Pour ce qui est des dégâts,
un entretien avec des universitaires a été faite par Médiapart, je mets ici le lien (payant), et un passage qui m'a paru intéressant (entretien avec Claude Gauvard), concernant le mauvais entretien de Notre Dame :
"Et depuis la fin du siècle dernier, par paresse et du fait des tiraillements entre les juridictions (l’État, la Ville, la Région et l’évêché), l’édifice n’était pas assez maintenu ni valorisé [...] .
La flèche, au pied de laquelle je m’étais risquée voilà dix ans, était dans un état catastrophique. Et la fragilité des arcs-boutants du XIVe siècle laissait de marbre les autorités.
Quant à la toiture, elle avait été grillagée pour que les pierres, attaquées par le temps et la pollution, ne blessent personne dans leur chute toujours possible. Et je n’insiste pas sur la statuaire du transept nord, merveille due au ciseau de Pierre de Montreuil au XIIIe siècle, victime des outrages du temps et devenue totalement noire dans l’indifférence générale.
Nous pouvons donc être agacés que les responsables de l’édifice n’aient pas compris qu’il était à ce point fragile. Nous pouvons peut-être même nous demander comment Notre-Dame n’a pas brûlé plus tôt. Reste que répéter à tout bout de champ ou d’ondes que
« le Moyen Âge est parti en fumée » n’a pas grande justesse, tant les parties médiévales étaient invisibles ou supplantées".
Pour ce qui est de l'autre universitaire à qui Médiapart donne la parole, Pascal Ory, j'ai trouvé son analyse très intéressante aussi, je mets ici quelques phrases, parce que je trouve qu'il met des mots sur ce que je ressens (sauf sur les "malcontents", je trouve ça un peu méprisant, chacun son ressenti) :
"
Pour le coup, Notre-Dame de Paris serait-elle plus qu’une « simple » cathédrale ?
C’est un monument religieux transformé par le mouvement moderne en monument du « peuple » – d’où la ligne droite qui va du Victor Hugo de 1832 au Charles de Gaulle de 1944. Le Sacré-Cœur reste enfermé dans une signification catholique d’« ordre moral ». On a oublié l’origine républicaine de la tour Eiffel – l’anti-Arc de triomphe –, pour n’y plus voir que la dimension ludique. On a également oublié – à mon grand regret – le Panthéon, temple de la culture républicaine : il renvoie une image brouillée qui, au reste, attire plus les touristes étrangers que les Français.
Notre-Dame synthétise mieux. Toutes les sociétés sans exception, des ZAD aux califats en passant par les États-nations, fabriquent en permanence du symbolique et, en particulier, des lieux de mémoire (« monuments »). Dans ce grand concours d’imaginaire, la France frappe par son centralisme géographique (le «
point zéro ») et sa continuité historique. C’est ainsi. Les malcontents aboient, l’Histoire passe.
Quels principes adopter pour la reconstruction du monument : faut-il lui rendre sinon sa pureté, du moins son aspect médiéval, ou faut-il relever sa flèche datant de 1859 ?
On ne peut plus imaginer Notre-Dame sans la flèche de Viollet-le-Duc : sa fin garantit sa résurrection. Cette cathédrale n’est plus un bâtiment « du Moyen Âge », à l’instar de tant d’autres, recomposés par les guerres, les accidents, les défaillances techniques. J’habite à l’ombre de la cathédrale de Chartres, qui a flambé quatre fois. La dernière, c’était en 1836, ce qui lui vaut depuis les années 1840 une superbe charpente métallique, façon capitaine Nemo, ignorée du public qui doit imaginer qu’elle est encore en bois.
Le Mont-Saint-Michel et sa flèche...
Le Parlement de Bretagne, à Rennes, que j’ai vu s’embraser en 1994, est désormais doté d’une charpente en béton. Tout ça s’appelle l’Histoire. Vous n’imaginez pas non plus le Mont-Saint-Michel sans sa flèche, qui date pourtant de la fin du XIXe siècle, ajoutée par un héritier de Viollet-le-Duc."