
Bref, la réforme me déplaît parce que selon moi, elle ne va pas permettre de donner toutes leurs chances aux élèves, que les discriminations se reproduiront à cause du choix des options (le latin a juste 6 chances sur 8 d'être enseigné, ce qui signifie qu'il le sera tout le temps dans les collèges de certains quartiers parisiens, et jamais dans des établissement dits "difficiles", sauf forte volonté du chef d'établissement), et parce qu'elle ne revalorise toujours pas le métier d'enseignant. Et ça me fatigue de voir tant d'éléments extérieurs combattre ma vocation.