Sur ce sujet comme d'autres, pour moi il me semble primordial de faire la différence entre milieu militant et milieu non militant. Je m'explique. Comme d'autres l'ont dit, dans la vie de tous les jours, rares sont les personnes un tant soit peu sensibilisées et la tendance est à l'exact opposé : On nie la parole des concernés, on la moque où on la juge très durement. Dans un tel contexte, il me paraît effectivement très fort politiquement de clâmer la primauté de cette parole, où au moins le respect de celle-ci. Personnellement ici, je distingue encore deux cas :
- La discussion pédagogique, généralement quand je vois que la personne est prête à remettre en question ses idées. Je présente des arguments avec bien souvent des sources scientifiques, littéraires... Et quand la personne a assimilé ce que je lui explique, je conclu sur l'importance d'écouter la parole des concernés et si c'est sur le féminisme, je prends notre discussion en exemple "tu vois, au début, tu n'arrêtais pas de me couper la parole etc etc...".
- La discussion non pédagogique là soit je n'ai pas la patience, soit je sais dès le début que tout débat est vain. Dans ce cas, je me permets parfois un "t'es pas concerné, donc si tu pouvais fermer ta gueule ça m'arrangerait" (allez, j'essaie souvent de mettre les formes tout de même, pas toujours mais personne n'est parfait ! ). Si je me le permets c'est que ce type de discussion commence directement dans le discours haineux et là clairement je m'estime dans le droit de me "défendre". Si c'est sur un sujet où je ne suis moi même pas concernée et donc pas touchée, je fuis la discussion avec de l'ironie. La personne ne se sent pas insultée mais elle est un peu gênée car bien souvent elle ne sait pas vraiment si on rit ensemble où pas.
Je ne parle pas ici du troisième cas, la discussion étayée qui aboutit à "ton point de vue est intéressant, nous n'avons pas le même point de vue mais merci pour l'échange" qui n'a absolument pas besoin du point concerné/pas concerné.
Dans les milieux militants, pour moi c'est encore très différent. La majorité du temps, même si les gens ne sont pas d'accords, ils partagent un certain socle commun et ont un niveau de discussion permettant justement, une discussion. Donc le "t'es pas concerné" est de mon point de vue bien plus violent. J'ai l'impression de le voir souvent utiliser quand la personne n'a pas envie d'étayer son point de vue, un peu comme un joker.
Parfois, il me prend aussi l'envie de sortir cette carte, tout simplement car le débat me touche et que j'ai envie d'hurler à l'autre ma souffrance. C'est normal, et ce n'est pas grave de le faire, mais j'ai choisi personnellement d'en faire l'exception, et quand ça arrive je sais que j'ai fait une erreur. J'essaie d'ailleurs de revenir vers la personne pour lui expliquer plus calmement mon point de vue plus tard. Sur les forums, généralement je ne réponds pas si je ne me sens pas capable d'une discussion posée.
Par contre ce qui me semble faisable et même salutaire dans les milieux militants, c'est de rappeler régulièrement de manière neutre le respect que l'on doit de cette parole. Si je parle féminisme avec d'autres féministes et que c'est mixte, ça m'arrive de rappeler que là on a un bon exemple de confiscation de la parole. Sans être virulente ou quoi, genre en mode constat. Ca arrive que les personnes visées fassent elles même cette remarque.
Bref, pour moi la discussion milieu ami/milieu hostile est encore une fois fondamental !
Comme toujours ma ligne c'est "les personnes avec qui je suis d'accord sur les grandes lignes méritent d'avoir le bénéfice du doute".
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Comme toujours, ce post n'est pas un manuel, j'avais juste envie d'expliquer MA façon de voir les choses