Je suis d'accord sur la honte qui motive cette demoiselle: c'est pour ça que je conseillais d'en parler peut-être à quelqu'un (mais je ne pensais pas à des amis, plutôt à quelqu'un de ormé pour ça, si ça peut permettre d'évacuer un peu), car s'enfermer dans une spirale de honte et de "hantise" en plus de la situation très précaire niveau argent, c'est sûr que c'est pas le mieux.laeliwo;4060294 a dit :lady-stardust-2;4059790 a dit :Quelqu'un peut m'éclairer sur le sens de cette phrase de Gabrielle?
Moi pas comprendre.
"Au fond, je n’ai pas vraiment besoin de ce crayon de khôl ou de cette palette de maquillage. Mais je vis dans la hantise que les gens devinent la faiblesse de mes revenus à mon apparence – et il m’arrive de voler quelques vêtements en arrachant un antivol et en le remettant dans le magasin."
Ça dépend énormément du milieu, mais parfois le maquillage est nécessaire, et son absence peut te valoir des surprises.
Déjà il y a la honte, de n'avoir moins que rien et de devoir beaucoup d'argent. J'ai grandi dans une famille aux revenus très modestes mais par je ne sais quel miracle je n'ai jamais manqué de rien. L'année dernière, je recollais mes semelles à l'agrafeuse, je ne mangeais pas à ma faim, mais je n'ai rien dit à personne, malgré la difficulté surtout psychologique de la situation. J'en ai parlé une fois mes ennuis financiers passés, des amis m'ont reproché de n'avoir rien dit, mais j'aurais préféré manger mes semelles, leurs agrafes et la couche de colle qui maintenait le tout plutôt que mes amis me regardent avec pitié ou gêne. Et de toute façon, qu'auraient ils pu faire ?!
Le budget maquillage n'a jamais été sacrifié par contre. Pour la bonne raison que dans certaines écoles, dont la mienne, il suffit de porter des tongs, d'avoir une barbe pour se faire haïr des enseignants. Au boulot c'est pareil, on te demandera d'être soignée, et naturel c'est souvent pas assez soigné pour le boss.
De plus, quand les 3/4 de ta promotion sont infiniment plus gatés que toi, t'as vite un malaise qui s'installe, et tu te démarque comme la fille qui ne prends pas soin d'elle, donc comment pourrait-elle s'occuper de son boulot ?
Sans compter les quelques personnes qui refusent toute ascension sociale et qui se demandent ce que tu fais dans le milieu si t'en as pas les moyens... no comment.
Bref, voler du maquillage pour entretenir une illusion auprès de supérieurs, enseignants, collègues... je comprends largement dans certains milieux que ça paraisse vital vu que ta réussite en dépend.
Il existe un racisme anti-pauvre, et c'est assez violent, même si heureusement ça se limite à certains cercles.
Ce qui est marrant, c'est que je me suis toujours considérée comme trop pauvre pour voler. Pas les moyens d'entacher mon casier, ma réputation bref de risquer quoi que ce soit qui compromettrais mes études.
Après bien évidemment que le paraître n'est pas une priorité, mais quand c'est celle de tes supérieurs, ça devient vite la tienne.
Mais je pense que c'est surtout la honte qui motive cette demoiselle.
je comprends aussi tout à fait pour le "paraître" qui dépend de certains milieux dans lesquels on évolue, on est bien d'accord.
Mais en fait je pense que j'avais mon interrogation en ayant en tête le fait qu'elle est en master d'histoire... pas vraiment le genre d'études où du maquillage est vraiment nécessaire à ta réussite professionnelle (si c'est le cas, merci de me filer une corde), et où donc j'ai eu un peu de mal à comprendre le lien "pas de maquillage = pauvre", qui est porteur en lui même d'un mépris sympa pour les filles qui ne se maquillent pas, sans que ce soit conscient.
Je crois que je déplore le fait qu'elle ait intégré des normes hardcore et qui ne sont pas partagées par tous, loin s'en faut.
Bien sûr je me doute bien que ce n'est pas ce que voulait vraiment dire cette demoiselle, mais c'est très révélateur je trouve de la société de (sur)consommation dans laquelle on vit: on en vient à faire d'un truc qui n'est pas forcément en lui-même un révélateur de pauvreté un truc qui la stigmatise...
En fait je crois que j'ai aussi fait ce lien dans ma tête car je comparais sa situation avec la jeune fille qui parlait des marques, des gadgets, de beau portable et... de maquillage ( des choses superflues en fait, mais pas à ses yeux car les autres en ont, donc c'est que c'est "normal" et ça devient un besoin).
Il me semble plus "productif" de remettre en cause cette vision de la "normalité" et du "besoin" pour espérer un peu mieux vivre (comprendre: ne pas se rajouter de la honte et des angoisses en plus de la pauvreté) que de tomber en plein dedans.
Je dis ça parce qu'il est illusoire de voir un jour disparaître les catégories riches/pauvres, alors si on peut essayer de moins se pourrir la vie en relativisant, je préfère.
Bien sûr ça passe aussi par le changement de mentalité de certains personnes qui ont les moyens de se payer des trucs en transformant du superflu en besoin et qui stigmatise ceux qui n'en ont pas les moyens.
Je trouve ça très bien les filles qui se maquillent, mais moins le fait d'en faire une obligation sociétale (dans le sens où cela devrait s'étendre à tous les milieux, pas seulement ceux où c'est obligé à l'instar d'un uniforme) sous peine d'être stigmatisé comme pauvre, "négligé" (je déplore comme toi le racisme anti-pauvre, ce stigmate ne devrait pas exister).
Se faire belle pour soi, oui (par exemple pour retrouver une dignité qu'on estime perdue à cause de la pauvreté), le faire parce qu'on se sent obligé pour ne pas se sentir déclasser par rapport aux autres, mouep... car finalement, dans tous les cas tu perds: est-ce qu'on se sent vraiment mieux en volant du maquillage dont on a pas besoin car les autres peuvent en acheter? Certes on se convainc qu'on ne parait pas "pauvre" aux yeux des autres mais on se rajoute un malaise à un autre (et globalement quand on porte ce malaise en soi j'imagine que la moindre broutille fait devenir soupçonneux: "il sait, il sait pas?", avec tout les sentiments négatifs qui vont avec...)
Je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis...