L'article est intéressant mais je trouve qu'il exacerbe une contradiction qui me turlupine depuis déjà un bout de temps : c'est le rapport du féminisme (tel qu'il s’exprime aujourd'hui dans les médis mainstream) à l'individualité.
En fait, la raison d'être du féminisme est la reconnaissance du fait que "en tant que femme", un individu fait face à des discriminations spécifiques. Donc là, le "en tant que femme" a un sens. Et pour moi il en a tout le temps justement, puisque dans nos sociétés, notre rapport au monde est extrêmement déterminé par notre genre. Donc dire "en tant que femme", ça a un sens dès qu'on parle d'un sujet dans lequel le genre a un impact !
Je vais le dire autrement parce que je me rends compte que c'est pas clair du tout. En gros, je reproche au féminisme de dire d'un côté le genre est une construction sociale (ce avec quoi je suis d'accord), et les femmes sont toutes complètement différentes, il n'y a pas de "nous les femmes" qui tienne ... Ça n'est pas vrai puisque justement dire que le genre est une construction sociale revient à dire que l'ensemble des personnes qui ont un genre donné ont construit ce genre dans le même contexte social. Donc ils ont effectivement plein de points communs. Pas d'origine biologique, mais des points communs de fait, conférés par l'éducation et le contexte social genrés.
Avant je refusais en bloc aussi les "tu dis ça parce que t'es une fille", ou "vous les femmes" etc... Mais en fait je me rends compte que ce sont plutôt des révélateurs de cette construction sociale du genre. Ce qui n'exclue pas que ramener quelqu'un à cette unique identité dans un cadre qui ne s'y prête pas est tout simplement bête et sexiste.
Bref tout ça pour dire que pour moi il y a contradiction entre reconnaître que le genre attribué à la naissance affecte énormément le rapport à la société et donc au monde et dire que les gens d'un même genre n'ont aucun points communs.
Merci merci !
J'avais cette pensée en tête tout au long de l'article, mais sans réussir à mettre des mots dessus... Mais tu le fais parfaitement !
J'ai beaucoup apprécié l'article, mais c'est une nuance que je trouve bien de souligner. Le terme "Nouléfille" a quand même du sens, non pas parce que les filles/femmes se reconnaissent toutes dedans, mais parce que la société nous conditionne dans ce groupe, et qu'on peut trouver des expériences similaires. Par exemple, lorsqu'un mec me dit que le harcèlement de rue devrait me flatter, je me trouve légitime de le renvoyer à son statut d'homme (c'est-à-dire non pas ses différences génétiques, mais bien le conditionnement dans lequel il a été élevé et qui continue à s'exercer sur lui) pour lui expliquer qu'il ne peut pas comprendre ce que je vis en tant que femme. Ca ne veut pas dire qu'aucun homme ne peut y être sensible, ou que toutes les femmes vont comprendre le harcèlement de rue, mais que quand même, parfois le genre ça compte.
Tout comme, je crois qu'on peut dire que Nouléfille, on ne peut pas comprendre l'oppression qui s'exerce aussi sur les hommes, et l'impératif de virilité : pourquoi il y a plus d'hommes en prison, délinquants, en marge du système scolaire... que de femmes => Ce n'est pas que tous les hommes sont concernés, ce n'est pas que les femmes ne sont pas concernées MAIS il y a quand même un standard que la société crée vis à vis de ce groupe, qui crée ou fait ressortir des caractéristiques masculines. ET que comme en tant que femme, on n'a jamais eu à entendre de la part de la société "sois un homme", "pleure pas c'est pour les filles", "tapette" ou autres joyeusetés, on ne peut pas comprendre ce que c'est d'être un homme (au sens du genre et de ce que la société considère comme étant un "homme") D'où d'ailleurs, la stupidité de notre système sexiste : les femmes comme les hommes peuvent en souffrir.
Après, je pense que c'est un raisonnement qui s'applique à de très nombreux groupes : un Blanc ne peut pas comprendre le racisme à l'encontre d'un Noir, pas à cause de différences naturelles, mais bien parce que l'identité que la société lui prête (ou l'enferme dedans), ne lui permet pas de comprendre toutes les implications, parce qu'il ne les aura pas vécues.
Mais bref, merci quand même de cet article qui fait du biiiiieeeeeeen ! Comme tu le rappelles très bien, on est le produit de différentes identités qui s'entremêlent, et donc aucun groupe de gens ne peut être défini par des caractéristiques standardisées, puisqu'on est par essence un individu unique !