@Luzgar Courage à toi
Je ne sais pas trop si mon message t’aidera, et j’ai un peu peur d’être maladroite
Je n’ai pas pour but de te sermonner ni quoi que ce soit de négatif. Je voudrais juste parler à propos de certaines choses que tu as dites dans l’espoir que cela puisse t’aider.
La légitimité des personnes trans est souvent questionnée - par tout le monde autour d’elleux d’abord (« mais comment peux-tu savoir? tu es trop jeune / si tu l’étais tu l’aurais su plus tôt » etc) et par les personnes elles-mêmes ensuite ( « suis-je vraiment trans? » ); ces questionnements sans fin n’existent pas pour les personnes cis. Le fait même que tu passes beaucoup de temps à chercher une bonne raison, ou une vraie raison d’être trans’ montre que tu es légitime. Tu n’aurais pas prêté tant d’attention que ça à la question sinon.
L’autre présupposé que la question de la légitimité des personnes trans véhicule, c’est qu’il faudrait être assez digne d’être trans pour mériter d’avoir le droit de changer de pronoms ou d’obtenir un accès à des soins médicaux. Alors qu’au final
ton corps tes choix comme dit l’adage: on ne devrait pas avoir à justifier ses choix, une fois qu’on est conscient de ce qu’on fait et de ce dans quoi on s’engage. Tu es toi. Tu es le mieux placé pour savoir ce que tu veux, ce que tu ressens, ce dont ton corps a besoin, et qui tu es. Tu es le seul a vraiment pouvoir dire comment tu t’appelles (la formule est forte: elle indique littéralement « avec quel mot tu te désignes? » et c’est littéralement ce qu’on te demande quand on te dit « comment tu t’appelles? » - on ne dit pas « comment je t’appelle? »). Tu es le seul à pouvoir dire quel est ton genre (ce qui (de tout ce que j’ai lu comme témoignage) revient à décrire dans quelle catégorisation sociale on se sent à l’aise). Et tu as le droit de transitionner. Tu t’appartiens, et tu n’appartiens qu’à toi seul.
Les corps, leurs organes et tout ce qui les composent, existent, c’est vrai. Mais le langage ne fait que les décrire. Parfois il le fait avec précision, parfois il le fait très mal, et parfois il se trompe complètement dans ce qu’il décrit. Et pour ce qui est des corps, le langage (ou plus exactement la société à travers le langage) crée deux boites dans lesquels on range tous les êtres humains, crée une barrière entre les deux en surlignant tout ce qui est différent dans les deux catégories, et rend cette barrière infranchissable. Alors qu’au final, dans les deux catégories (amab ou afab, mâle ou femelle, homme ou femme, quelles que soient leurs noms) il y a une multiplicité de corps et d’évolutions de ces corps, à tel point qu’on ne peut vraiment pas faire autre chose que des généralités, généralités qui ne servent plus à rien dès lors qu’on s’intéresse à un corps d’une personne individuelle. Et à un corps donné le langage (ou plus exactement, la société dans laquelle on vit, à travers le langage) rattaché un genre donné - mais tout ça c’est un mensonge, j’en suis la preuve, tous les pirates en sont la preuve!
Donc non, le langage utilisé pour décrire les corps (mâle, femelle, tout ça) s’il est utilisé comme une prison, il ne décrit pas une fatalité. Il n’y a pas de vérité suprême d’un côté, et des gens trans qui vivent dans le déni de l’autre.
Il y a un schéma préconçu des êtres humains (qui sont mâles-hommes et femelles-femmes et puis c’est tout), une réalité qui ne colle pas, et des gens qui tentent de faire rentrer l’humanité de force dedans.