Je suis émue et révoltée face à tout ce que vous avez subi et subissez encore.
Pour ma part je suis, et j'ai toujours été, maigre avec des os longs et fins. Je n'ai jamais souffert par rapport à cela, pourtant, parce que j'ai été enfant à une époque où les modèles à suivre et les injonctions diverses étaient beaucoup plus rares (je suis née en 1961). Donc à mon avis, il existait bien moins de risques de comparaisons avec d'inaccessible idéaux. Il me semble aussi que les photos de magazines étaient bien moins retouchées. Aha, ça change tout n'est-ce pas ?
J'aurais dû écrire "d'inaccessibleS idéaux, je n'arrive pas à revenir sur mon texte
Bien sûr j'ai été traitée de sac d'os et de squelette, mais sans la méchanceté que je constate aujourd'hui et qui s'adresse à absolument tout le monde. Je l'ai vue grandir, cette méchanceté, à mesure que les années passaient.
Par exemple, lorsque j'avais 20 ans c'était normal que je sois mince. Des gens à qui je ne demandais rien m'ont avertie d'en profiter puisque cela ne durerait pas. J'ai osé atteindre la trentaine sans grossir, il y a eu de l'étonnement et parfois de l'admiration mais qu'à cela ne tienne, encore quelques années et je grossirais inévitablement. Eh bien, non.
Toujours maigrichonne je suis arrivée à 40 ans et on ne me l'a pas pardonné. Je parle uniquement des personnes qui la ramenaient, vous l'aurez compris. On m'a inévitablement accusée - oui, je dis bien accusée - d'anorexie, on s'est mis à surveiller passionnément ce que je mangeais. En désespoir de cause on a compté sur la ménopause pour me faire gonfler, seulement voilà, encore raté.
J'ai vu enfler l'amertume, la jalousie, la colère et la rancune de gens mal dans leur peau à mesure que notre société suivait cette évolution étrange qui est la sienne. Je ne parle pas que de moi, mais aussi de toutes celles et ceux qui subissent les attaques de la part de frustrés de tout poil.
Et cela m'attriste. Parce que je crois que derrière la méchanceté il y a toujours de la souffrance. Et que les souffrants qui deviennent méchants font de nouveaux souffrants.
Le temps a passé, je suis restée maigre. Je ne vous raconte pas ce que j'ai pris à 50 ans!
Ma chance a été de m'être trouvée assez âgée pour comprendre le mécanisme à mesure qu'il se mettait en place, donc de le démonter pour ma part. Ma personnalité s'est affirmée, aussi. Je suis bien dans mes os, même si je ressemble assez à une sauterelle. Et ceux qui ne sont pas contents, je les enchose en souriant.
Je ne crois pas me tromper en pensant que pour une forte majorité vous êtes bien plus jeunes que moi. Alors cette sale ambiance de jugements et de moqueries à propos de tout, vous êtes en quelque sorte né-e-s dedans. Ce qui fait qu'on vous casse les pieds et qu'on vous fait souffrir depuis toujours. Voilà ce qui me touche.
J'aimerais vous dire : fichez-vous de ça ! Mais si c'était si facile vous ne m'auriez pas attendue, hein?
Alors je vous dis simplement qu'il y a des gens qui vous lisent et qui pensent à vous, qui souhaitent de tout leur cœur qu'un message comme celui-ci vous soutienne, même un peu, même un instant.